Chapitre quarante-deux, juste une gorgée

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Léné détestait les mondanités.

Il ne voyait pas l'intérêt de se pavaner dans des tenues extravagantes, plus onéreuses que trois pur-sang et moins confortables qu'une literie infestée de punaises. Il comprenait encore moins la nécessité de s'être habillé comme un coq de concours tandis que le Dieu adolescent, lui, n'arborait rien de plus sur son pagne qu'une ceinture en plumes de paon.

Le ruché de sa chemise lui grattait le cou. Léné avait beau l'étirer, la dentelle durcie à l'amidon ne se détendait pas d'un centimètre, l'obligeant à garder le menton haut dans une pose ridicule.

Aucun garde ne veillait sur l'entrée de Nek'vör ; ils pénétrèrent donc la cité en composant avec la foule qui se dirigeait d'un pas allègre vers la demeure de Vanyre et Eléfène afin d'assister à un bal que la rumeur qui gonflait déjà dans les rangs promettait inoubliable. Le couple de colosses que l'on apercevait de la plage en contrebas, encore plus majestueux de près, semblait respirer les effluves de cette nuit en pleine éclosion. Leurs corps d'or et de granite gardaient la cité des Dieux, écrasant de leur splendeur les créatures minuscules qui évoluaient sous leurs pieds.

Tandis qu'ils marchaient, Léné tira plusieurs fois sur l'arrière de sa culotte longue et bouffante avant que le tissu bleu satiné daigne se plier à sa volonté et cesse enfin de vouloir convoler avec son entrecuisse. Le désarroi visible du vampire amusait sans embarras Frenn, qui lui lançait des coups d'œil pétillants tandis qu'ils pénétraient dans un luxuriant jardin aux notes riches et exotiques.

La température était agréable et il y régnait une humidité juste suffisante pour que les plantes qui fleurissaient les différentes serres de la plantation s'épanouissent en de larges palmes chamarrées.

On avait disposé dans le jardin de la demeure différents buffets garnis de mets aux effluves épicés. Des voilages blancs délimitaient de petits salons intimes enrichis de coussins et d'étoffes derrière lesquels des groupes discutaient à voix basse à la lueur de la lune ou des chandelles qui bourgeonnaient les pelouses. Leurs ombres dansaient sur les tentures transparentes dans un jeu sensuel qu'accompagnait la mélopée d'un orchestre.

— Tu es certain que mon accoutrement à une autre utilité que ton simple amusement ? bougonna le vampire en remettant en place les chausses blanches qui galbaient ses mollets et ne cessaient de glisser.

— Certain ! Vanyre possède des goûts plutôt excentriques. Elle te remarquera du premier coup d'œil.

Léné se tue malgré son humeur taciturne. Il était certain que le Dieu se payait sa tête, mais ne voulait pas perdre de temps à discourir alors que, plus vite il trouverait Vanyre et son sang si précieux, plus tôt il pourrait réveiller Tillian et enfin partir à la recherche d'Annabelle. Léné ne doutait pas qu'elle et leurs compagnons aient survécu – il pouvait la sentir à travers leur lien – il espérait simplement les retrouver au plus vite. Il devait lui dire ce qui lui brûlait les lèvres depuis leur dernier baiser.

— Retrouvez-moi ici dans deux heures.

Léné s'extirpa de ses pensées. Les deux hommes s'étaient arrêtés devant une fontaine qui, vraisemblablement, déversait autre chose que de l'eau puisque les invités y plongeaient allègrement leurs coupes afin d'y recueillir un liquide mordoré et effervescent.

Il hocha la tête puis ouvrit la bouche en réponse, mais fut interrompu ; un valet en jaquette noire, leur tendait un plateau sur lequel étaient disposés des choux gonflés de crème.

— Une douceur, messeigneurs ? Elles sont fourrées à la crème de bergamote et aux baies dragon. Attention à vos papilles, l'association est... détonante.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant