Partie 22

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Partager un moment d’intimité avec une personne que l’on aime, du moins, que l’on apprécie vraiment, et partager ses idées sur des sujets d’intérêt, est l’un des meilleurs plaisirs de la vie. Trouver quelqu’un avec le même esprit tordu que soit, qui comprend votre vision du monde et l’accepte même si la vôtre est différente, quel beau cadeau ! Se retrouver, se passer de l’écran froid et impersonnel du téléphone, se voir, pouvoir se toucher, se regarder dans les yeux, fait assurément tomber quelques murs et en érige de nouveaux. Communiquer est bien plus que nos mots, que nos paroles, ou notre bonne élocution. C’est également tout ce qu’on ne dit pas, tout ce que l’on pourrait dire, tout ce que l’on semble vouloir dire. C’est aussi nos sourires en coin, nos yeux qui fuient ou qui se cherchent, nos changements de position fréquents sur notre chaise, nos mains qui se cherchent, qui s’effleurent et qui s’enlacent, nos longs et doux soupirs presque imperceptibles.
Carlie et Justin savouraient lentement chacun leur bière. Ils se dévisageaient longuement comme s’ils se redécouvraient. Aucun d’eux ne laissait échapper un son de leurs lèvres. Leurs cerveaux fonctionnaient à plein régime. Leurs circuits neuronaux se surchauffaient tellement ils étaient perdus dans leur réflexion. C’était l’instant où beaucoup aurait dû se dire, mais où l’on se taisait, tandis que dans notre esprit on mesurait nos mots, on les confrontait, et les soupesait. Toute la bataille se faisait dans notre tête. Malheureusement, il fallait bien finir par ouvrir la bouche et continuer à se parler. Mais, qu’est-ce qu’on disait déjà ? Quoi se dire pour ne pas paraître trop bizarre après ce silence ? Et surtout quand le briser ?
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Justin fut le plus brave et se lança d’un coup, ignorant le silence qui s’était installé entre eux :
– Tu sais, j’ai été estomaqué de lire que les Organisations Internationales qui sont venus apporter leur aide en Haïti après le séisme du 12 janvier, pensaient qu’il n’existait pas de Psychologues et de Psychiatres dans le pays ! Et que des journalistes du New York Times à l’époque pensaient qu’il n’existait que 5 en tout sur tout le territoire national !
– Quoi ? Vraiment ! Je n’étais pas au courant. répondit-elle étonnée et décidée à jouer le jeu avec lui.
– Oui, franchement ! Je me demande ce que les étrangers pensent d’Haïti ? A part que c’est un pays politiquement instable et économiquement anémique. Et comment peux-tu ne pas être au courant de ça ?
– Tu oublies le légendaire et éternel moins de 2% de couverture forestière, car depuis la maternelle on ne cesse de me le répéter.
–  Hahaha…je doute qu’il y ait des études sérieuses qui ont été réalisées sur ce sujet depuis longtemps. Quand même, avec nos nombreux cyclones et la coupe massive des arbres, il doit y avoir du changement.
– Pourquoi tu ne dis pas plutôt avec les nombreuses campagnes de reboisements initiés ?
– Eh non ! Les campagnes de reboisements sont, comme de nombreux projets écologiques, des moyens pour des ONG de se farcir une bonne part du magot disponible pour Haïti. Franchement, comme tu dis, on devrait avoir des chiffres qui disent si la situation s’est empirée, améliorée ou est restée la même. On devrait avoir des chiffres sur quelle zone du pays est en grand besoin d’arbre, dans quelle région il est interdit de couper des arbres, et dans quelle région c’est acceptable. Car, je suis contre l’idée d’empêcher les gens d’utiliser du charbon sans leur donner une autre solution alternative.
– Moi aussi je suis contre cette idée. C’est l’une de nos premières ressources ici, en Haïti. Mais, où as-tu lu que les Organisations Internationales ignoraient qu’il y avait des Psychologues et des Psychiatres en Haïti ?
– Dans un article sur le site de l’Association Haïtienne de Psychologie. On y trouve une récapitulation de la condition de la santé mentale en Haïti et des services disponibles après le séisme.
– Qu’est-ce que t’es allé chercher sur ce site ? demanda t-elle intriguée tout d’un coup.
– Ben, la Psychologie m’intéresse.
– Et cela depuis quand s’il te plait ?  questionna-t-elle amusée.
– A cause de toi ! répondit-il en la regardant avec un air sérieux.
– Moi ?!
