Partie 42

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Il y a cette légende populaire ici chez nous qui fait croire que lorsqu'une personne parle d'une autre et cite son nom fréquemment durant cette conversation, la personne dont il est question aura les oreilles qui sifflent. Eh bien, croyez-le ou non qu'en ce même moment Carlie était avec Justin et Jenna, avait les oreilles qui sifflaient durant son trajet en voiture pour Jacmel. Et chose encore plus intéressante, Carlie apparentait ses oreilles qui sifflent à sa mère ou Charles-Henry son grand-frère. Elle avait des sueurs froides qui lui couraient le long de son dos, ses mains étaient moites et son cou lui faisait mal. Elle avait la sensation qu'elle portait tout le poids du monde sur ses épaules. Il y a bien longtemps qu'elle n'avait pas ressenti cela, cette peur qui vient de ses tripes, s'infiltre dans sa peau, se mélangeant avec sa sueur. Elle puait littéralement la peur, et Justin ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il avait envie de faire demi-tour, mais ils avaient déjà parcouru beaucoup de route, de plus ils savaient qu'ils ne pourraient pas retenir Jenna si elle devait passer encore une journée sans avoir de nouvelles de Saradjie.

Justin lui avait proposé d'aller voir sa mère avec elle, mais Carlie refusa catégoriquement. Elle craignait que la présence du jeune homme ne complique encore plus la chose. Et de cela la jeune fille avait raison, il n'avait pas insisté de peur de l'inquiéter encore plus, mais l'état de panique dans lequel elle se trouvait n'était pas normal. Il lui fallait la rassurer, il y avait un fast-food dans une station à essence sur la route, Justin décida de faire un stop. A peine eût-il garé la voiture que Carlie bondit dehors et alla vomir ses tripes sur le bord de la route. Il resta un moment éloigné d'elle, expliqua à Jenna qu'elle pouvait rentrer se reposer un peu, et que son amie ne sentait pas trop bien. Pendant ce temps, Carlie avait fini de vomir, elle s'était éloigné un peu plus, elle avait l'air tellement bouleversée. Le jeune homme ressentait son besoin de rester seule, mais pragmatique comme il était, il réfléchissait à la quantité de temps que la fille aurait besoin pour se reprendre. Il leur restait quand même un bon bout de chemin à parcourir et il n'avait pas prévu de rester dormir à Jacmel.

Avec précaution, il s'approcha d'elle et lui toucha l'épaule par derrière. Carlie qui était perdue on savait où, poussa un petit cri de terreur. Justin la retourna brusquement et la força à lui faire face, il essayait d'entrer en contact avec elle, mais c'était peine perdue. Elle s'obstinait à garder sa tête baissée, et pleurait doucement. En voyant dans quel état elle se mettait juste à l'idée d'affronter sa mère pour connaître le fin mot de l'histoire, Justin se mit à questionner toute sa relation avec Carlie, est-ce que tout cela en valait la peine, vraiment.

Carlie tremblait, son corsage était trempé, elle suait à grosse goutte. Ses mouvements étaient saccadés, son souffle haut et court, avec des mots entrecoupés qui n'avaient aucun sens pour Justin. Elle ne répondait pas aux questions du jeune homme, elle avait l'air de s'être perdue dans des souvenirs douloureux. Soudain, elle s'assit par terre puis prend une position fœtale pour se protéger. Pour se protéger de quoi, de qui ? Il n'y avait qu'elle et Justin au bord de la route. Le jeune homme ne demandait qu'une chose, qu'elle lui dise ce qui n'allait pas, il ne voulait que l'aider, et veiller sur elle. Agenouillé près de Carlie dans la poussière de la route, une main sur son épaule essayant de percer ce mur qu'elle avait érigé, il se sentait impuissant.

- Est-ce qu'elle va bien ? demanda Jenna qui s'était approché d'eux en voyant qu'ils ne la rejoignaient pas en dedans.

- Non, mais je ne sais pas ce qu'elle a. Elle refuse de me parler, elle est ainsi cloîtrée en elle-même depuis qu'on a quitté Port-au-Prince. expliqua Justin.

- D'accord. Est-ce la première fois qu'elle quitte la capitale ? demanda-t-elle qui cherchait à comprendre.

- Enfin, je ne suis pas trop au courant de ces choses-là. Cela ne fait pas trop longtemps qu'on est ensemble. informa-t-il l'air inquiet.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant