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Aram marchait d'un pas rapide. Sa jambe invalide le faisait souffrir, mais il n'avait pas le temps d'écouter son corps souffreteux lui brailler qu'il était trop vieux pour tout ça ; il le savait déjà. Lui qui avait été, quelques mois seulement auparavant, à deux doigts de rendre les armes et de s'offrir une retraite au calme dans sa propriété côtière, s'était vu confier la mission la plus importante de sa longue vie de soldat. S'il avait échoué à rapporter la Pierre et protéger Tillian, il s'était désormais juré de le ramener en vie à sa mère. De les ramener vivants, lui et Gelt. Sans parler de ses compagnons.
Et si pour tous les sauver, il devait creuser un trou dans la muraille du Roi fou, avec ses propres ongles, il n'hésiterait pas une seule foutue seconde !
Cela faisait près de deux mois qu'il les avait quittés. Deux mois qu'ils étaient tombés dans le piège de Mhùron. Deux mois aussi longs que six éternités.
D'une rotation des hanches, il contourna un étal de fruits confis qui embaumaient l'air et le chargeaient de notes sucrées, et continua sa filature.
Sa jambe de bois claquait fort sur les pavés des rues ensoleillées de la Haute Arcandie et sa grande silhouette enveloppée dans sa cape de voyage trop chaude pour la saison attirait quelques regards intrigués de riverains. Mais heureusement pour lui, le bruit de sa marche était étouffé par les allers des charrettes de marchandises, les sabots des chevaux, les cavalcades des enfants et les conversations du peuple ; et sa carrure était masquée par la foule dense qui faisait le marché en cette belle et douce matinée. On ne faisait pas attention à lui et à la pointe du long sabre dépassant de l'ourlet de sa cape plus de quelques secondes, et c'était pour le mieux. Il n'avait pas besoin que des curieux s'intéressent à lui et à l'objet de sa traque.
Fendant la foule abondante, il continua son chemin. La semelle de ses bottes continua à retentir à un rythme régulier tandis qu'il accélérait l'allure afin de ne pas perdre de vue sa cible.
Sur son côté, il fit coulisser son sabre, vérifiant ainsi, qu'il ne grippera pas s'il avait besoin de dégainer en vitesse. Car au vu de la proie qu'il traquait depuis des heures, il y avait de fortes chances à parier qu'il devrait s'en servir afin d'être plus persuasif. Non pas que sa stature de géant d'acier ne fût pas suffisante pour convaincre le plus téméraire des ennemis, mais il voulait mettre toutes les chances de son côté. Sa reine lui avait donner des ordres, et il ne les discutait jamais. Bien qu'au fond de lui, il sache pertinemment que cette partie de sa mission avait peu de chance d'aboutir.
Les Algaëls ne s'alliaient pas aux autres, fussent-ils mandatés par la couronne.
Le commandant des Lames Rouges s'engouffra sous un pont de pierre à la suite de celui qu'il suivait depuis de longues minutes. Ce dernier avait de si longues jambes que lui-même devait trottiner derrière comme un bambin, bien qu'il culminât à près de deux mètres.
Les rayons du soleil ne pénétraient pas dans le tunnel, et ses pupilles durent s'adapter rapidement afin qu'il puisse en discerner les contours. La galerie déboucha soudain sur le jour et il porta sa main en visière au-dessus de ses yeux, ébloui par la lumière vive et rasante de la matinée.
Lorsqu'il voulut reprendre sa traque, il sentit le fil d'une lame d'acier contre sa gorge.
— Merde, jura-t-il entre ses dents.
Il avait été stupide. Sa proie avait profité de l'effet de surprise induite par le fait que, pendant poignée de secondes, il devrait s'accoutumer à la lumière du soleil après avoir traversé le boyau sombre. Un souffle d'inattention. Mais suffisant pour un membre de cette guilde.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...