La météo annonçait de la pluie pour toute la semaine, Carlie aimait bien l’idée d’avoir du mauvais temps chaque jour, car le temps s’accordait parfaitement avec son humeur, qui était morose, terne, et assassine. Plus d’une semaine avait passé depuis ce jour-là et elle en voulait toujours à la terre entière. Si seulement elle pouvait disparaître, ne plus revenir, partir au loin, là où personne ne la connaissait, afin de tout recommencer. On dirait que partout où elle se rendait et qu’il y avait quelqu’un qu’elle connaissait, on passait le message qu’elle était très mauvaise dans les relations humaines, que l’on pouvait avoir de bon rapport avec elle et pas plus. La rumeur de sa dispute avec Mira s’était répandue comme une traînée de poudre dans la faculté. Tout le monde disait qu’elle avait trahi sa meilleure amie, car elle ne comprenait rien aux affaires de cœur. Et qu’elle avait des problèmes de rapport humain, qu’elle avait des pensées suicidaires et ne s’était jamais remise de la mort subite de son père dont elle était très proche. Le regard des autres se faisait inquisiteur et accusateur.
David devenait de plus en plus insistant, aidé du fait que Carlie n’était plus amie avec Mirabelle dont il ne supportait pas la présence. Il l’appelait de plus en plus souvent, il l’écrivait, et se comportait comme s’ils étaient des amis proches. Carlie détestait cela, et se demandait comment faire pour repousser la seule personne qui n’hésitait pas à venir lui parler à la faculté, et qui se comportait encore comme un ami avec elle malgré toutes les méchantes rumeurs. Elle se refusait à penser que Mirabelle avait quelque chose à voir avec ces rumeurs qui circulaient sur elle, même si elle admettait qu’il y avait des aspects qu’elle n’avait partagés qu’avec Mira. Elle espérait en son for intérieur que tout ce malentendu s’arrangerait et qu’elle arriverait à recoller les morceaux avec sa meilleure amie.
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Dans l’une des compagnies distributrices de matériaux de construction et d’appareils électroménagers de Tabarre, Carlie faisait une liste pour son grand frère et était allé prendre un pro forma de plusieurs articles dont il avait besoin pour faire quelques rénovations dans la maison familiale. A ce moment, son téléphone sonna et pour la énième fois de la semaine c’était David qui le rappelait encore pour la bière qu’il voulait lui offrir. Elle se plaignit qu’elle était à Tabarre et qu’elle était très loin du centre-ville. Mais la chance n’était pas avec elle ce jour-là, car sa difficulté ne tenait pas la route. Immédiatement, David lui donna rendez-vous pour Clercine, elle ne pouvait refuser car il laisserait la Plaine pour venir la voir expressément. Avant même qu’elle trouve une autre excuse, il avait raccroché en pensant l’affaire classée.
La jeune fille se résigna à passer le reste de son noir après-midi en compagnie de David. Ce n’était pas qu’il était sans valeur à ses yeux, cependant, le jeune homme n’avait rien d’intéressant, surtout après la rencontre d’une personne aussi attirante que Justin. Le jeune homme paraissait fade et pâle devant les couleurs qu’affichait son rival.
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La salle de l’Epi d’Or de Clercine était bondée, ils durent s’asseoir dehors, dans une salle qui ressemblait à une grande allée, toujours à l’intérieur du Complexe de Clercine. C’était le premier mauvais point de David. C’est vrai qu’elle ne s’attendait pas à une rencontre en amoureux, c’est-à-dire, table pour deux, nappe blanche, bougies allumée, verres de vin et viande rouge. Mais se voir à boire de la bière et manger des crêpes salées, qui n’avaient que de crêpe que le nom et dont le goût était la dernière chose à laquelle elle s’attendait, c’était au mieux acceptable. Gentiment, Carlie grignotait sa crêpe et ne répondait que brièvement aux questions de son compagnon. Elle n’espérait pas beaucoup, mais ne s’attendait pas à si peu.
– Je ne pensais pas que la salle serait si bondée, déclara-t-il après de longues minutes de silence aride.
Ces silences n’avaient rien de celles qu’elle avait partagées avec Justin. Elle regrettait amèrement d’avoir accepté de venir. Et la jeune fille se demandait comment lui signifier durement, mais surement que plus jamais, il n’aura l’occasion de sortir avec elle, encore moins d’espérer autre chose entre eux à l’exception de bons rapports de camaraderie à la faculté.
– Oui, c’est Epi d’Or quand même ! répliqua-t-elle un peu trop durement qui trahissait sa désapprobation sur le choix de l’endroit pour un premier rendez-vous.
– Ah ! Tu n’aimes pas Epi d’Or ? demanda-t-il l’air hébété. Tu aurais dû me le dire, je t’aurais amenée ailleurs.
– Non, ça va.
– Tu faisais quoi à Tabarre exactement ? demanda-t-il tout de go.
Carlie qui avait le coude sur la table, mit sa main devant bouche, levait un sourcil et le fixa droit dans les yeux sans rien dire.
– Oh ! Je n’aurais pas dû demander. Je suis désolé. s’excusa-t-il rapidement.
– Non, ça va.
– Tu m’intimides beaucoup tu sais, avoua-t-il l’air tellement stupide. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai passé tellement de temps à t’admirer de loin.
– Pourquoi de loin ? demanda-t-elle indifférente.
– Pour beaucoup de raisons, peut-être parce que tu paraissais tellement inaccessible et si différente des autres filles de la faculté. Et il y avait aussi ton amie Mirabelle, que je n’aime pas du tout, ce qui n’est pas un secret pour personne.
– En quoi je paraissais si différente et inaccessible? questionna-t-elle, qui devenait curieuse et prenait enfin intérêt à la conversation.
– Eh bien ! Tu es différente, dans le sens que je te vois toujours à l’écart, tu ne ris pas souvent pour ne pas dire jamais des blagues, on ne t’a jamais vue flirter avec un garçon, on ne t’a jamais entendue t’exprimer en classe pourtant tu exploses toutes les notes.
– Ah c’est en ce sens-là. D’accord. dit-elle, qui s’attendait à bien plus de la part de lui. Et elle qui le trouvait intelligent.
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David approcha sa chaise doucement de celle de Carlie, envahissant ainsi l’espace vital de la jeune fille, chose qu’elle désapprouvait fortement. La soirée se passait assez mal que ça, elle n’avait aucune envie que la situation s’empire avec lui. Elle réfléchissait à une façon de lui faire savoir que c’était agréable cette rencontre mais que cela devait s’arrêter-là et qu’il ne pouvait rien avoir de plus entre eux.
– Si je te disais que j’ai envie de te voler un baiser. déclara-t-il soudainement l’air doucereux.
– Je te dirais que ce n’est pas une bonne idée. répondit-elle fermement.
« Alors c’est son ton charmeur ! Et c’est tout ce qu’il a dans le ventre, que c’est pitoyable ! » pensa-t-elle
Le jeune homme resta silencieux pendant un moment, et semblait réfléchir, puis brusquement happa la bouche Carlie. C’était un assaut de baves et de langue, vers ses lèvres qu’elle garda fermées. Alors il la prit dans ses bras et la força à ouvrir ses lèvres et introduisit sa langue qui farfouillait dans la bouche de la jeune fille. Elle refoula une envie de vomir, lorsqu’elle pensa que la langue du jeune homme se comportait comme un gros vers dans sa bouche, et elle le repoussa immédiatement après. L’instant ne dura pas plus de 20 à 30 secondes, mais elle eut le sentiment que c’était une éternité. Ses yeux lançaient des éclairs lorsqu’elle s’éloigna de lui en se levant de sa chaise.
– Je ne sais pas si c’est un sursaut de masculinité que tu penses avoir en attaquant de cette façon ma bouche, ou si c’est à cause d’une quelconque règle imposée par la société machiste dans laquelle nous vivons, qui t’a fait penser que tu avais le droit de me voler un baiser comme tu dis. Cette rencontre est terminée, je rentre chez moi David. dit-elle d’un trait en tournant les talons.
– Attends Carlie ! Pardon ! Je ne voulais pas te blesser ou te manquer de respect. cria-t-il en la rejoignant.
– Ne me suis pas David ! ordonna-t-elle durement.
– Quoi ?!
– Je rentre chez moi, et cela seule. Nos routes se séparent ici. expliqua-t-elle fermement.
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Kaléidoscopie d'une vie
Storie breviJustin et Carlie grâce à la complicité du hasard se sont croisés dans un bus qui quittait Carrefour pour le Centre ville de Port-au-Prince. Depuis lors, les fils de leurs vie se sont entremêlés ; formant ainsi un noeud d'affection, de complicité et...