Teresa se mit rapidement à chercher un appartement. Il n'en manquait pas dans la ville, mais elle devait en trouver un qui lui demande une somme d'argent pour le loyer qu'elle soit en capacité de fournir. Pour l'instant elle n'avait pas de revenu. Elle est allée donner son CV à chaque fast-food de la ville, avait fait les librairies, les magasins de meuble, les bar-tabacs, et rien. Elle habitait en transition dans la chambre d'amis de Lionel et Sam, à la demande emplie de gentillesse de leur père et d'eux-même. Elle continuait à aller en cours chaque jour, allait voir Léo tous les soirs après la fin des cours dans sa famille d'accueil où il resterait le temps qu'il faudra à Barthélémy pour faire les démarches d'adoption.
Il ne s'y plaisait pas, chez Mme Fourcade.
- Je veux rentrer avec toi, lui avait-il dit le premier soir alors qu'ils discutaient près de l'enclos aux chevaux de Mme Fourcade. Ça sent la bouse de cheval et les autres enfants sont trop bruyants. En plus je suis obligé d'aller à l'école.
C'était la première fois qu'il était scolarisé. Son niveau n'était pas l'élément problématique, mais plutôt son insertion médiocre et son seuil très bas de sociabilité. Il habitait dans une grande maison de campagne à vingt minutes de bus de la ville avec trois autres orphelins agités, bruyants et joueurs.
- Tu dois rester là jusqu'à ce que Barthélémy puisse te prendre, s'il arrive à avoir les droits.
- On va retourner vivre chez Maman comme avant ?
- Je pense pas.
- Et toi t'habite avec Barthé aussi ?
- Non, répondit-elle après un petit temps d'hésitation. Non, moi je vais trouver un appartement et vivre toute seule.
- Je peux venir avec toi ? répéta-t-il avec une petite voix.
Teresa avait mal au cœur de le laisser chaque soir, mais elle se sentait responsable de son devoir de sœur. Elle continuait de faire le tour des appartements le week-end en compagnie d'Hélène, qui insistait à chaque fois sur la possibilité d'habiter ensemble et d'avoir des frais deux fois moins importants, mais Teresa n'acceptait jamais. Dans son désir d'être indépendante elle préférait trouver un colocataire inconnu plutôt que d'infliger sa compagnie à sa petite amie. Sa douleur et son deuil la rendaient inapte à accepter l'aide extérieur. Comme si elle avait quelque chose à prouver à elle-même elle insistait pour se débrouiller seule, rejetant toute main tendue.
Finalement, un soir, elle prit ses affaires et partit de chez les jumeaux après les avoir copieusement remercié. Elle n'avait pour bagages qu'une valise pleine et son sac à dos de cours. Elle fit le tour des hôtels les plus proches et s'en alla à chaque fois en voyant le prix de la nuit. Même l'hôtel le plus miteux des environs demandait presque cinquante euros. Misérable, elle termina sa course devant chez Georges, à court d'idées. Ici au moins elle se sentait chez elle et était certaine de ne pas gêner. De plus, sa piaule était un véritable moulin. S'il était déjà au lit il était possible qu'il ne remarque pas du tout son passage.
Mais une fois entrée dans le séjour, elle fut accueillit par Luka et son cousin à grands cris.
- Qu'est-ce qu'y se passe, pourquoi vous hurlez tous comme ça ? Calmez-vous les gars, sérieux.
- C'est ton anniversaire et tu passes même pas festoyer un peu avec nous ?
Elle était heureuse qu'on ne lui reparle pas de la mort de sa mère. Georges était venu avec Luka à l'enterrement et connaissait assez bien Teresa pour savoir que maintenant, il fallait cesser d'en parler.
- Ma cousine est enfin majeeeure ! chantait-il en sautant partout autour de son canapé.
Leur bonne humeur lui fit tout de suite oublier ses tourments. Ils l'assirent sur le canapé, envoyant valser sa valise dans un coin de la pièce. Ils n'était pas seuls ce soir encore ; le même couple que la dernière fois était là, cette fois-ci l'air moins défoncés et un peu plus alertes. Ils la félicitèrent sur son passage à l'âge adulte, ce qu'elle trouva plutôt stupide mais ne le fit pas remarquer - ce n'est pas comme si elle avait fait quelque chose de particulier ou gagné une épreuve difficile pour y accéder - et ouvrirent une bouteille pour fêter ça. Ils s'appelaient Stella et Olivier et habitaient dans un garage un peu plus loin en ville. En voyant sa valise, ils se hâtèrent de lui proposer une place.
- On a un lit supplémentaire, notre ancien coloc' s'est barré y'a quelques temps.
- Mais j'ai rien pour payer le loyer, pas de job, rien.
- Oh, t'en fais pas pour l'argent, on a nos propres moyens.
Sur cette phrase énigmatique, Stella lui servit un clin d'oeil que Teresa traduisit par «Nous vendons de la drogue et nous payons notre loyer avec de l'argent sale» ce qui, après réflexion, ne la dérangeait pas plus que ça. Elle était désespérée à trouver un toit et une source conséquente de revenu. Stella insista pour lui montrer l'endroit tout de suite, visiblement conquis à l'idée d'avoir une nouvelle colocataire. Ils partirent tous les trois vers le Sud de la ville, marchant si vite sous la pluie glaciale qu'ils étaient très proches de la course à pied. Ils s'arrêtèrent devant une grande porte de hangar qu'ils poussèrent à coup d'épaule.
- Y'a pas de clef ? demanda dubitativement Teresa et se pressant à l'intérieur pour fuir la pluie.
- Pas besoin. Personne viendrait visiter ce trou à rat.
L'intérieur était surprenant. À en voir leurs habits, leur manière de parler, la jeune fille s'attendait presque à une pièce plongée dans la pénombre, avec au centre un tonneau en feu en-dessous duquel ils faisaient cuire un chat errant en guise de dîner. À la place, la porte s'ouvrait sur un intérieur aéré, affublé de larges et hautes fenêtres en bois. Tout semblait fait main, de la couture des fauteuils aux rideaux. Teresa tomba directement amoureuse du lieu, qui tenait plus d'un squat que d'un véritable appartement, mais le charme particulier de l'endroit eut vite fait de conquérir son cœur.
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Les anges meurent aux balcons
Fiksi UmumÀ dix-sept ans, Teresa habite dans une cité mal famée en compagnie de sa mère héroïnomane et de son génie de petit frère. La dureté de sa condition ne lui fait pas croire à un avenir radieux mais elle n'imaginait pas que ses fréquentations la mènera...