Kaléidoscopie d'une vie

Partie 35

Au départ de Carlie de chez lui, Justin se laissa choir sur son divan-lit. Il passa une main lasse dans ses cheveux, caressa sa barbe d'une semaine et laissa échapper un long soupir lorsque ses réflexions n'eurent aucun aboutissement concret. Il ne comprenait pas la réaction des deux filles, d'un côté Carlie qui s'enfuyait, d'un autre côté Saradjie qui semblait jalouse, et il ne se comprenait pas lui-même non plus. Qu'est-ce qui lui avait pris de l'embrasser de cette façon, sans ambages ? Carlie était une personne bien compliquée, et c'était une des raisons qui l'avait attirée chez la jeune femme. Mais lorsque les situations s'embourbaient encore plus à chaque fois, on dirait une mouche prise dans les filets d'une araignée dont les efforts pour s'en sortir, resserraient de plus en plus les liens qui la retenaient dans le piège. Justin pensa un moment descendre dans la rue la retrouver, car elle ne devrait pas être trop loin, il avait toujours une chance de la rattraper. Cependant, il se ravisa et pensa qu'ils étaient arrivés au moment où il doit réfléchir sérieusement à ce qui se passait entre lui et Carlie. Certes, il savait qu'elle le plaisait, et la fille lui avait déjà déclaré sa flamme. Pourtant quelque chose le retenait d'aller jusqu'au bout de ses pensées avec elle. Il était bien conscient qu'il perdait ses moyens avec elle, qu'un simple élan de son cœur peut lui faire de très belle bêtise, et attirer la foudre sur lui, comme il venait de le faire en l'embrassant devant Saradjie. Une chose est sûre c'est qu'elle et lui ont besoin d'une discussion franche, finit-il par conclure pour lui-même. Et puisqu'il faut battre le fer quand il est chaud, vaut mieux avoir cette discussion maintenant, se décida Justin.

Vivement il se leva de son siège, et entra dans la chambre trouver Saradjie. Il avait le regard pétillant d'un homme amoureux avec une idée fixe dans la tête. La jeune fille était habillée et rangea ses affaires dans son sac. Il s'étonna de la voir s'habiller si rapidement, un sourire se dessina sur ses lèvres, en rappelant les nombreuses fois qu'il s'était fâché contre elle, parce qu'elle prenait un temps fou pour se préparer. Saradjie avait l'air calme, elle était assise sur le lit, le visage passible, elle le fixa du regard, elle semblait vouloir dire quelque chose mais elle ne laissa aucun son s'échapper de ses lèvres, puis se leva pour ramasser ses sandales qui étaient dans un coin de la pièce. Elle avait une ombre dans ses yeux, un pli désapprobateur au coin de ses lèvres pincées, ses sourcils se fronçaient et se détendaient la minute d'après. Son comportement démontrait qu'elle était en plein bataille avec elle-même. Mais d'où venait ce tourment intérieur, serais-je la cause, ou serait-ce à cause de Carlie, se demandait Justin en l'observant ? Le jeune homme laissa échapper un long soupir lorsqu'elle termina d'attacher ses sandales. Elle leva la tête et prit la parole en premier :

« Écoute, je te remercie de m'avoir permis de rester chez toi et ta proposition de rester dormir, mais je ne peux plus accepter. Tu viens de commencer une relation avec Carlie ; je ne veux pas être le sujet d'une dispute entre vous deux. Je t'en prie, explique-là pourquoi tu as voulu m'aider en me laissant me reposer chez toi, et dit-lui que je suis partie. Cela ne me plairait pas de savoir que l'ex de mon petit-ami dorme chez lui ce soir, quelle qu'en soit la raison. commença par dire Saradjie. (Justin voulait l'interrompe sur sa lancée, mais elle l'arrêta d'un signe de la main. Elle avait l'air résolu, elle désirait parler, alors le jeune homme s'est tut pour l'écouter en s'appuyant sur la porte de la chambre, croisant les bras sur sa poitrine, penchant légèrement la tête sur le côté, avec un sourire vague sur ses lèvres.)

« Tu dois penser que c'est bien de l'avoir embrassé devant moi... (Elle eut un petit rire) Tu veux que je te dise ? Ton message a été claire et limpide, tu as trouvé quelqu'un et je n'étais pas irremplaçable, je n'ai jamais prétendu l'être. Tu dois penser aussi que cela ne ferait rien si je te voyais avec une autre fille, parce que quoi merde, j'aime les femmes !! Je ne peux pas m'en empêcher de les aimer, je ne peux m'empêcher d'être attiré par elles. Et que je ne devrais pas avoir des sentiments pour toi. Mais putain j'en ai !! Et...et... (Elle s'arrêta de parler comme si le trop plein d'émotion qui lui montait à la gorge, lui avait coupé le souffle, elle baissa la tête, arrangea une mèche folle qui lui barrait les yeux et continua avec la voix cassée.)