Partie 23

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Justin réfléchissait en lui-même après le départ de la jeune fille :
« Je viens de commettre une très mauvaise bourde avec Carlie, je ne peux me permettre d’en faire une nouvelle en la brusquant. Elle m’intéresse de plus en plus. Je croyais ne plus pouvoir ressentir pour une autre femme ce que j’avais vécu avec Saradjie. Mais, en y réfléchissant bien, ce n’est pas la même sensation. Avec Saradjie c’était explosif, presque destructeur, tandis qu’avec Carlie, c’est plus doux, et calme, mais tellement complexe. Cette fille a le don de vous faire revenir sur tout ce que vous saviez, sur tout ce que vous croyiez savoir. Constamment, je dois travailler mes méninges, je dois chercher, fouiller encore plus, travailler comme si j’étais encore à l’école. Et je l’adore pour cela.
Maintenant, sa fuite doit être interprétée comment ? Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’avait aucunement en tête que l’on pourrait faire l’amour tous les deux. Assurément, elle n’est pas le genre de fille qui se laisse aller au premier rendez-vous. Pourtant, elle l’a fait ! Dois-je comprendre que je lui plais ? Si cela s’avérait vrai, je ne dois pas le lui faire sentir. Je vais lui laisser croire qu’elle est encore maître de ses réactions, de ses sentiments, qu’elle peut se contrôler. Elle ne dit jamais rien, mais il faut chercher entre ses lignes, interpréter ses silences, lire ses demi-mots, questionner ses non-dits. Si je m’attends à une déclaration venant d’elle, tout va échouer.
Attends une minute ! Tout va échouer ? Qu’est-ce qui va échouer ? Eh merde ! Je me suis promis de ne pas m’investir dans une logique de séduction avec elle. Qu’est-ce qui m’arrive ? Est-il possible que moi non plus, je ne sois plus maître de mes émotions et de mes actions ? L’idée était de trouver quelqu’un qui m’aidera à traverser cette mauvaise passe avec Saradjie, d’arrêter de penser à elle continuellement, de cesser de lui en vouloir, de passer à autre chose. Ai-je fait un transfert d’intérêt ? Non ! Pas du tout ! Carlie est trop différente de Saradjie ! En ce moment-là elle me semblait être la candidate idéale, parce qu’elle ne paraissait nourrir aucun sentiment à mon égard ou d’autre plan à part être de bons amis. Elle était claire là-dessus. Et nos discussions, certes longues et fréquentes, ne laissaient nullement présager  que quelque chose d’autre pouvait se développer entre nous. D’ailleurs, on n’avait jamais abordé de sujet personnel, elle et moi. Mais alors, comment j’interprète ses baisers et ses caresses sur la piste de danse ? Comment elle va interpréter les miens ? L’ai-je embrassé en premier ou elle l’a fait ? Waw ! Mes idées sont toutes brouillées. J’arrête de réfléchir. »
……………………………………..
Carlie monta dans le taxi, elle pensa un instant changer d’itinéraire et demander au chauffeur de la déposer à Portail-Léogane. Mais elle comprit vite que peut-être Justin pourrait voir le taxi qui revenait sur sa route. Elle se ravisa, et se rendit à la faculté. On était vendredi après-midi, la Faculté grouillait d’étudiants. De surcroît, ce jour-là, il y a eu une activité artistique appelée « vendredi littéraire » qu’une association étudiante organisait. Elle aimait bien y participer, et elle se félicita d’avoir eu l’idée de prendre pour excuse la Faculté pour pouvoir quitter Justin.  Elle apprit, qu’il y avait une conférence très intéressante, qu’il y avait des jeux traditionnels pour se distraire et des articles artisanaux à vendre. C’était une journée réussie en fin de compte, et ce soir à 19 heures, un groupe de rap, formé essentiellement d’étudiants de la fac allait performer. La scène  était déjà prête, le technicien de son faisait des tests et passait des musiques rasin engagées. Il y régnait presqu’une ambiance de fête !
– He! Carlie! Carlie! cria David un étudiant avec qui elle aimait bien discuter de temps en temps.
– David le studieux ! s’exclama Carlie
Immédiatement elle mit une main sur sa bouche, et s’excusa en disant :
– Je suis désolée, je sais que tu détestes lorsque Mira t’appelle ainsi. Cela m’a échappé.
– Aaaaaaaahh…t’inquiète pas Carlie ! Si c’est toi qui le dis, je n’ai aucun problème avec cela, même si je n’aime pas lorsqu’on m’appelle ainsi. répondit-il avec un sourire radieux.
– Vraiment ! Et qu’est-ce qu’il y a de si spécial lorsque c’est moi qui le dis ? demanda-t-elle taquine.
– Eh bien ! Tu es aussi studieuse que moi. répondit-il l’air un petit peu gêné.
– Quoi ?
– Oui ! Et d’ailleurs nous ne sommes que quatre à réussir le cours de Psychométrie.
– J’ai réussi ?
– Bien sûr que oui, qu’elle question ! Et tu as la plus forte note ! Félicitations. dit-il tout en la prenant dans ses bras.
– Waw ! Je n’étais pas sûr pour ce cours ! J’ai raté l’examen d’intra, tu sais ! s’exclama-t-elle étonnée.
– Personne ne l’était tu sais ! dit-il en riant.
– D’accord !
– Va voir ta note ! Elle est sur le tableau d’affichage du département de Psychologie. Mirabelle y est également, je viens de la croiser. raconta-t-il.
– Ah ! Merci David. A plus !
– De rien ! Comment ça à plus ? Tu ne restes pas ce soir ? Ton groupe de rap va jouer !
– Ce n’est pas mon groupe de rap ! J’y ai juste des amis. Et oui, je vais rester, ce n’était qu’une une façon de parler.
– En tout cas, j’espère te revoir, je compte bien t’offrir quelques bières plus tard.
– Oh ! Ok.
– A toute à l’heure.
« David veut m’offrir des bières ! Je ne savais même pas s’il buvait, lui. Qu’est-ce que j’ai de spécial aujourd’hui ? » se demanda Carlie à elle-même.
………………………………….
Lentement elle se dirigea devant l’administration de la Faculté, il y avait une sorte de galerie, avec des tableaux de bois peints en vert où l’on affichait les notes, les avis, des affiches, des correspondances, enfin tout. Le tableau était surchargé de tous types de papiers, qui donnaient des informations hétéroclites. Il n’existait aucun ordre pour placer les informations, certaines étaient sans date, il fallait se fier au vieillissement apparent de la feuille de papier à cause de la nature, pour savoir quelles informations étaient plus anciennes que les autres. On se perdait presque dans cet amas de papier suspendu par des punaises. Parfois une seule punaise, retenait tout un lot de papier de presque 6-7 feuilles. Il y avait des feuilles qu’on avait arrachées, car par manque de punaise, on avait utilisé de la colle.
Les étudiants étaient amassés devant le tableau, et commentaient le massacre du professeur dans leurs notes. Ils se plaignaient du fait que celui-ci était trop exigeant dans ses corrections, et vous enlevait des points ou éliminait la feuille d’examen, pour des erreurs mineures.
– Hé ! Mira ! Comment tu vas ? Je viens de voir que tu as échoué de peu le cours, je suis désolée ma chérie. Je t’avais prévenue qu’il allait t’enlever des points à cause de tes retards consécutifs aux cours, dit Carlie tout la tenant dans ses bras.
Brusquement Mirabelle s’écarta d’elle, et la regarda avec des éclairs dans ses yeux. Elle semblait tellement en colère que Carlie fit un pas en arrière et demanda étonnée :
– Hé ! Qu’est-ce qui ne va pas ?
Elle resta silencieuse, se croisa les bras sur la poitrine et fixa Carlie. Celle-ci était intriguée, c’était la première fois qu’elle voyait son amie si en colère.
– Tu es sérieuse là ? questionna Mirabelle sur un ton sec.
– Oui ! C’est quoi ton problème Mira ! s’exclama Carlie qui pensait que c’était une des frasques de son amie.
– Mais merde, pour qui tu te prends ? Tu viens de me faire un coup aussi bas et tu oses te tenir en face de moi, me parler de notes de cours, me dire que t’es désolée parce que j’ai échoué, hurla presque Mirabelle.
Carlie, qui avait totalement oublié l’appel d’Alex, à cause du moment de folie qu’elle venait de vivre avec Justin qui emplissait toute sa mémoire, paraissait être totalement étrangère à ce que lui racontait Mirabelle.
– Mais… je ne vois pas… je ne vois pas de quoi que tu parles…Mira. bégaya-t-elle l’air totalement ignare.
– Putain ! Elle fait semblant de ne pas comprendre !
– Je te jure, je ne vois pas de quoi que tu parles !
Elles criaient toutes les deux, et ne se rendirent pas compte qu’elles avaient attiré l’attention des autres étudiants autour d’eux, qui maintenant regardaient la scène avec intérêt.
– Je parle de toi, qui encore une fois pense savoir tout sur ce qui est bon pour moi. Toi qui n’a pas pu accepter mon choix, qui n’a pas pu respecter le fait que j’ai fait un choix ! Franchement pour qui te prends-tu pour décider comme ça de ma vie ?
– Ecoute Mira, je suis toujours restée silencieuse devant les choix de ta vie. Même si, souvent je n’étais pas d’accord avec ta façon de la mener !
– Silencieuse ! Ah oui ! Tu as fait tout ce mois à me rabâcher les oreilles que je devais choisir entre Alex et Johnny, et tu as été silencieuse ? hein !
– Oui, c’est le travail d’une amie de t’aider dans tes choix de la vie.
– Vraiment ! Et c’est ton travail d’amie qui t’a poussé d’aller tout raconter à Alex ?
– Quoi ? Mais tu délires !
– Oh ! T’es une vraie manipulatrice !
– Moi ? Manipulatrice ?! Là tu divagues ! Sincèrement ! Est-ce moi qui menais deux hommes en même temps ? Mais que croyais-tu ? Que la vérité n’allait pas se dévoiler ?
– Tu n’as pas à être jalouse, si facilement je peux me faire un homme. Ce n’est pas ma faute, si toi, tu es froide comme un bloc de glace. Et même si un homme arrive à t’allumer tu t’éteins aussi rapidement, car tu es un charbon mouillé.
Carlie resta estomaquée, elle n’en croyait pas ses oreilles. Etait-ce son amie qui lui parlait de cette façon ? Mirabelle voyant son silence, n’hésita pas à continuer d’enfoncer le clou en disant :
– Tu n’as pas la capacité d’aimer ! Ce n’est pas ta faute, si tu ne peux pas comprendre que c’est possible que l’on soit attaché à deux personnes à la fois. D’ailleurs, si tu étais capable de sentiment, tu aurais dû comprendre que tu devais m’être fidèle, tu aurais dû te taire lorsque Alex te questionnait.
– Me taire ?
– Oui fermer ta grande bouche !
– Je n’ai rien dit à Alex, Mira.
– Mais oui, tu lui as tout dit ! Il me l’a crié lui-même que c’est toi qui as confirmé toutes les informations qu’il a reçu d’une personne avec qui il n’avait pas de lien. Et que c’est toi, sa source sûre, qui a tout confirmé.
– Je te répète que je n’ai rien dit Mira ! hurla Carlie les larmes aux yeux.
– Alors, c’est moi la menteuse ? Ou c’est Alex qui ment ? Dis-moi, qu’il ne t’a pas appelé ? Dis le moi !
– Si, il m’a appelé, mais c’était un accident…
– Un accident !? Alors tu as accidentellement dit à Alex que je sortais avec Johnny, qu’il est de la faculté, en sociologie, etc… Tu as accidentellement donné à Alex le numéro de téléphone de Johnny. Tu as accidentellement raconté à Alex que je ne voulais pas me marier. Eh bien ! Il y en avait des accidents !
– Mira, écoute…
– Ne m’appelle pas Mira ! coupa-t-elle avec colère. Tu n’es plus mon amie !
– D’accord…Mais, je veux que tu saches…que si tu te mets à avoir des sentiments pour une deuxième personne dans ta vie, la première n’a plus sa raison d’être, lui déclara calmement Carlie en tournant les talons.

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