Partie 28

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David regarda autour de lui, il vérifie si personne ne suivait la scène, puis retourna à sa table calmement. Il s’assit un moment sur sa chaise, comme s’il voulait laisser du temps à la fille de quitter l’enceinte du complexe de Clercine. Après que les premières minutes de surprise eurent passé, il se blâma de l’avoir laissé partir et pensa à l’appeler pour s’excuser. Mais il se ravisa, car s’excuser ce serait admettre qu’il avait fait quelque chose de mal. Et il ne voyait pas les choses ainsi, à son avis ce n’était qu’un simple baiser. Et elle qui l’a pris pour une violation de sa personne!

    « Ce n’était qu’un petit geste, qui devrait démontrer à la fille à quel point elle me plait. D’ailleurs, ce sont toujours les femmes qui attendent que les hommes fassent le premiers pas. Cela fait des  mois que je la flatte pour sortir avec moi, et elle qui s’effarouche pour un simple baiser. Ce n’était pas nécessaire que Carlie se mette sur ses grands chevaux, juste pour un baiser volé. Elle savait mes sentiments pour elle, et je l’ai bien notifié que je voulais lui prendre ce baiser, elle était au courant. Elle ne voulait que se montrer supérieur, avec ses prétendues attitudes féministes. Je me demande si elles seront toujours aussi féministes avec un vrai mâle dans leur lit. » Réfléchissait-il tout haut. Soudainement il se sentit un petit peu bizarre, à s’asseoir tout seul avec deux plats devant lui, et une chaise vide. Il regretta un peu son geste, l’après-midi aurait pu bien se dérouler avec elle. Il pensait un moment s’il avait usé d’un peu de patience, peut-être qu’il aurait pu obtenir bien plus d’elle qu’un simple baiser volé.

Le jeune homme l’air penaud quitta lui aussi l’enceinte du complexe quelques minutes après le départ de la jeune fille. Il hésita un moment à traverser la rue, ne voulant pas la croiser, et surtout ne sachant pas quoi lui dire s’il venait à la revoir encore une fois après cet affront. Il persistait avec l’idée que réellement il n’avait rien fait de mal. Et qu’au contraire, c’était elle qui l’avait humilié, c’était elle qui s’est servie de ses sentiments pour le détruire, pour le rabaisser. Ces femmes féministes ne savent plus où sont leurs rôles, leurs places, elles ne comprennent plus qu’elles doivent apprécier l’attention d’un homme, elles ne savent plus comment plaire. Qu’un garçon veuille lui prendre un baiser sans son autorisation devrait flatter toute fille ! Par son action, il avait démontré qu’il est un homme qui est prêt à tout pour l’avoir, même si cela veut dire également qu’il est prêt à aller au-delà de la volonté de Carlie. Le jeune homme réfléchissait toujours en ces mots : « Je ne voulais pas croire à ses rumeurs, mais là, tout se confirme. Cette fille à de gros problèmes de relations humaines. Franchement, elle aurait dû refuser gentiment, puis j’aurai insisté doucement et finalement elle aurait dû accepter mon baiser. N’est-ce pas ainsi que fonctionnent toutes les filles ? Elles font semblant de refuser gentiment pour finir par accepter de bonne grâce. Elles adorent être flatté, être mise sur un piédestal. Ne l’ai-je pas assez cajolé ? Il n’y a qu’une explication, cette fille a de mauvaise relation avec les hommes parce qu’elle ne peut pas aimer un homme. D’ailleurs, son amie elle-même l’a dit, elle ne peut aimer. Cependant, je pense bien que Mirabelle lui plaît. Oui, cela doit être cela, Carlie aime les femmes. C’est pour cela qu’elle m’a refusé ainsi, et c’est pour cela que personne n’est au courant de qui est son ex, avec qui elle sort, ou qui l’a baise, depuis son entrée à la faculté il y a de cela plus de quatre années maintenant. »

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           Debout sur l’autre bord de la route il vit Carlie assise presque au pied de la porte du « Pap Padap ». C’est l’une des positions les plus dangereuses dans ces mini-vans, l’un des plus inconfortables également. En temps normal l’homme assis près d’elle, pour la protéger dirait-on,  aurait gentiment accepté de prendre cette place qui est certaine fois réservé aux « Bèf Chenn ». Les « Bèf Chenn » font office de Co-pilotes, ils sont également des contrôleurs qui viennent collectés l’argent du voyage entre les mains des passagers. Ce boulot n’est pas vraiment considéré chez nous, de ce fait, ils sont souvent méprisés, traités comme des moins que rien. De plus, leurs origines pauvres et marginalisées les condamnent à subir ces conditions déshumanisantes. Comme conséquence de ce traitement, ils sont en colères, parfois ils ont la rage même. Du coup,  les injures fusent à chaque regard de travers qu’un passager hasarde à faire. Les menaces, coups et blessures jaillissent, à chaque mot déplacés des passagers. C’est assez frustrant d’avoir payé son argent, souvent largement au-dessus du montant exigé par la loi, pour recevoir de tel traitement haineux et irrespectueux de la part de ces travailleurs. Mais on ne reçoit en retour que ce que l’on avait donné. La vie n’oublie jamais le mal qu’on lui a fait, et elle vous le rend au centuple, innocent ou pas, concerné ou pas. Anonymement, impersonnellement, elle vous éclate à la figure, les conséquences suivront jusqu’à la septième génération.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant