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Tels deux chevaucheurs d'ombre, Euridice et Vania semblaient insaisissables.
Tels deux cavaliers de mort, ils fendaient la peau, perçaient la chair, coulaient le sang et ôtaient la vie.
Passés au fil de leurs lames, les soldats qui ne pouvaient entrer que par groupes de trois ou quatre dans la salle mouraient avant d'avoir heurté le sol. Car s'ils n'étaient pas mauvais combattants, les conditions étaient loin d'être en leur faveur.
Bientôt, ce fut un amoncellement de corps qui jonchèrent l'entrée du salon, obligeant les assaillants suivants à marcher sur les cadavres afin d'y pénétrer. L'odeur de la mort flottait dans l'air. Une odeur de viande froide macérant dans le sang. Mais l'on n'y faisait pas attention. Tout ce qui importait à cet instant, c'était suivre les ordres. Coûte que coûte.
De l'autre côté du monticule de chair, Euridice, libérée de son hörr, pouvait enfin user de son don, se rendant tantôt visible, tantôt invisible au gré de ses parades d'escrime. Sous sa lame autant que sous celle de Vania, une dizaine de soldats périrent en moins de dix minutes.
Derrière eux, Gelt tenait fermement sa sœur contre lui, de peur que s'il relâche sa pression sur son corps tremblant, elle ne s'étiole. Il s'inquiétait de la vitesse à laquelle l'état d'Annabelle se dégradait. Car, les notions de médecine et d'anatomie qu'il possédait grâce à sa formation de magicien ne lui permettaient que trop bien de savoir que le sang de Tahis, rejeté par son corps, n'aurait pas dû la mettre dans cet état. Pas si vite. Pas s'il n'avait été qu'ordinaire et non gorgé de la magie du lien. Cela lui arrachait la gorge de l'avouer, mais elle avait besoin de Léné.
Dans son poing, les reliefs de la garde de son épée s'incrustèrent dans sa paume. Il releva les yeux du visage en sueur de sa sœur pour assister à une nouvelle mise à mort.
Euridice n'eut pas besoin d'éviter l'épée de l'assaillant suivant : lui et les autres avaient reçu l'ordre strict de la garder en vie. Elle se contenta donc d'abattre son bras armé d'un mouvement aussi rapide que précis. Le soldat tenta de jeter un œil sur le couteau qui venait de se ficher dans sa jugulaire, mais ne parvint qu'à loucher grotesquement. Lorsqu'elle récupéra sa lame, une giclée de sang frais tacha son visage, la maquillant d'effrayantes peintures de guerre. L'homme s'effondra à ses pieds.
À côté d'elle, comme en réponse à un mimétisme inné, Vania retira son épée du fourreau de chair dans lequel il venait de la plonger puis tourna la tête vers son amie. Dans son regard, toute trace de cet humour et de cette bonne humeur, si caractéristique chez lui, s'était effacée. Ne laissant place qu'à des prunelles froides, dénuées de chaleur. Il n'était plus que l'arme que son mentor avait créé des années plus tôt. Un arracheur d'âmes aux gestes aussi précis que mortels.
Devant eux – derrière le tas de cadavres – les soldats hésitèrent. Ils connaissaient les ordres, étaient dévoués à la couronne, mais finir dans une file qui menait directement à l'enfer, avait de quoi refroidir les plus téméraires. Le gradé, resté en retrait derrière ses hommes, en attrapa un par le col et le poussa vivement en avant. Le soldat trébucha sur les premiers corps et bascula, les mains plaquées contre un plastron ensanglanté, gravé d'un marteau, d'un épi de blé et d'une couronne.
— Qu'attendez-vous pour attaquer ?! hurla-t-il tandis que le garde se relevait gauchement.
Son visage était aussi rouge que sa cape et sa colère semblait autant briller que les reliefs dorés de son armure d'acier rutilant.
L'un de ses officiers - à la cape plus courte et plus sombre afin de marquer son grade inférieur - se pencha vers lui, jetant un œil aux deux bêtes sauvages essoufflées, mais bien alertes, qui avaient tant clairsemé ses rangs.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...