Partie 24

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C’était difficile de croire ce qu’elle venait d’entendre de la bouche de Mirabelle. Dire qu’elle venait de se disputer avec sa meilleure amie. Mira vient de lui dire qu’elle n’était plus son amie. Cette toute petite phrase lui fit l’effet d’un tremblement de terre. La perdre au moment où elle en avait tellement besoin. Comment expliquer cela ? A quoi ça sert l’amitié, si au final lorsqu’on en a le plus besoin, ce n’est plus disponible ?  A quoi rime-t-elle, si à la première grosse difficulté tout semble vouloir s’écrouler ?
Carlie ne lâcha pas un mot en rentrant chez elle. Sa mère vit le désarroi et la peine sur son visage. Mais connaissant sa fille, elle ne fit rien, ne dit rien. Souvent, Madame Michel, espérait avoir une fille comme toutes les autres, gentille, facile à comprendre et surtout obéissante. Malheureusement, ce n’était pas le cas. Sa progéniture était tellement compliquée, voyait les choses très différemment d’elle. Néanmoins, elle adorait sa fille.
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Les yeux fixant le plafond, Carlie repassait la journée dans sa tête. Elle repensa à l’appel d’Alex, au rendez-vous avec Justin, et à Mirabelle. A cet instant son téléphone sonna, elle espéra que c’était Mira qui l’appelait. Avec déception elle vit que le numéro lui était inconnu. Elle laissa sonner, sachant que son amie n’allait jamais utiliser n’importe quel téléphone pour l’appeler. Carlie détestait les appels inconnus ou mystérieux, et refusait le plus souvent d’y répondre. Le téléphone sonna encore une fois. Elle continua de l’ignorer, se disant que si la personne veut vraiment la joindre, elle appellera une troisième fois. Ce qui arriva, quelques minutes plus tard. Alors elle y répondit d’une voix lasse :
- Allô ! C’est qui ?
- Carlie ! C’est David !
- Oh ! David ! Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle étonné
- Je te cherchais partout sur la cour de la fac, puis un étudiant m’a appris que tu étais partie.
- Oui, j’avais quelques trucs à régler chez moi, j’ai dû partir plus tôt que je le pensais. répondit-elle rapidement.
- Ah ok ! Je suis ravie que ce soit à cause de cela que t’es partie.
- Et pourquoi cela ? questionna-t-elle un tantinet agacée.
- Ben ! Cette même personne m’a dit que tu as eu une mauvaise dispute avec Mirabelle. répondit-il avec prudence.
- Ah oui ! Qui est-ce ?
- Personne d’intéressant ! En tout cas, je voulais vraiment t’offrir cette bière ce soir. déclara-t-il pour changer de sujet.
- D’autres occasions se présenteront David. lui dit-elle sans aucune conviction dans la voix.
- Oui, je l’espère grandement Carlie. répliqua-t-il enthousiaste.
- D’accord, merci d’avoir appelé. déclara-t-elle abruptement pour mettre fin à la conversation.
- C’est un plaisir.
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Légèrement quelqu’un frappa à la porte de sa chambre, et se tenait à l’embrasure de la porte. Entre les larmes de ses yeux et le noir qui n’aidait pas, Carlie ne pouvait distinguer qui se tenait en face d’elle. Un moment, elle crut y voir son papa. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle oublia un moment qu’elle était orpheline de père, et voulut se lever pour aller se blottir dans ses bras. La voix de Charlie la ramena à la réalité. Celui-ci voulait juste lui emprunter son fer à repasser. Il allait sans doute sortir ce soir, lui, il le pouvait, sortir tard le soir.
Son père a toujours été le seul capable de la comprendre, de voir en elle, de tout ressentir. Également de l’accepter telle qu’elle est, sans qu’elle n’ait à s’exprimer ou à s’expliquer. C’est un vrai calvaire pour la jeune femme, d’être toujours obligée de se redire, de se répéter, de se clarifier auprès des autres qui la trouvaient toujours trop compliquée, trop différente, et tellement difficile et bizarre. Elle adorait se faire des amis, mais quant à assurer la pérennité de cette amitié, c’était la partie la plus difficile. Parce qu’elle devait également y mettre du sien, partager ses pensées, ses sentiments, ses idées. Cela semblait impossible à Carlie, parce qu’il y a de nombreuses chose qu’elle n’arrivait pas  à exprimer. Les mots du langage ordinaire paraissaient si pauvres, ils ne pouvaient représenter que deux à trois dimensions des réalités et des émotions qu’elle vit. Souvent, Carlie pensait à inventer ses propres mots, des mots qui pourraient embrasser toute la complexité de ses gestes, de ses ressentis, et de son être.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant