Partie 12

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Si Carlie était bel et bien aux côtés de Mirabelle, ce n’était que physiquement, car elle était perdue dans ses pensées. Alors qu’elle l’écoutait raconter comment elle allait pouvoir gérer deux relations simultanément, elle pensait à sa vie, à elle qui peinait à entamer une relation. Voilà que son amie était dans l’embarras du choix ; il faut croire que l’équilibre n’est pas affaire humaine ! A un certain moment, Mirabelle s’étant aperçue de la passivité de son amie, commença à lui bombarder de question. Curieuse comme elle est, les réponses à demi-mot de Carlie ne lui suffisaient pas. 
– Dis-moi Carlie! Tu es avec moi ou ailleurs ? Je n’ai pas l’impression que tu m’écoutes. D’ailleurs tu es comme ça depuis quelques temps ! Il y a du nouveau dans ta vie ? Tu es amoureuse ?  Me cacherais-tu…des chooooses ? demanda Mirabelle en accentuant sa voix sur le dernier mot. 
Face à tant d’insistance Carlie l’interrompit:
–  Arrête Mira! Ça devient lassant à la fin ; depuis quand je te cache des trucs ?
A peine finissait-elle ces mots, que Mirabelle, peu convaincue, se saisit du téléphone de son amie qui était sur le lit, et tomba directement sur la dernière conversation qu’elle avait eue avec Justin. Rapidement elle se pressa de récupérer son téléphone, et dit avec colère : 
–  Combien de fois, dois-je te dire que je déteste quand tu vas fouiller dans mes messages ? 
–  Oui, je sais bien ! Mais je m’en fiche pas mal. Tu es ma meilleure amie, si je ne peux pas lire tes messages, qui d’autre en aura le droit ? Et tu viens de gâcher mes ongles fraichement vernis. répondît Mirabelle avec aplomb.   
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Carlie ne répondit pas, elle savait que c’était inutile d’argumenter sur ce sujet avec Mirabelle. Celle-ci partageait tout, était ouverte et à l’aise avec tout le monde. Elle ne faisait pas trop la différence entre la vie privée et la vie publique. Souvent elle se moquait lorsque son amie lui disait d’être plus discrète, ou de bien se tenir en public. Elle avait quelque fois des comportements très libertins, venant en cours sans sous-vêtements, ou les enlevaient carrément dans un coin de la cour de la faculté. Elle disait que son soutien de gorge l’étouffait, et elle adorait sentir la pointe de ses seins libre de toute entrave non-nécessaire imposé par la société des hommes. Ils sont tellement sensible, ses seins, se plaignait-elle, qu’elle ne pouvait se permettre de les laisser enfermer trop longtemps. En plus, les sous-vêtements des femmes sont tellement inconfortables, les petites culottes ne laissent pas respirer le vagin, et les soutiens gorge vous tiennent littéralement par la gorge certaines fois. De plus, ils  ne seraient pas sans lien avec certains cas de cancer du sein. Pourquoi se faire du mal juste pour satisfaire une exigence vestimentaire excessive, arguait souvent Mirabelle. Sa thèse concernant la fascination des hommes pour les parties dites intimes des femmes est un peu originale. Elle prétend que cette fascination du sexe masculin, une fascination malsaine quelque fois, est due au fait que les parties dites intimes des femmes sont dès le jeune âge cachées. Et, les parents construisent tout un mythe autour de ces organes, qui en réalité n’ont pas plus de valeur que le pied, les yeux, ou les doigts d’une personne. De même, l’acte sexuel ne devrait pas être banalisé, mais devrait avoir le même statut que manger, dormir, aller à l’école, et autres.  La démystification des organes sexuels des hommes et des femmes, la désoccultation de l’acte sexuel ou de l’acte de mettre au monde, résoudra de nombreux problèmes sociaux, et comblera le fossé creusé par la société entre les hommes et les femmes, rêvait Mirabelle. Carlie avait eu de longues discussions avec elle sur la question de genre, la place des femmes dans la société ou même de l’absence d’une éducation sexuelle ouverte dans beaucoup de familles haïtiennes et à l’école. Elle partage les idées de son amie, cependant elle ne va pas cesser de mettre des culottes ou des soutiens de gorge en signe de protestation.
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–  Qui est ce Justin ? demanda Mirabelle qui n’abandonne jamais. 
–  Juste un mec à qui j’ai donné mon numéro il y a quelques semaines. répliqua Carlie en voulant paraitre désintéressée.
–  Depuis quand distribues-tu ton numéro de téléphone aux inconnus ? Ma mauvaise influence porte ses fruits à ce que je vois. ricanna Mirabelle. 
–  Dans tes rêves Mira ! Ce n’est pas un inconnu, toi aussi tu le connais. On s’était rencontré dans un bus qui se rendait à Portail-Léogane. 
–  Je ne me rappelle pas. 
–  C’était quand je t’ai rencontrée à Fontamara, tu disais sortir de l’hôtel « Royal Haitian ». 
–  Ah oui ! J’étais allée chercher quelques informations pour mon cousin qui pensait organiser une activité là-bas, un séminaire je crois ! Mais comment a-t-il eu ton numéro ? demanda son amie perplexe. 
–  Quelques semaines plus tard, je l’ai rencontré, je me suis sentie mal de l’avoir humilié la dernière fois, alors je le lui ai donné. 
– Haha! Petite cachotière ! Que vois-je là ? Tu t’intéresses à un mec sans même m’en parler ?
–  Non ! Tu te trompes ! Cela n’a rien avoir avec cela. 
–  C’est vrai ce mensonge, Carlie ? demande-t-elle l’air taquin. 
Elle détestait lorsque Mirabelle lui demandait cela, elle s’énerva, et prétendit être en retard pour un rendez-vous important qu’elle eût totalement oublié et s’en alla presqu’en courant. Son amie et l’esthéticienne ricanaient dans son dos, car elles savaient qu’elle s’enfuyait pour ne pas répondre aux questions.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant