- Quoi ? Elle a fait QUOI ?
- Couché avec ce... Elliot, ou qui que ce soit. Un type de son école de danse.
Stella tournait avec fureur comme un lion en cage, à croire que c'était elle qui venait de se faire tromper. Olivier observait la scène derrière ses genoux, assis dans une position impossible comme il en avait le secret, silencieux. Teresa était hors d'elle. Cela ne se voyait pas, ou à peine. On décelait sa colère dans le mouvement de sa mâchoire serrée et dans le tremblement léger de sa cigarette.
- Quand ça ?
- J'en sais rien, j'ai pas demandé les détails. (Puis, voyant le regard insistant de Stella :) Y'a quelques semaines, par là.
- Souvent ?
- Elle ne me l'aurait pas dit si c'était pas régulier.
Stella fut visiblement offusquée.
- Enfin quand même, coucher c'est tromper !
- On avait un accord tacite. Si elle me l'a dit comme ça c'est que dans trois jours ils sont en couple.
- Chelou, votre truc, observa Olivier.
Teresa lui lança un regard d'interrogation. Il haussa vaguement les épaules sans lever les yeux vers les deux filles.
- J'sais pas, même un baiser c'est tromper. Je me suis fait larguer pour moins que ça, plusieurs fois.
- Monsieur est infidèle ? demanda Stella en roulant des anches.
Teresa leva les yeux au ciel.
- Bon, vous avez fini ? Nous deux c'est terminé, ça s'arrête là.
- C'est glauque, quand même, juste après la révélation sur les lettres de ta mère, c'est pas trop bienvenue, observa Stella.
- Parce que tu penses qu'il existe un meilleur moment qu'un autre pour annoncer ce genre de truc ? dit Olivier du tac au tac.
Teresa leur lança un regard noir qui mit fin à la conversation. Stella se racla la gorge et se pencha de nouveau sur les papiers éparpillés sur la table autour de laquelle ils étaient regroupés.
- Bon, peu importe. Notre plan.
Stella avait passé les deux dernières semaines à mettre en place un plan exceptionnel. Teresa n'avait jamais autant vu son intelligence pratique à l'oeuvre et écoutait son plan d'une oreille plus attentive qu'elle ne le laissait paraître tout en relisant vaguement son devoir d'histoire. Olivier, en discutant avec un type bourré dans un bar, avait dégoté des informations intéressantes sur un convoi de cocaïne tout droit arrivé du Mexique par bateau. Le type, tout en s'allongeant sur la table, couvert de bière à force de trop agiter sa chope, lui avait parlé d'un baron de la drogue du Sud de la France, un type incroyablement discret et plein aux as. Stella, armée de son stylo rouge, traçait un vague schéma sur une feuille vierge.
- Bien entendu, on va pas intercepter le bateau. On est que trois, ce serait vraiment très stupide. Mais toute la cargaison sera séparée en petites quantités envoyées à des dealers qui l'écouleront ensuite à leur échelle. Un de ces mecs, un Smith parmi d'autres, a clamsé en taule y'a quelques jours. Tous ses dealers se cassent pour Rio avec leurs économies et ont l'air d'avoir oublié la cargaison. Ils veulent envoyer un type chercher la dope, mais j'ai réussi à entrer en contact avec lui. Je lui ai fait croire qu'on était une organisation très clean prête à faire le sale boulot à sa place. Vous savez comment c'est, les ports à conteneurs. Dégueulasse, puant le poisson mort, pas vraiment l'endroit rêvé pour un type riche en costard cravate.
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Les anges meurent aux balcons
Genel KurguÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...