Chapitre 56

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Attablée dans la grande cuisine américaine de Louise, devant un plat de risotto, j’écoutais distraitement la conversation en cours. Hugo négociait avec sa mère la future sortie ski avec ses amis et déployait un argumentaire des plus convaincants pour faire plier Louise, ce qui m’amusa.

" Tu as pensé à faire avocat plus tard ? ".

Il sourit à ma remarque, tandis que son frère Jules, face à moi, me lança un regard des plus glacial, comme il avait l’habitude de le faire.

Cela faisait 5 mois que Louise avait annoncé la nouvelle aux jumeaux, peu de temps après notre discussion.
J’avais été impressionné par son courage de le faire si rapidement. Bien entendu, ce fut une étape compliqué à passer.
Même s’ils savaient que leurs parents allaient divorcer depuis assez longtemps, c’était autre chose de savoir que leur mère était avec une autre personne. Et à fortiori, une femme.

Comme je l’avais dit à Louise, il ne fallait jamais se prévaloir des réactions de chacun.
Hugo fut extrêmement surpris, mais l’accepta assez vite, le choc de l’annonce passé.
Jules, au contraire, réagit de manière beaucoup plus violente, refusant cette relation, vociférant contre Louise, lui demandant comment " elle pouvait lui faire ça ! ", qu’elle était la " pire des mères " et qu’il était hors de question qu’il me revoit un jour, moi " cette pauvre fille qui te fait complétement perdre la raison ! ". Et forcément, il l’avait menacé de ne jamais la revoir si elle continuait d’être avec moi. Le même Jules qui avait passait plusieurs semaines avec moi en stage et qui m'adorait.

Dire que Louise revint dévastée dans mon appartement était un euphémisme. Mes bras, mes mots doux l’avaient réconforté de nombreuses fois les jours qui suivirent. Jamais elle ne baissa les bras, douta, remis en doute notre relation. A mon plus grand soulagement.
Les semaines passant, la situation s’était quelque peu amélioré, même si le terme amélioré restait tout à fait relatif.
Marc, l’ancien mari de Louise, avait jouait les intermédiaires et calmé quelque peu les tensions avec Jules. Louise lui avait annoncé en premier, avant les jumeaux. Leur relation étant platonique depuis plusieurs années, cela ne lui avait posé aucun problème particulier et il avait été compréhensif, à peine surpris à vrai dire. Il s'était douté de quelque chose de part les réactions qu'avaient pu avoir Louise à mon contact, ou lorsqu'elle parlait de moi durant les travaux.
J'avais forcément été des plus ravie de cette révélation et j'aimais la taquiner avec cela !

Pour en revenir aux garçons, ils étaient une semaine chez leur mère, puis alternaient avec une semaine chez leur père. Parallèlement, j’alternais également les domiciles, jonglant entre chez Louise et mon appartement une semaine sur deux.
A 35 ans, je connaissais les joies de l'habitation alternée.

Durant 4 mois, Jules avait refusé de me voir, j’avais de mon côté obtempéré devant la situation.
Depuis quelques semaines, il avait tout juste consenti à ce que je puisse partager quelques diner avec eux, ou chacun essayait, malgré l'humeur nocive de Jules, de passer un bon moment.
J’avais essayé d’être la plus gentille possible, et compréhensive, ne répondant pas à ses discrets mot doux qu’il me glissait quelque fois, lorsqu’il ne m’ignorait pas : " ça ne durera pas ", " Je te déteste ! ", " Qu’as-tu fait de ma mère… " et j’en passe.
J’avais essayé plusieurs fois le dialogue avec lui, mais il était fermé à double tour. Louise jonglait avec le fait de le réprimander, tout en essayant d’être compréhensive, et à l’écoute. Elle marchait sur des œufs.

Composer était le mot qui résumait le plus ce que je vivais en ce moment.
Composer avec la situation, avec Jules, avec le fait de changer chaque semaine de lieu de vie, avec le fait de ne pas pouvoir vivre avec Louise… Mais l’amour que j’éprouvais me faisait relativiser, positiver, même si cela pouvait m’atteindre.

Madame la MaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant