Partie 5

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La tête appuyée sur la vitre de la voiture Carlie était distraite dans ses pensées, elle se cogna fort la tempe droite lorsque la voiture se heurta à l'un des innombrables nids-de-poule qui parsemaient la route de Carrefour. Cette route méritait depuis des lustres d'être reconstruite, les autorités locales ne faisaient que la réparer pour les occasions spéciales comme les fêtes de fin d'année ou le 18 mai. Mais dans notre cas le terme réparation est un euphémisme car elle consistait essentiellement à verser quelques mètres cubes de goudron sur des nids-de-poule déjà énormes ou sur quelques dizaines de mètres de route trop endommagés pour être négligés.

La jeune fille se massa la tempe, foudroya son frère au volant qui riait de son malheur, et une migraine lancinante se fit sentir. Elle n'avait plus la force d'arguer contre son taquin de frère, l'image de Justin remplissait son esprit, la préoccupait. Avait-elle fait le mauvais choix ? Ce sentiment d'avoir quelque de spécial, d'être promise à vivre quelque chose d'inédit était-il trompeur ? Était-ce sa solitude qui lui jouait des tours ?

- Il attendait quelqu'un a-t-il dit, murmura-t-elle tout bas.

- Hé ! Tu parles encore toute seule ? notifia son grand frère.

- Non, non ! Ce n'est rien Charly...Je réfléchissais juste à quelque chose.

- Oui, tu réfléchissais au garçon que tu viens de passer ton numéro.

Carlie faillit s'étranglé avec sa salive.

- Comment ?

- Je suis descendue de la voiture, j'étais allé vérifier qui tu allais voir, répliqua son grand-frère posément.

- Mais putain qu'est-ce-qui t'a pris ? cria-t-elle en colère, elle se sentait violée dans son intimité.

Charles-Henry soupira et ordonna avec calme :

- Carlie, excuse-toi immédiatement ! Qu'est-ce qui te prend de me parler sur ce ton ?

- Je suis désolée, pardonne-moi grand frère...j'étais juste surprise de savoir que tu m'espionnais. dit-elle en détournant son regard de son frère.

Comme ils étaient arrivés chez eux, Charles-Henry se gara et descendit de la voiture. Sa sœur en fit de même et courut directement vers la maison. Au passage elle croisa sa mère sur la galerie qui écoutait prêcher un pasteur à la voix envahissante, on eut dit que celui-ci était prêt à sortir de la radio pour prendre la vieille femme par le collet afin qu'elle bénisse Dieu. Elle salua sa mère en l'embrassant rapidement sur la joue et alla directement dans sa chambre. Carlie ne partagea plus cette petite pièce avec sa grande sœur qui s'est mariée il y à peine un an de cela. Étant la benjamine de la famille, elle était très gâtée, car elle n'a pas a eu à subir les douleurs et manquements des plus grands, mais également, son frère et sa grande sœur aidée de sa mère font tout ce qui est de leur possible pour l'épargner toutes souffrances inutiles ; y compris la possibilité de souffrir de ses propres erreurs.

Elle se sentait si lasse ; elle enleva ses habits comme si elle était en feu. Ses sandales, sa jupe jeans, et son corsage se virent expédiés dans un coin de la pièce. Il faisait noir, il n'y avait pas d'électricité, elle avait soudainement si chaud. Elle devra attendre que son corps se refroidisse avant d'aller prendre une douche réparatrice ; peut-être ainsi elle pourra calmer sa migraine et sa colère. Elle se libéra également de son soutien-gorge qui semblait vouloir l'étouffer tout d'un coup, et s'assit sur son lit. Elle aurait aimé que sa sœur soit là, ainsi elle aurait pu se plaindre de l'indiscrétion de Charles-Henry. Soudain elle entendit quelqu'un toquer doucement sur sa porte.

- Je suis nue, cria-t-elle

- Tu t'es déjà déshabillée ! T'inquiète, je te nettoyais étant enfant, j'ai pu voir tout ce que tu aurais pu me cacher. Répondit doucement Charles-Henry.

- Charly ! N'entre pas ! hurla-t-elle pendant qu'elle se cacha péniblement avec le drap de son lit.

Charles-Henry, entra quand même et se tenait dans l'embrassure de la porte, ne voulant pas trop la brusquer. Il soupira et dit doucement :

- Écoute, je m'excuse pour tout à l'heure. J'ai été indiscret et ensuite trop dur avec toi.

Silence.

- Je suis ton grand frère et si j'ai voulu voir quelle est cette personne ma petite sœur chérie s'empressait d'aller voir c'est parce que tu comptes beaucoup à mes yeux, continuait-il sur son ton protecteur.

- Je sais Charly, mais je n'ai aucun secret pour toi, pourquoi ne pas m'avoir pas attendue, je t'aurais tout dit. dit-elle boudeuse.

Charles-Henry sourit dans le noir, puis lui dit :

- Désolé de trop t'aimer ma chérie.

Carlie ne répondit pas, l'attitude surprotectrice de son frère l'a toujours plu, et il l'a toujours écartée de tout danger, toujours à l'écoute de ses moindres petits caprices. Le plus attentionné de tous les frères, mais un peu trop attentionné aujourd'hui qu'elle souhaitait prendre son indépendance.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant