Il ne lui donna rien pour se rincer la bouche. Elle se sentait si mal qu'elle aurait volontiers pris le flingue pour se le mettre entre les mâchoires, histoire d'effacer définitivement le goût infecte qui menaçait à nouveau de la faire éclater en sanglots. Cependant, là où on l'avait enfermé, il n'y avait rien, et elle était seule. C'était une petite pièce noire, aux murs nus et au mobilier inexistant. Il l'y avait jeté à même le sol, lui écorchant les genoux et les mains qu'il lui avait attaché dans le dos. Son pantalon était déchiré, ses cheveux en bataille lui tombaient sur les yeux sans qu'elle puisse faire un geste pour les écarter. Elle se sentait impuissante. Plus que cela : elle savait qu'elle était totalement impuissante.
Teresa avait été la première à quitter la pièce, escorté par l'homme, laissant à Stella un dernier regard terrifié avant de la perdre de vue dans l'angle de la porte, et un autre coup d'oeil à Olivier, immobile pour l'éternité sur son fauteuil roulant. Maintenant, seule dans sa cage obscure, elle se laissa aller à ses larmes et pleura son ami tout son saoûl. C'était un déchirement interne, une douleur bien réelle qu'elle n'arrivait pas à calmer. Se mêlait à elle la peur, qui s'infiltrait par tous ses pores , insidieuse comme du gaz toxique, et la faisait suffoquer. Elle était terrifiée. De plus, ne pas voir l'homme la tourmenter lui mettait dans la tête qu'il tourmentait Stella à sa place, et cela elle ne pouvait l'accepter. Elle se mit à hurler, à appeler le type pour qu'il la laisse tranquille et vienne s'attaquer plutôt à elle.
Le temps passait lentement, dans cette pièce nue. Teresa se trouva bientôt à étouffer dans la chaleur terrible de l'endroit. Elle essayait de réfléchir (il faisait chaud, il faisait jour, elle devait donc se trouver dans un Etat différent, peut-être le Nouveau Mexique ou le Nevada vu la luminosité du désert) mais son esprit partait en vrilles effrayées chaque fois qu'elle tentait de rassembler ses pensées. Dans son désespoir, elle pensa à sa mère, à son frère, à Hélène. Il lui fallait alors finir séquestrée dans une pièce obscure pour saisir la triste vérité : elle l'aimait passionnément. Et elle était partie avec un autre. Elle sentait l'amour palpiter tout près de la membrane de son coeur, comme un petit oiseau.
À force de hurler et de pleurer, elle finit par se calmer. L'homme ne revenait pas, et justement quand elle se mit à espérer qu'il la laisserait tranquille, le voilà qui ouvrait la porte lentement. Elle se sentit souffrir avant même que quoi que ce soit ne se passe. Se remettant instantanément à pleurer, elle contempla obstinément ses chaussures. Elle savait ce qui allait se passer. Bien entendu, les choses se déroulèrent exactement comme elle l'attendait. L'homme la détacha et lui demanda de se déshabiller. Elle le fit sans rien dire. De nouveau, son pauvre cerveau tourmenté se mit en pilotage automatique. Elle avait froid ; elle ne le sentait pas. Ses pieds nus furent vite anesthésiés par le sol glacé. Son esprit fit le vide, le Grand Vide, et elle s'attaqua à sa tâche funeste sans un mot, sans une larme.
L'homme prenait son pied. Apparemment, certains tordus adoraient quand le sexe n'était pas réciproque. Teresa n'était capable d'aucune réflexion. Ses pensées se tordaient et lui échappaient. Elle n'arrivait qu'à se répéter en boucle "Je veux que ça cesse" jusqu'à ce que les mots n'aient plus aucun sens dans sa tête.
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Truuuuuuh la joie
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Les anges meurent aux balcons
General FictionÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...