– Oui, tu étudies la Psychologie et je ne voulais pas paraître totalement ignorant dans ce sujet. Alors, je me suis mis à la recherche d’informations sur internet, comme les pères fondateurs de la Psychologie, sur leurs objets d’études, sur le développement de la discipline dans le temps, et sur son évolution en Haïti. Et j’ai appris beaucoup tu sais ?
– Waw ! Je n’ai jamais cru que j’avais autant d’influence sur toi.
– Non…, est-ce que je dirai cela comme de l’influence ? Non pas vraiment ! Juste que j’adore discuter avec les gens que j’apprécie à propos des sujets qui leur tiennent à cœur. Mais tu m’as également touché, lorsque tu m’avais appris qu’il n’existait qu’une centaine de Psychologues pour plus de dix millions d’haïtiens. Et depuis lors, je regarde d’un autre œil, lorsque je croise une personne souffrant de déficience mentale dans la rue. Sérieusement Carlie !
– Tu as dû conclure que je me suis engagée dans une bataille perdue d’avance ?
– Non, je me suis rendue compte à quel point tu es courageuse.
– Merci ! Mais, tu sais je ne suis pas au courant de tout. Cela peut arriver que je ne sois pas  au courant d’une anecdote.
– Non ! Tu devrais ! Tu dois t’assurer de savoir le maximum de choses sur ton sujet d’étude.
– Non pas nécessairement ! s’exclama-telle
– Je te dis que oui. Ok ! Je vais te raconter une petite histoire. déclara-t-il sur un ton sérieux
– Hahaha… vas-y je t’écoute.
– Un prêtre raccompagne une religieuse en voiture après la messe. En changeant de vitesse, il pose la main sur le genou de la religieuse. La religieuse lui dit : « Mon père souvenez-vous de Luc chapitre 14 verset 10. » Le prêtre retire sa main embarrassé. Quand il s’arrête au feu suivant, il pose la main un peu plus haut sur sa cuisse. Alors la religieuse lui dit : « Souvenez-vous de Luc chapitre 14 verset 10. » Le prêtre lui demande pardon. Vous savez, la chair est faible lui dit-il. Il la dépose, et une fois rentré il prend la bible et se met à chercher Luc 14 verset 10. Sais-tu ce qui y est écrit ?
– Non. répondit-elle en riant.
– Eh bien Luc 14 verset 10 dit : « Mon ami monte plus haut, alors cela te fera honneur. »
Carlie éclata de rire si bien qu’elle fit déborder un peu de son verre.
– Oui. Oui… écoute Carlie, tu dois connaitre ton sujet, sans quoi tu risques de perdre des occasions inespérées. continue t-il sur le même ton sérieux.
– Justin ! Ton histoire est choquante et indécente, mais, j’adore ! répliqua-t-elle dans un rire.
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Justin éclata de rire à son tour, ils rirent tous les deux jusqu’aux larmes. Et encore une fois le silence s’installa, mais le jeune homme se refusait à casser la bonne ambiance qui régnait entre eux. Il comprenait alors que Carlie n’était pas du genre timide, mais elle se refusait toujours à engager la conversation en premier, elle ne faisait que suivre et répondre intelligemment. La mettre dans une situation où elle devrait prendre la parole en premier ne fera que refroidir le bon élan que prenait leur rencontre. Alors, il se décida de prendre les choses en mains. Cela le changeait un peu de Saradjie qui prenait tout le temps les devants dans tout ce qu’ils entreprenaient. Cette petite peste lui manquait terriblement, mais il appréciait la douce compagnie de Carlie. Elle était différente de son explosive ex-petite amie, mais elle n’avait rien d’une personne simple. Son esprit se révélait de plus en plus complexe, et capable de certaines prouesses mentales dont on ne l’aurait pas soupçonné. Petit à petit elle s’affichait, elle se dévoilait dans toute sa splendeur. Il fallait la travailler, la creuser, pour la connaître.
– Tu veux aller danser ? demanda-t-il
– Je ne suis pas une bonne danseuse. se plaignit-elle
– Fais-moi confiance, je ne te laisserai pas me piétiner.  Allez viens ! dit-il en l’entrainant déjà par la main.
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La musique était entrainante et douce, elle remplissait la salle de danse qui était vide. Il faut dire que les resto-bars dansants du haut du centre-ville de Port-au-Prince n’avaient d’activité qu’à la tombée de la brume du soir. C’est à cet instant que les gens se décidaient à sortir de leurs antres de béton, fuyant la chaleur étouffante causée par la promiscuité des maisons. La vie nocturne n’était pas assez développée dans la capitale. On n’y trouvait que de rares institutions qui offraient des services aux heures vielle de la nuit. Carlie avait donné rendez-vous tôt dans l’après-midi. Souhaitant avoir autant de temps que possible avec Justin et ne voulant pas braver le noir, et les rues désertes pour rentrer chez elle. Surtout dans le quartier, il y avait déjà la rumeur de l’existence d’une mystérieuse bande circulant à motocyclette tard le soir, et qui faisait la fête à tout passant qui aurait la malchance de croiser leur chemin.
Au début, leur déplacement était timide et innocent. Ils ne faisaient que bouger au rythme de la musique. Puis, ils devinrent plus hardis, riaient et se taquinaient. Jusqu’à devenir sensuels. Le corps de Justin épousait parfaitement celui de Carlie, ils ne faisaient qu’un. Les hanches de la jeune fille faisaient des rondes gracieuses qui mettaient Justin en feu.  Etaient-ce les paroles de la chanson ? Le doux son de la musique ? L’euphorie du moment ? L’alcool dans son sang ? L’intimité de la pièce obscure ? Comment aurait-elle pu savoir ? Mais, elle le fit ! Elle l’embrassa, d’abord hésitante, puis avec entrain et passion. Le jeune homme ne la laissa pas se languir. Il répondit à son baiser avec fougue et osa lui donner une légère caresse sur ses seins. Elle gémit de plaisir à son oreille. Alors, il gagna confiance et se permit d’aller plus loin. Descendit vers son cou, le lécha puis le suça avidement. Elle continua de gémir, se cambra vers l’arrière, offrant au jeune homme sa gorge et son décolleté.
Ils étaient dans l’obscurité la plus totale. Seuls danseurs de la pièce. Ils pouvaient voir dehors, là où se trouvait leur table et leurs effets personnels. Mais, ne pouvait rien apercevoir à 20 centimètre de leur nez. La lumière leur serait superflue, car ils trouvèrent sans hésitation aucune, le chemin de leur plaisir mutuel. Chacun savait quoi faire, comment se toucher et quand agir. C’était également une danse, qui suivait sa propre règle. Il fallait seulement, se fermer les yeux, avoir les sens en éveil, ne plus réfléchir, ne plus penser et se laisser aller au rythme de la musique des pulsions violentes.
Justin fit descendre une des manches de la robe de la jeune fille, tout en l’embrassant. S’attaquant alors à un sein, l’enleva de la protection du soutien-gorge, et s’empara de la chair avec sa main. Il la trouva dure et souple à la fois. Après avoir libérer la bouche de la fille, il s’intéressa au téton, débarqua sa langue sur cette petite colline inconnue et l’enveloppa avec sa bouche.
Carlie perdit pied. Elle n’avait plus la force de se tenir debout. Alors, elle vacilla et alla coller son dos au mur. Donnant ainsi, plus d’assise au jeune homme qui s’émerveillait du goût de son sein.  Il fit courir ses doigts sur le dos de la jeune fille, souleva l’une de ses jambes et la fit passer autour de ses reins. Celle-ci se cambra encore plus pour recevoir le jeune homme entre ses cuisses. La toile dure du jeans du garçon ne pouvait empêcher à la fille de ressentir le sexe de son compagnon, dur et ferme. Il la tenait d’une main, et faisait passer sa main libre sous la jambe de sa compagne, souleva sa robe, et attrapa ses fesses. Il avait le souffle court, et suait à grosse goutte dans une salle climatisée. Il embrassa encore la jeune fille, passa sa main sous sa cuisse, et caressa son sexe à travers sa culotte. Il revint encore vers son sein libre, pendant qu’il écartait doucement sa culotte et y introduisait un doigt. L’intimité de la jeune fille était chaude, humide et diablement tentante.
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C’est à cet instant crucial qu’une alarme sonna dans l’esprit de Carlie. Ce doigt qui farfouillait dans son sexe la réveilla brusquement d’un rêve doux et sensuel. Elle voulut repousser gentiment Justin, mais il se fit plus insistant. Elle voulut fermement enlever la main de sa culotte, mais il se fit résistant. Elle comprit alors l’excitation du jeune homme était à son comble, elle se demandait si c’était trop tard pour s’arrêter. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Et là elle comprit ce qui pourrait lui arriver si Justin refusait de s’arrêter. Ils étaient seuls dans une pièce obscure, avec une musique forte. Qui pourrait les voir ? Qui pourrait les entendre ? Qui pourrait lui porter secours, ou empêcher que Justin continue si elle disait non ? Elle comprit également, qu’elle ne connaissait pas vraiment le jeune homme. Et, à quel point c’était risqué de s’être laissée aller ainsi avec lui. Il est vrai qu’il lui inspire confiance, et qu’il lui plait, mais elle n’était pas venue pour cela. D’autant plus, elle se voyait mal faire l’amour avec un homme au premier rendez-vous. Pire, debout sur une piste de danse !
Alors, Carlie essaya encore une fois de se dégager de l’emprise du jeune homme, mais celui-ci l’écrasait de tout son poids et le dépassait d’une tête. Elle lui disait non avec force et fermeté, mais il faisait la sourde oreille. De plus, le son de la musique amortissait la dureté de sa voix. Tout d’un coup, Carlie abandonna, elle devint froide et inerte entre les mains de Justin. Silencieuse, molle comme une poupée de chiffon, et sans vie. Justin s’arrêta net et lui caressa la joue, puis dit :
– Personne ne viendra nous déranger, tu sais, on est tranquille ici.
– Non…, ce n’est pas cela. répondit-elle la voix tremblotante.
– D’accord ! Alors, veux-tu qu’on aille dans un endroit plus intime et discret ? demanda-t-il l’air soucieux.
– Non… Non… Je ne veux rien.
– Tu ne veux pas aller plus loin ?
– Je ne veux pas.
– D’accord ! On s’arrête là. Loin de moi l’idée d’agir contre ta volonté ou de te brusquer. dit-il l’air compréhensif.
– Ok.
– Viens, retournons à notre table.
Elle arrangea rapidement ses vêtements puis le suivit vers leur table. Ella avait tellement l’air gênée et se sentait coupable de n’avoir pas pu se contrôler. La présence de Justin était envoûtante et rassurante. On avait le sentiment de compter, et on se sentait bien près de lui. Mais Carlie avait tellement honte qu’elle voulût s’enfouir six pieds sous terre et disparaître. Justin lui disait que tout allait bien, et qu’il comprenait bien que les choses ne doivent pas aller si vite entre eux. Cependant, la jeune fille semblait être si loin, perdue dans ses pensées. Il ne savait plus quoi dire pour regagner la bonne ambiance qui régnait entre eux avant cet épisode fâcheux. Justin également de son côté se blâmait pour avoir été si insistant, il craignait que la jeune fille ne pensât qu’il est l’un de ces hommes qui ont l’esprit trop poussé pour la chose. Il regrettait de ne s’être pas rendu compte de son changement de comportement plus tôt, et qu’il n’ait pas voulu s’arrêter à temps.
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– Carlie, je suis sincèrement désolé si je t’ai brusquée tout à l’heure, je ne voulais pas agir contre ta volonté. Et je comprends parfaitement que les termes de notre rencontre n’avaient aucun rapport avec ce qui vient de se passer, même si, rien n’était explicitement dit entre nous. déclara-t-il l’air inquiet.
- Oui, je comprends et je te remercie d’avoir respecté mon refus d’aller plus loin. dit-elle prudemment.
– D’accord, tu veux boire quelque chose ? demanda-t-il gentiment
– Non, tout va bien, répondit-elle avec froideur.
– T’inquiètes je ne t’entrainerai plus dans la salle de danse, et si cela venait à arriver je serais sage, je te le promets, dit-il en essayant de faire une blague légère
– Ça va.
– D’accord.
– Ecoute, je viens de me rappeler que j’avais quelque chose d’important à faire à la Faculté, je pense que je vais m’y rendre avant qu’il ne soit trop tard.
– Tu pars déjà ! s’étonna-t-il
– Oui, je suis obligée ! Ne t’inquiète pas, cela n’a rien avoir avec ce qui vient de se passer. De toute façon, je t’avais bien dit que je ne vais pas pouvoir rester trop tard avec toi. s’expliqua t-elle.
– C’est vrai tu m’avais prévenu que tu ne voulais pas rentrer tard, mais il est encore tôt, à peine 17 heures et j’espérais vraiment passer plus de temps avec toi Carlie.
– Oui, je sais ! On aura de nombreuses autres occasions de passer du temps ensemble, mais maintenant je dois partir, crois-moi.
– Bien, je ne vais pas te retenir. Je t’accompagne alors jusqu’à un taxi. dit-il la mort dans l’âme.

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