Quand on rencontre Teresa pour la première fois, un bon nombre de qualificatifs viennent en tête. On la trouvait taciturne, froide, sarcastique, austère. D'autres la trouvaient amusante, étrange, ennuyante. Mais ce qui revenait le plus, au bout de quelques adjectifs, c'était celui-ci : Teresa était brillante. Aussi bien à l'école qu'à l'extérieur, elle se démarquait par sa remarquable intelligence. Personne ne pouvait passez à côté ; pas parce qu'elle le mettait en avant, mais parce que cela ressortait de sa personne avec une aisance naturelle, une justesse incroyable.
Les professeurs le lui faisaient remarquer depuis qu'elle était toute petite. Mademoiselle Pschutt, vous pourrez faire tout ce que voudrez dans la vie. Vous pourrez conduire des avions, les construire, les dessiner, régner sur une grande compagnie, commencer une start-up fleurissante, devenir chercheur ou professeur d'université. Entrer à Science Po, faire de la politique.
Néanmoins, Teresa savait ce qu'elle voulait faire de sa vie, et ce depuis peu de temps. Elle voulait devenir chercheur. Faire avancer la science. Être une autre sorte de docteur, pas de ceux qui recousent des coeurs mais de ceux qui fabriquent de nouveaux traitements contre le cancer.
Et pourtant, depuis la mort de sa mère, ses rêves de grandeur s'étaient vus couper les ailes. Elle n'allait plus aussi souvent en cours, et quand elle y était elle s'ennuyait ferme. Tim continuait de lui amener les cours, inlassablement, de lui montrer des brochures d'universités réputées, de parler de l'avenir, encore et encore.
Jeudi, en cours de maths, alors que le professeur parlait de la limite en plus l'infini d'une fonction exponentielle banale et ennuyeuse, Teresa poussa le plus long soupire qu'un élève ai jamais poussé dans cette salle de classe, si bien que même les filles du premier rang se retournèrent. Tim jeta un oeil sur sa copie pour vérifier sa dérivée.
- T'es sûre de ta réponse ? J'ai un x en plus dans ma dérivée.
Teresa griffonnait sur le bord de sa feuille. Au tableau, le professeur faisait des pieds et des mains pour expliquer le concept de primitives à une classe aussi dynamique qu'une salle commune de maison de retraite. Finalement, la jeune fille étira ses bras sur la table.
- Putain, je m'ennuie.
- Facile à dire pour toi, nous tous on galère. Si t'avais un niveau de compréhension normal, comme tout le monde, tu t'ennuierai moins. Aide-moi, tu veux ?
- Non, sérieux, Tim. J'en ai marre d'aller au lycée, de me taper des dizaines de cours sur un sujet basique et inintéressant. Je veux faire autre chose.
Tim fit tourner son stylo entre ses doigts avec une agilité non soupçonnée.
- Alors, pourquoi tu m'accompagnerai pas à l'université ? Je dois y aller après les cours pour faire du repérage. Tu veux toujours faire dans la physique ?
- Non, mec, tu comprends pas, dit Teresa en se grattant un oeil avec ennui. Je vais arrêter le lycée.
- Quoi ?
Deux types de devant se retournèrent. Tim s'excusa.
- T'es folle, faut au moins que t'aies ton bac ! Tu pourras rien faire de ta vie, sinon. Jamais.
Il insistait sur les mots, comme s'il pensait que Teresa n'avait pas déjà tourné et retourné le problème sous tous les anges. Elle dirigea son regard droit vers le tableau, alors que Tim se contorsionnait pour la regarder dans les yeux.
- Ma décision est prise. S'ils ne me laissent pas partir je me ferai virer. C'est pas si difficile.
Tim en resta bouche bée.
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Les anges meurent aux balcons
General FictionÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...