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Retour à la réalité, en m'entendant, Pierre devant la télé se lève.

– Ah quand même, je me faisais du souci.

– Chut et il n'est que 20h30. murmurai-je.

– Certes mais la petite.

– La petite a mangé, elle est en pyjama et elle dort. Si tu pouvais baisser d'un ton ça serait bien, merci.

Je laisse tomber les sacs et pars coucher Rose.

– Tu n'allumes pas sa veilleuse ? s'enquiert Pierre.

– Non, au bout de deux jours là-bas elle a décrété qu'elle était grande. Je vais juste allumer la lumière des toilettes au cas où, afin qu'elle se repère.

– Ah d'accord, elle grandit vite.

– Oui assez.

Je ferme la porte et m'occupe des sacs. Pierre vient se coller dans mon dos, il pose son menton sur le haut de ma tête.

– Tu m'as manqué.

– Pierre, je ne veux pas de dispute, donc s'il te plaît arrête.

– Je n'ai pas le droit d'exprimer ce que je ressens ?

– Si, jusqu'à une certaine mesure, mais tu ne peux plus te permettre de me toucher de la sorte. Arrêtons s'il te plaît de faire comme si nous étions toujours un couple. Nous sommes en instance de séparation et cohabitons, point.

Je ne lui laisse pas le temps de riposter et pars m'enfermer dans la salle de bain.

Je prends une douche brûlante et cogite malgré-moi. Pourquoi les choses ne peuvent-elles pas être simple ?

J'ai passé une semaine agréable, entourée de personnes attachantes et dans un cadre magnifique, c'était si paisible là-bas.

Tourment, cauchemars, je ne me souviens de rien sauf la sensation d'étouffer. Après m'être réveillée en panique, j'ai réussi toutefois à me rendormir rapidement.

Deux jours passent sans heurte, je ne fais que croiser Pierre. Contente, je vais retrouver Aelís pour notre cours.

– Coucou ma biche, houlà tu marches comme une mamie. se moque-t-elle.

– Oh arrête veux-tu, hier c'était abdos fessiers, je ne soupçonnais pas avoir autant de muscles, j'ai mal partout.

Mon amie sourit et me tape dans le dos.

– Tu veux rester sur le banc ? Je t'apporte une tisane et une couverture ? continue-t-elle.

– Arrête de te moquer, je te rappelle qu'à cause d'un yaourt tu as eu la diarrhée.

– Chut, oui c'est bon, aujourd'hui c'est Joao qui fait le cours alors du glamour s'il te plaît.

– C'est qui ça Joao ?

– Un brésilien qui a son propre studio, il bouge comme un Dieu. Il remplace Linda en cas de besoin, c'est lui qui l'a formé.

– Ah.

Effectivement, en plus d'être joli garçon, d'avoir un accent sensuel, il ondule son corps comme personne. Il vient même corriger nos postures. Même si nous commençons à connaître la chorée, avec lui, nous la redécouvrons.

– Très bien les filles, je vous dis à la semaine prochaine, je serai là.

Tout en s'éventant Aelís me glisse un regard qui en dit long. Elle n'en ferait pas un peu trop ? Je la quitte en même temps que cette salle pleine d'hormones.

Mon cours de yoga en fin de semaine, me permet d'aborder le week-end plus sereine. C'est la première fois que Rose sera avec son père, donc le premier dimanche sans elle.

Je me suis préparé un planning en béton, cinéma vendredi et samedi soir. Le dimanche expositions et ballades.

Malheureusement je suis revenue l'après-midi plus vite que prévu car voir les familles respirer le bonheur à assombri mon humeur. Je me suis retrouvé toute seule à la maison. Au retour de Rose et Pierre, j'ai serré fort ma fille comme si je ne l'avais pas vu depuis une semaine.

– Regarde maman c'est une château du caniveau.

Elle me tend une rose dorée qui sent bon la pomme verte.

– Une rose du caniveau ? Tu es sûre ?

– C'est mamie LEGRAND qui l'a dit.

Je regarde Pierre en attendant des explications.

– C'est une rose « Château du Rivau ». précise-t-il.

Je souris à l'amalgame.

– Tu es contente ? Tu as passé un bon après-midi ?

– Oui mais papy voulait pas que ze zoue avec les chiens. Au parc mamie est partie car ma copine était une « bounoule ».

– Pardon ? Tu viens de dire « bougnoule ».

– C'est mamie qui l'a dit, Marie est comme tatie Loulou toute bronzée.

– D'accord mon cœur, alors je ne veux pas que tu dises le mot « bougnoule », c'est un mot qui est vilain et méchant. Mamie a fait une erreur en le disant, il ne faut surtout pas le dire ni le penser, c'est très méchant.

– D'accord maman, moi z'aime bien Marie.

– Je me doute bien mon cœur. Tu vas dans ta chambre s'il te plaît ? Vas te déshabiller, Papa va te doucher pendant que je mets le couvert, d'accord ?

– Oui maman.

Je me tourne vers Pierre, le regard plein de reproches, ce dernier hausse les épaules.

– Écoute moi bien Pierre. Si ta mère ne surveille pas son langage devant notre enfant, elle va entendre de mes nouvelles.

– Toi ? Tu vas la remettre en place ?

– Il s'agit de l'éducation de notre enfant, je me fiche royalement de ta mère. Il est hors de question que Rose entende des propos racistes de ce genre.

– Oh ce n'est rien juste un moment d'égarement.

– Ce n'est pas rien, je me refuse de banaliser de tel propos. À cause de ça, de fausses idées sont ancrées dans la tête d'enfants innocents qui découvrent tout juste le monde. Tu me feras le plaisir s'il te plaît de lui faire la remarque, je ne veux pas que Rose soit troublée par de telles idées totalement détestables.

Pierre sait l'importance que j'accorde au respect de chacun. Mon emportement n'est pas exagéré, il est à la hauteur des valeurs que je souhaite inculquer à notre enfant.

– Je lui en toucherai deux mots.

– Tu me le promets ?

– Oui, je vais m'occuper de Rose.

Toujours furieuse, j'essaie de ne pas le montrer à Rose. Au coucher je la berce plus que nécessaire. Elle est si pure, un enfant est si magnifique par son innocence, il faut protéger cela un maximum. Certes je ne veux pas lui cacher les choses mais je souhaite préserver son âme d'enfant et toute la magie qui l'accompagne.

Je chausse mes runnings, bien décidé à évacuer ma colère.

– Je pars courir, je reviens dans une demie heure.

– Courir ? Tu détestes ça.

– Justement, j'en ai besoin.

– Ok je vois, fais attention.

Courir, vite, très vite, se débarrasser de tout, c'est trop lisse, trop goudronné, trop bétonné. J'atteins vite mes limites, énervée de ne trouver aucun obstacle sur mon parcours, je m'assois sur un banc le long de l'eau. Ma gorge est sèche, mes cuisses me brûlent, mes yeux fixent les lumières qui se reflètent sur l'eau et les larmes coulent sur mes joues, pourquoi ? Pour qui ? Je n'en sais rien mais ça fait du bien.

Épuisée, vidée, je rentre sans un mot pour Pierre. Après m'être douchée, je glisse dans le lit, regarde les photos de ces quelques jours et m'endors avec le sourire.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant