Flash.
Lumière blanche.
Quelqu'un frappe, très fort. Ça résonne dans sa tête, tellement fort qu'elle en serre les mâchoires.
Teresa ouvrit les yeux et les referma aussitôt, aveuglée par la lumière trop forte contre le carrelage blanc. Elle était aveugle et sourde, incapable de bouger, inerte sur le sol froid. Où était-elle ? Ah oui, dans la salle de bain. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Elle ne se souvenait plus.
Elle sentit l'odeur du sang avant même de le voir. Ça poissait contre sa joue, ça la lançait en piques de douleur aléatoires. Lentement, très lentement, un muscle après l'autre, elle se redressa. Incapable de tenir debout, prise de vertiges, elle se retint au vasque du lavabo, porta une main à sa tête, observa sans réagir ses doigts écarlates. Elle sentit sous ses doigts, posé près du lavabo, le petit sachet vert pomme éventré et les traces de rails juste à côté. Mauvais dosage.
Malgré l'apparence impressionnante de sa plaie, elle n'était pas profonde et semblait quasiment refermée. Par précaution, elle s'arma d'une éponge et s'évertua à essuyer les tâches de sang d'un rouge si foncé qu'il en paraissait presque noir, à genoux sur le carrelage poisseux. Sa tête la lançait, elle avait envie de vomir. Elle n'avait rien à vomir.
Elle du se reprendre à plusieurs fois pour déverrouiller la porte, les mains tremblantes. Pas la première fois que ça lui arrivait, mais par habitude elle laissait la porte ouverte pour prévenir ce genre d'incident ; pas ce soir-là. Dans le couloir, elle resta quelques minutes accrochée au mur pour prévenir son vertige, pâle comme la mort et nauséeuse. Elle attendit encore de longues secondes, le temps que son cœur se calme. Dehors, on voyait les rayons du soleil matinal qui traversaient les rideaux tirés. Plusieurs heures s'étaient écoulés depuis son trip expéditif. Elle s'essuya le nez de sa manche et referma la porte de la salle de bain derrière elle.
Elle n'avait presque aucun souvenir de la soirée après l'épisode sentimental avec Luka. Elle se maudira plus tard pour son ridicule, pour l'instant elle avait trop mal. Dans le salon, les jumeaux n'avait presque pas bougé, l'un sur l'autre assoupis comme deux enfants. Elle les détailla du regard et soupira.
- Ah, tiens, t'es debout.
Elle se retourna d'un mouvement vif et vit Gautier assis sur une chaise près de la fenêtre, les jambes repliées contre son torse. Il avait l'air de planer à dix mille. Elle s'installa près de lui et lui vola une cigarette. Ses mains tremblaient trop pour qu'elle puisse rouler. Il l'observait avec un air inquiet sur le visage.
- T'as vraiment une sale gueule.
- Merci, super aimable, vraiment. J'te retourne le compliment.
Il continuait de la fixer, suspicieux. "T'as disparu où toute la soirée ?
- Toute la soirée, roh, t'exagère toujours. (elle nota son regard et détourna les yeux pour se concentrer sur l'animation de la circulation, au loin) Oh, ça va, tu sais ce que c'est. J'ai un peu trop forcé sur les doses, j'me suis endormie dans les chiottes.
- Et tu t'es éclatée le crâne en prime.
- C'est rien.
- Tu devrai manger quelque chose.
- J'te dis que c'est rien.
Il n'insista pas, ils partagèrent son pet en silence pendant de longues minutes. Finalement, il demanda innocemment où étaient Luka et Georges. Elle dit qu'elle n'en savait rien. D'habitude, Luka dormait sur le canapé qui pouvait se déplier en lit, mais Teresa savait très bien que quand ces deux-là étaient un peu pleins, ils finissaient souvent dans le même lit. C'était Luka qui le lui avait dit il y a quelques temps. Georges, lui, niait dur comme fer ou prétendait qu'il ne s'en souvenait plus. Il avait honte et préférait garder ça comme un plaisir coupable, Teresa en était sûre. C'était ridicule de sa part, mais personne n'y pouvait rien.
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Les anges meurent aux balcons
General FictionÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...