Partie 20

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Retour dans le présent, un petit saut de trois semaines dans le bar à Delmas 33 l’où se trouve Justin…

L’endroit n’avait rien d’un bar, encore moins d’un restaurant, voire d’un Hôtel. C’était une grande salle qui sentait la moisissure à cause d’une mauvaise aération, où l’on avait installé des tables et des chaises tellement inconfortables, laissant un espace restreint pour circuler qui vous oblige à demander pardon à chaque petit pas.  Il y avait aussi les toilettes qui étaient trop près des tables des clients, des toilettes dont une odeur assez désagréable s’échappait à chaque fois qu’un client y aller décharger sa cargaison. A peine arrivé, on vous présente un menu qui a dû être écrit depuis la création de l’univers. Il était si usé et ancien, que les prix figurés étaient à peine visible et ne correspondaient plus à notre réalité économique. De plus, on ne pouvait espérer trouver vraiment les plats qui y sont. En vérité, il n’y avait que deux ou trois plats réellement disponibles en cuisine.
La serveuse est toujours trop loin, il fallait presque hurler pour pouvoir l’atteindre. Et celle dernière prenait tout son temps pour se rendre près de vous. Quand enfin, elle arrive près de vous, vous devez presque la supplier pour vous servir. Il y avait tout le découragement que l’on pouvait lire dans ses yeux, encore une mauvaise journée passée debout, pour un salaire qui vous ferait regretter votre statut de chômeur. Sans oublier le chat qui venait miauler sous sa table, vous faire les yeux doux à cause de votre poulet mal cuit et qui était si dur, que la viande devenait de la gomme à mâcher sous vos dents. En résumé Justin dépensait son argent pour un piètre service, dans un endroit qui reflétait toute la crasse et la médiocrité de Port-au-Prince. Mais il s’en foutait totalement, il cherchait seulement à être seul tout en étant entouré de gens, pour ne pas faire une bêtise qu’il pourrait regretter.
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Seul le noir pouvait lui garantir une intimité, des peintures fluorescentes et une boule lumineuse qui diffusait des traits de lumières de toutes les couleurs faisaient office de décoration. Une musique assourdissante et abêtissante lui bouchait littéralement les tympans. Peut-être qu’avec cette pollution sonore, il pourra donner à son cerveau une occupation autre que penser à Saradjie, encore et encore. Seul avec son écran de téléphone dans cet antre obscur qu’ils osaient appeler Bar-Restaurant-Hôtel, Justin buvait avec découragement. Rien n’avait de goût pour lui, il voyait tout en gris et ses pensées étaient toutes tournées vers des choses les plus lugubres que son esprit ait en réserve.
Il y a certain coup lorsque vous le recevez qui semble vous atteindre au plus profond de votre être, atteignant les recoins inexplorés de votre subconscient. Ce genre de coup, le plus souvent, initie une réaction en chaine qui s’effectue en vous, comme un effet Domino. Un par un les bouts de domino s’écroulent, entrainant à sa suite tous ses frères et sœurs. Justin avait les yeux et l’esprit ailleurs cet après-midi-là, pendant que Saradjie essayait de s’expliquer les larmes aux yeux. Il avait déjà monté son scénario dans sa tête, d’ailleurs, il se demande pourquoi il l’avait laissée parler, laissée s’expliquer tandis qu’il n’y avait plus rien à dire de plus. La lettre avait tout dit, il se souvenait après avoir fait cette réflexion qu’il tourna les talons, et lassa planté là Saradjie, qui depuis le début ne parlait qu’à elle-même.
S’étant renfermé sur lui-même, Justin se refusait de recevoir une autre surprise de la part de sa copine, et décida qu’elle n’était plus digne de confiance. Elle s’attendait à une dispute explosive entre eux, qu’il aurait dû devenir violent,  ou même pleurer. Mais non, il était tétanisé, rien ne pouvait l’atteindre à présent, s’étant enfermé dans sa forteresse d’émotion, il regardait tout le monde de haut, et semblait transcender tout ce qui lui faisait face.
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- Hello Carlie ! C’est encore moi, Justin. écrivit-il sans trop d’intérêt.
- Oui, j’avais enregistré ton numéro. répondit-elle presqu’aussitôt.
- Femme pratique ! C’est bien. Tu fais quoi là ? Je ne te dérange pas ?
- Je viens de rentrer chez moi. Alors, pourquoi tu as pris tout ce temps pour reprendre contact ? demanda-t-elle tout de go.
- Y a que cela qui t’intéresse ? écrivit-il en retour, visiblement irrité.
- Non, mais c’est ma priorité en ce moment ! répondit-elle tenace.
- Bien. Le soir même où tu m’avais donné ton numéro, mon ex petite amie s’est aperçue de ton mot et elle s’est un peu fâchée. Alors j’ai décidé d’attendre un peu avant de reprendre contact avec toi, puis, j’ai eu quelques problèmes personnels et je me suis éloigné de tout le monde. Voilà !
- Ex ?
- Oui ! Mais cela n’a rien avoir avec toi, je te rassure.
- Il ne peut y avoir de rapport avec moi, je ne te connais pas.
- Je suis Justin Samuel Viard, j’ai 26 ans, je travaille pour une compagnie de moteurs, je suis célibataire (il y a de cela trois semaines). Je ne vis pas avec mes parents, mais avec des amis dans un appartement que l’on s’est loué. Et je crois en Dieu malgré tout.
- Tu es mécanicien ou ingénieur ?
- Non, rire. Je suis un gestionnaire, je travaille en tant que responsable des ressources de la compagnie.
- Ah ok ! Désolée. émoticône rit.
- Non, ne t’inquiète pas ! Et toi ?
- Je suis Carlie F. Michel, j’ai 23 ans, je suis étudiante en Psychologie de la Faculté des Sciences Humaines. Je suis également célibataire, mais je ne suis pas à la recherche de partenaire. Je vis toujours avec mes parents, et c’est souvent un enfer. Et je crois également en un possible Dieu.
- C’est quoi le F. ? Moi non plus je ne recherche pas un nouveau partenaire ; j’en ai eu ma dose je pense, et cela pour un bon bout de temps.
- Alors c’est si sérieux que cela ta rupture avec ton ex ! Suis-je obligée d’avoir une signification pour le F. dans mon nom ? émoticône sourire au coin des lèvres.
- C’est bien plus qu’une rupture, mais je ne veux pas parler de cela même si c’est bien la raison qui m’avait poussé à t’écrire. Oui, on est obligé d’en avoir, mais si tu ne veux pas me le dire je comprendrais. émoticône petit ange.
- Ah oui ! Quelle raison ? Et oublie le F. ! S’il te plait. émoticône se fâche.
- J’avais besoin de parler à quelqu’un qui ne sait pas ce qui m’est arrivé, quelqu’un qui n’allait pas me poser des questions, analyser la situation avec leurs commentaires dont je me passerai volontiers. Bien, j’oublie le F. ! émoticône clin d’œil.
- Et je te suis apparue comme la candidate idéale. émoticône étonnée.
- Oui. Et toi ? Pourquoi tu n’es pas à la recherche ? émoticône rit aux larmes.
- J’ai cessé y a longtemps de chercher le mec qui me correspondrait.
- Depuis combien de temps tu es célibataire ?
- Presque 5 ans, depuis le collège je crois.
- Je vois. Je n’ai pas envie de parler de ces choses-là. Dis-moi quel est le dernier livre que tu as lu ?
- Ravie de voir que la lecture t’intéresse ! émoticône clin d’œil. En fait je relisais un texte d’Edwidge Danticat, le cri de l’oiseau rouge. Et toi ?
- Je ferai comme si je n’avais pas lu ta petite pique ! émoticône rit aux larmes. Moi, je suis en train de terminer un texte de Fiodor Dostoïevski, l’Idiot. Texte très entrainant, mais pas suffisant pour m’isoler. 
- Dostoïevski ? Est-ce du Russe ?
- Oui.
- Cela parle de quoi ?
- Trois inconnus qui se retrouvent dans le même wagon d’un train se dirigeant vers St Pétersbourg. Ils feront connaissance durant leur trajet et leurs vies seront inextricablement liées à partir de cet instant. Les personnages principaux sont : le prince Mychkine, Parfione Semionovitch Rogojine qui est un jeune marchand, et Lebedev un petit fonctionnaire. Le prince revient de son long séjour en Suisse où il soignait son épilepsie. De retour en Russie, il va prendre contact avec le général Epantchine dont la femme serait de sa famille. Lors de son voyage en train et de sa visite chez le général, Mychkine entend parler d’une jeune femme d’une beauté extraordinaire : Nastassia Filippovna. Le soir même du retour du prince, elle organisait une soirée pour son anniversaire. Le prince Mychkine la rencontre alors et en tombe amoureux. Mais il n’est pas le seul : Gania Yvolguine, le secrétaire du général, veut l’épouser ; Rogojine le marchand veut l’acheter pour cent mille roubles, tandis que le général aimerait l’avoir comme maîtresse. Les choix de Nastassia Filippovna scelleront les destinées des autres personnages. Et le tien ? Je n’ai pas encore lu ce texte de Danticat.
- D’accord. Attends un moment.
- rire. Tu vas chercher ton livre.
- Non je suis nue !
- Quoi ?
- émoticône petit singe se cachant les yeux. Je me déshabillais en t’écrivant, je vais prendre ma douche et je te reviens.
- émoticône étonnée. Je t’attends.
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- Eh ! Je suis de retour ! écrivit Carlie, le corps tout mouillé enveloppé dans une serviette.
Elle était tout excitée de lui parler, car cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pu discuter passionnément d’un livre avec quelqu’un, et là Justin lui fait faisait découvrir quelque chose de nouveau. Mais il ne répondit pas. Au bout d’une minute d’attente, elle se résigna et alla s’habiller. Puis revient vers le téléphone, mais il n’y avait pas de message. Elle se rendit sur la table, le riz était glacé et dur, elle mâchait sans grand intérêt. Elle avait les yeux rivés sur son téléphone, elle vérifia encore une fois la conservation d’elle et de Justin, mais celui-ci n’était plus en ligne. Sans doute, il a perdu patience et est parti. Carlie se sentit un peu ennuyée, elle qui se préparait à lui écrire toute la nuit s’il le voulait bien. Elle n’avait pas de chance. C’est alors qu’Alex l’écrivit pour lui demander si elle était disposée à discuter maintenant. Elle ignora complètement le message d’Alex et écrivit Justin.
« - Je m’excuse pour avoir pris autant de temps. Voilà de quoi parle mon livre.
Le cri de l'oiseau rouge, est l'histoire de quatre générations de femme d’une famille haïtienne. Le personnage principal est Sophie Caco qui représente la troisième génération de femmes de cette famille. Il y a sa grand-mère, sa mère et sa tante, Sophie et sa fille Brigitte. Sophie grandit avec sa tante dans un endroit appelé Croix-des-rosettes en Haïti. Sa mère Martine vit à New York, elle a fait une demande de résidence pour elle. Sophie ne connaît pas sa mère, car elle était petite à son départ pour l’étranger. A 12 ans, lorsque Sophie arrive à New York pour vivre avec sa mère, elle a finalement trouvé des réponses à certaines des questions qui représentaient encore des zones d’ombres ans sa vie. Là, elle apprit que sa naissance est le résultat d'un viol de sa mère dans un champ de canne à sucre près de chez elle. Sa mère ne pouvait identifier le visage de l’homme car il était couvert. De ce fait, elle n’avait même pas le moyen de demander justice si elle en avait le courage. Dans une société où les femmes sont supposées fermer leurs jambes pour un homme qui « peut-être » un jour viendra leur faire la grande demande. Et il y a tout l'honneur placé en elles par les familles, et la société. La famille compte sur la dignité des femmes, principalement sur leur virginité. Leur exil (dans d'autres villes ou d'autres pays) est souvent une réponse individuelle donnée lorsqu'un viol se produit.
Le viol de Martine la mère de Sophie, n’avait rien de nouveau pour elle. Car son corps d’adolescente était régulièrement agressé par les séances de « vérification » hebdomadaires et parfois quotidiennes de sa mère. Tout comme sa mère le faisait avant et sa grand-mère aussi, la « Vérification » est une pratique qui veut que les mères évaluent la résistance qu'il rencontrera en essayant d’enfouir ses doigts dans l’intimité de sa fille.
Alors Sophie va grandir avec un poids sur sa conscience, un poids qui étouffe sa mère, même si elle est sa fierté aussi. Elle est restée sans reproche pour sa mère, elle travaille bien à l'école, ne s’associe pas aux jeunes gens, en particulier les jeunes américains. Martine n’a jamais essayé de «vérifier» Sophie. Jusqu'à ce qu'au jour où Sophie lui dit que quelqu'un a des sentiments pour elle, au jour où elle commença par rentrer tard à la maison. Toutes les traditions ne sont pas bonnes, toutes les traditions qu’un peuple ou des familles pensent qu’ils doivent respecter. Sophie fait alors de son flux sanguin une arme de bataille, pour faire en sorte que toute jeune fille dans sa famille, les générations à venir après elle, n’auront pas à apporter la preuve de leur « innocence » avec quelques gouttes de sang sur une couverture blanche.
Bonne nuit, Justin. »
A peine qu’elle eût finit d’écrire et eût déposé son téléphone sur la table à côté d’elle qu’il sonna, c’était Alex. Elle ne répondit pas tout de suite, le laissant sonner tout son saoul. 
- Peut-être qu’il abandonnera. pensait-elle
Malheureusement Alex semblait très motivé pour lui parler, car il rappela et cela sur un autre numéro. Carlie prit immédiatement le téléphone, car elle comprit vite que sa réaction devenait autant suspecte que celle de Mirabelle.
- Hello Alex, ça va ?
- Oui, je vais bien merci, et toi ?
- Tout va bien pour moi. Désolée pour tout à l’heure j’étais sous la douche.
- Ah bon ! J’ai cru que tu t’étais déjà endormie.
- Non, je ne dors pas si tôt. Il n’est que 22 heures.
- Presque 23 heures.
- Oui mais encore 22 heures.
- rire. D’accord Carlie, mais tu sais déjà pourquoi je t’appelle.
- Oui, et je ne vois pas quoi de nouveau, je pourrais te dire non moi.
- Mirabelle se fait distante vis-à-vis de moi, tu sais.
- Eh bien ! Je ne sais pas ce qu’elle a en tête, mais je pense que tu parles de mariage un peu trop rapidement, elle est encore très jeune, 23 ans, comme moi. Et puis, vous veniez tout juste de vous remettre ensemble.
- Je vois, tu penses que je devrais remettre mes plans à plus tard ?
- Non ! Je n’ai pas dit cela, mais un peu de temps lui ferait du grand bien je pense.
- Bien ! Mais se marier jeune est très bien, on aura tout le temps devant nous pour jouir de la présence de l’autre.
- Oui, j’adhère à ce que tu dis. Mais, as-tu prit le temps de discuter de cela avec elle, peut-être qu’elle avait des projets.
- Projets ? Comme quoi ? 
- Je ne sais pas non ! Mira ne me dit pas tout tu sais !
- Si, elle te dit tout ! Et elle se plaint tout le temps avec moi que toi tu n’en fais pas de même et tu es souvent dans la lune lorsqu’une personne te parle.
« Dans la lune, parfois je suis bien plus loin que cela ». disait-elle en elle-même.
- Je vais l’inviter à sortir cette semaine, et j’essayerais d’aborder une nouvelle fois le sujet du mariage avec elle. continua Alex au bout du fil, ne s’étant pas aperçue du silence de Carlie.
- Oui. Oui.., c’est une bonne idée ! Choisis un lieu tranquille ou vous pourrez discuter en toute intimité,  fais-lui plaisir apporte lui un cadeau, un truc qu’elle aime. Et tu verras tout s’arrangera avec elle.
- Merci Carlie, tu es une superbe amie.
- Merci.
- Je te laisse.
- Ok, bonne nuit.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant