Partie 41

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En signe de protestation contre le nouveau conseil d'administration de la Faculté des Sciences Humaines et contre l'expulsion à perpétuité de leurs camarades, sans enquêtes ou même une forme de procès; certains étudiants de la Faculté bloquèrent l'accès au bâtiment de l'administration. Ils ont rendu le cadenas inutilisable en versant de la super glue dans sa serrure. Très pratique, discret et ingénieux comme méthode. Mirabelle a qui les pamphlets, les tracts, les marches, les injures ou dénonciations anonymes sur les murs de l'établissement laissaient habituellement indifférente et froide, eu une réaction différente ce jour-là. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait l'expérience de toute une session d'étude, environ 6 mois ou même plus, perdu parce qu'un groupe d'étudiants avaient décidé qu'ils en avaient assez de la violence de leur dirigeant. Et avaient pensé que le meilleur moyen de faire pression est d'enlever à leur dirigeant l'accès à leur lieu de travail. Mais cette fois-ci était une première, parce que Mirabelle se tenait devant eux et questionnait leurs actes. Était-ce la découverte de la supercherie de Johnny qui l'a fit sortir de la petite bulle qu'elle vivait depuis plus de 24 ans ? Ou bien est-ce la perte de Carlie ? Mais quelque chose avait changé en elle. Avait-elle en un sens évolué ? Ce n'était pas l'émotion qu'avait suscité la découverte du vrai visage de Johnny, c'était bien plus que cela. Cela s'apparentait à une suite d'événements, comme l'effet domino. Quand cela a-t' il commencé ? Et pourquoi maintenant ? Elle n'avait pas l'habitude d'être livrée à elle-même avec ses questions existentielles, et se sentait totalement perdue.

Son professeur était présent dans la salle, mais les étudiants et lui n'avaient pas la tête à faire le cours ce jour-là. Qui avait envie de parler Statistiques dans un moment pareil ? Personne, ou presque personne, parce qu'on ne sait jamais. Mirabelle sortit de la salle, elle n'avait pas envie d'entendre les mêmes réflexions, les mêmes conclusions depuis plus de 4 ans. Tous ici savaient que le problème était bien plus gros que la Faculté, et même bien plus gros que l'Université. Mais tous sentaient le besoin de commenter le sujet du jour, tous voulaient pointer du doigt un coupable pour la situation dans laquelle ils se trouvaient. C'était comme une thérapie, un groupe de soutien, où l'on essayait de digérer la situation ensemble. Dans ces moment-là, c'était Carlie qui l'aidait à surmonter sa frustration contre ce système qui les purgeait, et contre certains qui ne pouvaient pas se contenter de prendre sa part et de s'en aller, mais qui voulaient changer, faire quelque chose. Parce que tout le monde n'apprécie pas que d'autres viennent déranger le système, même si ce même système est en train de les détruire à petit feu. Ceux-là espèrent qu'ils vont pouvoir s'en tirer avant d'avoir rendu leur dernier souffle d'espoir. Ces pauvres-là ne savent pas que s'ils survivent à ce système, cela ne fait que les préparer à accepter et aimer souffrir plus durement dans la matrice de tous nos maux. La matrice qui engendre tous les autres systèmes pour nous préparer à elle, la reine. Et Mirabelle était de ceux-là, elle voulait tirer ses 4 années d'études vite fait et s'en aller, leur laisser leur Faculté, leur Université. Comme elle le disait souvent à Carlie : « Je ne fais que passer ici ».

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Elle était assise devant l'ancien bâtiment endommagé depuis le tremblement de terre et laissé-là à l'abandon. Non pas à l'abandon total, mais en attente de rénovation par une firme étrangère dont le contrat et les fonds prennent beaucoup trop d'années à venir. Elle s'était laissé glisser sur sa chaise et étendue ses pieds de tout leur long, barrant ainsi le passage devant elle. Là où elle se trouvait n'était pas très fréquenté, certains étudiants craignaient de s'asseoir sous l'ancien bâtiment, cela leur rappelait trop le traumatisme ou le risque du tremblement de terre sanglant du 12 janvier 2010. Le regard perdu dans le vide, elle se refusait à réfléchir à quelque chose. Elle ne voulait pas penser sans aboutir à un résultat ou une réponse. De nouvelles interrogations ou de nouvelles craintes, lui était pénible, et elle évitait soigneusement d'en arriver là. Mais quelqu'un vint la déranger dans son exercice de recherche du vide dans sa tête.

Kaléidoscopie d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant