Teresa se mit à agir exactement comme tous les junkies agissent, après cet incident. Elle se cacha avec brio, réduisit les doses pour que les autres n'y voient que du feu et évita toutes les conversations qui pouvaient mener à parler de sa consommation. Olivier n'était pas du genre à lui forcer la main et ne reparla pas de l'incident pendant plusieurs semaines. C'étaient les grandes vacances et contrairement à tous les travailleurs de la ville, tous trois se mirent à trimer encore plus dur dû à la demande croissante.
Le samedi matin, très tôt, peut-être vers cinq heures du matin, Teresa croisa le fantôme d'Olivier dans la partie cuisine du hangar. Les yeux perdus dans le vague, complètement immobile, il ne se rendit compte de sa présence que lorsqu'elle posa une main sur son épaule et qu'il réagit en sursautant brutalement.
- Tu as laissé refroidir le café dans la cafetière.
- Désolé.
Étrangement, ses yeux ne focalisaient pas bien. Même sa voix semblait lointaine, brisée, le timbre forcé. Son premier réflexe fut de penser qu'il trippait. Mais il n'était pas défoncé.
- Heu, tu vas bien ?
- Ouais, ça va. Et toi ?
Elle ne répondit pas, essayant de comprendre ce qui n'allait pas avec son comportement. Ces derniers temps, il était devenu plus silencieux, encore plus qu'à l'accoutumée. S'était-il passé quelque chose ? Teresa n'était pas certaine de comprendre. Elle choisit de jouer la carte de la nonchalance. Ses skills sociaux n'étaient pas encore brillants mais elle s'améliorait.
- T'as l'air fatigué.
- J'ai pas fermé l'œil depuis trois jours.
Le silence se fit. Il semblait complètement détaché, absent, transparent. Teresa continuait de le regarder de travers mais son regard à lui se perdait dans le mur d'en face. Elle n'était pas sûre qu'il le voyait réellement. Finalement, elle se leva pour faire réchauffer le café. Elle aussi en avait besoin.
- Dis, t'es au courant de la transaction qui va avoir lieu aujourd'hui ? Stella a dû t'en parler. Elle me le rabâche sans arrêt depuis deux jours, j'en ai marre.
- Quoi ? demanda-t-il. Visiblement il était dans une toute autre dimension. Heu, ouais, je sais plus. Peut-être.
- T'as besoin de quelque chose ?
- Quoi ? répéta-t-il, ahuri. Heu...
- Je veux dire, si t'as besoin d'aide, je suis là.
- Merci, Teresa, dit-il d'une voix dépourvue de toute émotion.
Ils se séparèrent sans un mot de plus.
Le soir, elle rentra des courses avec deux sacs de plastique pleins de nourriture et failli les laisser tomber de surprise en se faisant attaquer par un enfant en pleine course et éclats de rire. Un enfant dans le hangar, qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Du jamais vu. C'était une petite fille brune avec une longue robe verte et des couettes. Les yeux marrons brillants, elle riait toute seule en courant les bras écartés. Elle devait avoir dans les sept ans.
- Qu'est-ce que...
Ce fut à cet instant qu'elle aperçu la silhouette longiligne qui fouillait dans le frigo. Une jeune femme sortit de derrière la porte avec un sourire impersonnel sur les lèvres et une bouteille de lait dans les mains.
- Oh, bonjour, tu dois être Teresa ?
- Qui êtes-vous ?
Elle ne voulait pas paraître aussi farouche, mais quelque chose ne tournait pas rond. Ni Stella ni Olivier en vue et cette inconnue qui prenait du lait pour son café comme si elle était chez elle ? Et cette gosse, en plus. Est-ce qu'Olivier avait une fille cachée ?
- Désolée, dit l'inconnue en posant sa tasse sur la table. Je suis la sœur d'Olivier, j'aurai dû prévenir que je passais mais ça a un peu était prévu au dernier moment.
C'était une très belle femme, Teresa n'en resta pas indifférente. Elle devait avoir entre vingt-cinq et trente ans, une allure décontractée de jeune maman seule. Elle ressemblait à la petite - ou plutôt la petite lui ressemblait - avec de très longs cheveux bruns rassemblés en deux chignons de part et d'autre de sa tête, un visage fin où se peignait un air très assuré et incroyablement sexy. Des yeux noirs perçants (elle n'était pas au niveau du regard noir de Teresa mais s'en approchait bien) et une silhouette adorable qui se balançait nonchalamment de gauche à droite alors qu'elle marchait du frigo à la table.
Teresa ne s'assit pas même quand la sœur d'Olivier lui recula une chaise. La jeune fille se frotta les yeux pour fixer son regard. Elle était défoncée et tentait d'agir le plus normalement possible. Elle avait l'impression de déambuler dans un rêve. Du mal à se concentrer sur la voix de la jeune femme quand elle reprit la parole.
- Je m'appelle Linda. Ça fait longtemps que t'habites ici avec Stella et Olivier ?
La petite se mit à tourner autour de Teresa en faisant des bruits d'avion avec sa bouche. Teresa émit un "Heu" confus et chercha finalement à s'asseoir.
- Cinq ou six mois, je dirais. Je ne savais pas qu'Olivier avait une sœur.
- Ouais, dit Linda en prenant une gorgée de son breuvage. Il n'est pas très prompt à parler de sa famille.
Prompt. Instruite, cette Linda. Olivier semblait venir d'une famille modeste tout ce qu'il y a de plus normal, elle avait certainement accédé à de bonnes études après le lycée. Mais d'après le peu qu'il lui avait raconté, pas besoin de venir d'une cité HLM pour avoir une enfance traumatique.
- Mais qu'est-ce que vous faites là ? demanda Teresa en glissant discrètement un regard à la table basse où gisaient des paquets de pilules entassés et assez d'herbe pour planter un jardin. Ce n'est pas vraiment un endroit pour un gosse. Olivier est parti ? ajouta-t-elle soudain, perturbée par l'absence de son ami.
- Il est au lit.
En effet, Teresa nota sa silhouette immobile sous les draps, dans le coin du hangar où lui et Stella dormaient. Elle nota aussi comme Linda avait dit "Il est au lit" et non pas "Il dort". Teresa se gratta le sommet du crâne. Elle attendit que Linda continue, ne sachant pas quoi ajouter.
- Il a besoin de moi. En fait, il a besoin de vous tous aussi. Il n'est pas très bon pour exprimer ses émotions.
Teresa ne répondit pas. Ça, elle le savait. Leurs pauvres tentatives à communiquer s'accompagnaient d'alcool à flots pour parvenir à exprimer trois misérables phrases. La jeune fille ne savait pas vraiment quoi faire ni même ce qui n'allait pas chez lui.
- Bref, le laissez pas tout seul. Il a tendance à... partir en vrille. Même s'il a l'air calme. Faites gaffe. Maman est inquiète pour lui mais il ne veut pas la voir. Y'a que moi qu'il accepte de voir. Mais je peux pas rester avec lui tout le temps. Faites-le sortir, faire des activités, même vendre votre dope, peu importe.
Elle se leva en poussant sur la table et rangea une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille.
- Laissez pas mon petit frère tout seul. On peut pas vraiment faire grand chose, il est malade. Essaie de lui faire prendre ses médocs.
- Ses médocs ? demanda Teresa qui semblait se réveiller brusquement.
Linda tapota sur une petite boîte orange au centre de la table avant de se lever. Elle s'éloigna et Teresa prit quelques secondes à analyser la situation. La jeune femme s'approcha du lit d'Olivier. Elle parlait à voix basse de manière à ce que personne ne l'entende. Olivier bougea vaguement sous la couette et Linda se pencha pour lui embrasser le front. Cinq minutes plus tard, elle s'en alla avec sa petite.
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I'm back bitches
Nouveau chapitre feat la dépression d'Olivier
Promis on s'amuse plus dans les chapitres suivants.Btw allez lire ma fanfiction sur Le Maître des Illusions c'est aussi fun et je suis bien plus active là-bas sorry not sorry
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Les anges meurent aux balcons
Ficción GeneralÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...