Partie 2

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Pour Justin, c'était le jour qui se faisait nuit, le beau qui se faisait laid. Il est plus dangereux d'aller pour la première fois parler à une fille quand celle-ci est accompagnée d'une autre, que de se rendre dans la Jungle amazonienne. Justin pensait, et repensait à l'approche la plus favorable pour approcher la jeune fille encore une fois et peut-être, gagner son numéro de téléphone.
La conversation de Carlie et son amie allait bon train derrière lui, elles riaient à gorge déployée, parlaient fort, et faisaient de grands gestes avec leur main. Justin prêtait alors l'oreille avec attention, de quoi intégrer la conversation sans se casser les dents. Quand soudainement, un "agent marketing", comme on les appelle, fit irruption dans le bus et se mit à vanter les mérites de ses produits, notamment un savon d'argile qui faisait des miracles sur les peaux abîmées. Il souleva une discussion surchauffée dans le bus sur les femmes qui s'éclaircissaient la peau. Plus question d'attirer l'attention des jeunes filles qui se laissaient entraîner par la polémique que ce sujet soulevait parmi les passagers.
Justin eut beau se creuser la tête, il n'arrivait pas à concevoir un nouveau plan aussi parfait que le premier. Tellement de paramètres à prendre en compte à présent. Soudain, Carlie demanda au chauffeur d'arrêter car elle était arrivée à destination. Ils étaient déjà arrivé à Portail-Léogâne. Le chauffeur freina brusquement tant bien que mal, provoquant un grognement généralisé parmi les passagers. Ce n'était pas leur premier grognement. Il n'en revenait toujours pas que cela les fâche encore. Mais il avait d'autres soucis en ce moment. Carlie s'apprêtait à passer près de son siège dans le couloir pour se diriger vers la sortie, suivie de son amie. Tous ses espoirs étaient en train de partir en fumée. Quel diable avait choisi ce moment précis pour le frapper de mutisme !
Dans un élan de spontanéité, Justin décida de descendre après elle, de la rattraper, d'aller lui parler. Il savait quoi lui dire, tout était écrit dans son esprit, fallait juste que les mots se décident à sortir. Il s'apprêtait à descendre quand il remarqua quelque chose qui attira son attention et qui se révéla être la carte de bibliothèque nationale de Carlie, qu'elle avait sans doute fait tomber sans le remarquer quand elle s'empressait de monter dans le bus. Ce fut avec empressement que Justin s'empara de la carte, on eut dit qu'il s'accaparait d'un billet de mille gourdes avant que d'autres n'aient le temps de le voir. Cette carte représentait beaucoup à ses yeux, c'était une deuxième chance que le hasard voulut bien lui accorder et il n'avait pas l'intention cette fois de la laisser passer.
           - Excusez-moi ! Laissez-moi passer !! Carlie attends s'il-te-plaît ! Criait Justin.
Arrivé près d'elle, il ne pouvait plus respirer tellement il avait couru. L'amie de Carlie barrait le chemin, comme pour la protéger de ce jeune qui agissait étrangement. Il tendit la carte à Carlie, son amie l'attrapa sans douceur et demanda l'air soupçonneuse :
- Il a ta carte de bibliothèque Carlie ! Comment il l'a eue ?
- Je l'ai trouvée par terre, expliqua Justin.
- Merci beaucoup, Ju... répondit Carlie qui ne se rappelait plus le prénom du jeune homme.
- Justin. S'empressa de dire celui-ci le corps tremblant de stress.
- Ah oui ! Justin ! Excuse-moi, je n'ai pas la mémoire des noms. Je te présente Mirabelle, mon amie, répondit Carlie dans un doux sourire.
- Enchanté Mirabelle, dit Justin.
- Mmmm... marmonna celle-ci.
Carlie se retourna déjà pour partir, brusquement il agrippa son bras, un acte rude mais purement désespéré.
Étonnée, Carlie le regarda les yeux ronds. Mirabelle le fusilla du regard. Uniquement Carlie existait aux yeux de Justin.
- Comment puis-je faire pour te revoir ? S'entendit-il dire.
Ces mots-là avaient vraiment franchi la sortie de ses lèvres ? Justin n'en croyait pas ses propres oreilles, tout en guettant timidement la réaction de la jeune fille. Mirabelle s'interposa entre eux et dit l'air sévère :
- Mon amie n'est pas une fille à faire amie avec le premier venu.
- Mais non, Mirabelle ! Ce n'est pas la première fois que je rencontre Carlie dans un bus. Juste que c'est la première fois que j'ai eu le courage de lui parler.
Carlie éclata de rire, tira son amie par la manche et rétorqua d'un air moqueur :
-C'est ma première fois à moi ! Si tu es si chanceux, permets au hasard de nous réunir une deuxième fois ! Et peut-être alors on pourra se passer du hasard pour se revoir.
Il ne s'attendait pas à cette réponse, le temps qu'il réfléchisse de quoi répliquer les jeunes filles avaient déjà traversé le carrefour. Elles étaient si jolies dans leurs robes. Carlie étaient un petit peu plus grande que son amie ; avec sa coiffure afro, ses cheveux défiaient la gravité, pointant comme des épis dorés au soleil.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant