Chapitre 7 - 5

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Teresa était terrifiée, désormais. Elle se mit à trembler imperceptiblement, les mains liées dans le dos. Steve tendit le bras devant lui, pointant son arme sur le front de Stella qui eut un glapissement de peur tout à fait authentique. Teresa prit les devants.

-Attendez. Ça ne sert à rien de nous buter, vous le savez bien.

L'homme lui lança un regard étonné et s'enquit de reprendre ce qu'il avait commencé, portant peu d'intérêt à la jeune black, mais Eva l'arrêta d'un geste de la main.

- Non, dis-nous ce que tu veux dire. (la femme semblait amusée, comme si entendre Teresa se dépatouiller à essayer de les faire changer d'avis sera terriblement divertissant)

Elle improvisait totalement, en roue libre. Tout pour gagner du temps. Car elle avait vu quelque chose. Elle s'efforçait de garder le visage inexpressif, y laissant percer un semblant d'angoisse. Plus vrai que nature. Mais Steve n'était pas dupe. Elle devait capter leur attention.

- Vous voulez nous tuer, très bien. Mais qu'allez-vous faire des corps ? Les laisser là ? La police scientifique y fourrera son nez, et vous pouvez être sûr qu'ils trouveront des traces de vous. Emporter les corps avec vous ? Même dans un sac poubelle, même en pleine nuit, ce serait suspicieux. Et vous pensez ne pas pouvoir nous laisser en vie, on vous dénoncerait. Mais certainement pas, on a trop peur qu'on remonte jusqu'à nous parce que...

Elle hésita. Stella à ses côtés s'agitait en sanglotant.

- Eh bien...

Steve avait toute son attention, la femme oiseau aussi. Elle la fixait de ses yeux si particuliers au regard profond. À cet instant, la tête de l'homme explosa, couvrant d'un coup le cri surpris de Stella et de bouts de cervelle sanguinolants le visage de Teresa. Eva n'eut pas le temps de faire un geste que sa propre tête éclata comme un fruit trop mur. Les détonations fortes furent suivies d'une voix brisée, grave et posée.

- Vous autres, je sais que vous n'êtes pas armés. Sortez d'ici avant que je vous descende.

Il y eut un mélange de frottements de chaises contre le sol et l'instant d'après, les trois malfrats restants s'enfuirent sans un mot ni un regard en arrière. Aucun d'eux ne parlait français, or ils n'eurent droit à aucun "On vous retrouvera" ou "Vous aurez affaire à nous".

Tout s'était passé si vite. Teresa en restait abasourdie. Elle était couverte du sang de leurs deux bourreaux et tremblait comme une feuille. Stella, elle, dans un état de choc intraduisible, s'était mise à sangloter comme une folle.

- Olivier, Olivier, répétait-elle en boucle.

Il s'approcha. Il avait l'air d'avoir été visiter l'intérieur de sa tombe et d'être revenu. Son teint blafard était mis en avant par ses cernes noirs. Il avait perdu du poids, et ses yeux ne brillaient pas. Il les fixait d'un air vide. Il fit rouler sa chaise jusqu'à elles et entreprit de les détacher. Stella était trop secouée pour prononcer autre chose que le nom de son ami.

- Putain, mais tu sors d'où ?

- Pas le temps, dit-il de sa voix si étrange, drastiquement différente de ce à quoi il les avait habitué. Après. Il faut partir.

Cela semblait réveiller Stella. "Oui, oui, on doit partir."

- Je viens avec vous, bien sûr. Mes parents n'en savent rien... Tourne ta main, Stella, je veux pas te couper.

- T'es sorti quand ?

Stella le lui avait dit mais elle ne s'en souvenait pas.

- Il y a trois jours. Mes parents n'en savent rien.

Ça, il l'avait déjà dit. Apparemment, il ne s'en était pas rendu compte.

- Et où t'as trouvé ce flingue ?

- Un de ces cons l'avait laissé sur le comptoir de la cuisine. Ils avaient l'air bêtes comme leurs pieds.

Oh, détrompe toi, pensa Teresa en silence. Olivier avait lui-aussi les mains qui tremblaient beaucoup. Il portait des marques importantes de son escapade dans le fleuve. En fait, il ne ressemblait plus du tout à la personne qu'il fut dans le temps.

- Il faut y aller. Dépêchez-vous.

- Et les corps ?

Il réfléchit. Teresa aussi. Que faire des corps ? Il n'y avait aucun doute, ils étaient les suspects numéro un si on retrouvait les cadavres. De plus, les voisins (ou des passants, ou n'importe qui) avait dû entendre les coups de feu. Ils étaient fichés. Dans une merde noire. Avec deux cadavres sur les bras, ils avaient signé leur arrêt de mort.

- On les laisse là. On peut pas être plus dans la merde, de toute façon.

- On peut pas... les planquer quelque part, je sais pas ?

Teresa était irritée.

- Écoute, on a dû entendre les coups de feu. Les gens vont débarquer. À part en trouvant une très bonne excuse, on se fera prendre si on traîne. On se casse.

Les filles prirent leurs valises et tous trois quittèrent l'entrepôt. Alors que Stella se dirigeait vers l'entrée, on frappa à la porte. Blanche comme un cachet d'aspirine, elle se figea. Tous cessèrent de respirer.

- Eh, y'a quelqu'un ? On a entendu des coups, quelqu'un est blessé ?

Bien sûr, les trois types étaient partis avant que les badaux ne se ramènent, mais les trois amis étaient coincés. Ils ne pouvait pas sortir tranquillement par l'avant. Teresa se tourna vers les deux autres et prononça sans un son : la fenêtre de la salle de bain. Ils firent volte face et s'y dirigèrent. Bien sûr, il y avait le problème du fauteuil. C'était un gros handicape. Stella semblait à deux doigts de la crise de nerfs et Teresa avait envie de se rouler en boule sur le côté jusqu'à ce que tout soit fini. Ses oreilles bourdonnaient encore du coup de feu. De plus, elle était couverte de sang. Elle s'en rendit compte au regard des deux autres.

- Faut que tu te laves. T'as des bouts de... (Olivier fit le signe d'un pistolet sur sa tempe)

Ils étaient à deux doigts de paniquer sérieusement. Les coups redoublaient à la porte. "Répondez ou j'appelle la police, vous m'entendez ? Je compose le numéro." Le type, dont la voix leur était complètement inconnue, semblait trop terrifié pour se tenter à entrer sans trois ou quatre ou tout un régiment de policiers sur ses talons. Sa voix tremblait à travers la porte. Les trois se précipitèrent dans la salle de bain. Heureusement, la fenêtre était assez grande pour y faire passer le fauteuil vide, et le noir profond de la nuit pourrait jouer en leur faveur. Cependant, Stella laissa éclater un semblant de sanglot entre ses doigts.

- Putain, on va aller tout droit en taule.

- Dis pas de connerie, Stella. Si y'en a un qui y va, c'est moi, dit Olivier. Je prendrai pour vous. Mon traffic de drogue, mon crime.

Teresa ne voulait qu'aucun d'eux ne se trouve derrière les barreaux, et certainement pas lui.

- Au pire, je finirai en psychiatrie, qui sait, ajouta-t-il avec un sourire sinistre.

Personne n'osa ajouter quoi que ce soit. Les filles commençèrent à faire passer les valises par la fenêtre.

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OLIVIER SAVED THE DAY

Les anges meurent aux balconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant