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Ding ding ding...

Pía lève la tête et sourit en me voyant. Je me fais disputer, mais je la rassure car je suis venue uniquement pour elle. Elle soupire et me raconte qu'elle va annoncer la nouvelle au futur papa. Elle m'apprend qu'elle est enceinte de neuf semaines. Elle n'a pas été inquiétée avant car son cycle n'a pas été perturbé. Rien d'alarmant cela arrive parfois.

Je fais un crochet par la boulangerie avant de rentrer. Tout est encore calme à mon retour, deux options s'offrent à moi, l'une me crie depuis la poche en papier « mange-moi » et l'autre me sermonne « non, seuls les abdos te veulent du bien », quel dilemme ! Voix de la raison aide-moi ? Schting ! Une ampoule vient de s'allumer au-dessus de ma tête. Je choisis les deux, d'abord les abdos et après le petit déjeuner.

Pfff ! Je suis toute suintante mais c'est pour mon bien. Maintenant je vais pouvoir me faire couler un bon café. Je caresse Louve qui m'avait accompagné avant de pousser délicatement la baie vitrée.

– Déjà debout ?

Quelle frousse ! Adrián se tient devant moi, le visage encore endormi, inutile de préciser qu'il est seulement en caleçon. Je m'efforce de garder les yeux loin de ce carré de tissu car je n'ai pas envie de vérifier un phénomène biologique. Il s'avance vers moi et me fait la bise du matin, un vrai rituel dans la fratrie. Quand il reprend le chemin de la cuisine, je m'égare involontairement à fixer le fameux bout de tissu noir sous lequel deux belles fesses musclées... Mais ça ne va ! Ceux sont les fesses d'Adrián que je reluque comme ça ! Maudites hormones ! Elles auraient dû être calmées depuis le drakkar mais il n'en est rien, de vraies saletés.

– Tu faisais quoi d'intéressant dehors ?

– Abdos.

– Oh, c'est vrai ?

– Non, je me suis roulée dans la rosée et me suis donné des claques pour faire illusion.

Il relève la tête le sourcil relevé.

– Outch, ton humour le matin c'est quelque chose.

– Normal, je n'ai pas nourri le grizzli.

– Ah, je comprends mieux. Tiens-tu en as grand besoin.

Il me tend une tasse de café et je pars m'installer sur la table de la salle à manger. Je l'attends tout de même avant de commencer les viennoiseries.

– Merci, c'est sympa. Heureusement que tu ne vis pas là car avec un régime comme ça faudrait que je redouble d'effort.

– Tu rigoles n'est-ce pas ? Tu as un corps parfait.

– Parfait ?

Même le matin rien ne lui échappe et moi j'aurais dû utiliser un autre adjectif.

– Il me semble que tu le travailles parfaitement, ni trop, ni pas assez. Je pense que tu fais partie des hommes, qui même dans vingt ans, lèveront à peine le petit doigt pour être tel qu'ils sont.

– Ah ok merci.

Un blanc s'installe pendant lequel je profite de ce calme. Une fois la table débarrassée, Adrián tape dans ses mains et se tourne vers moi.

– Prête ?

– Pour ?

– Le dernier tango.

– Maintenant ?

– Pourquoi pas ?

– Je suis toute collante.

– Et moi je sors du lit.

– Certes, va au moins t'habiller.

– Bonne idée, j'arrive.

Un short et un tee-shirt plus tard le voilà déjà de retour.

– On va recommencer avec ton ressenti.

– Ok.

Aux premières notes de guitares je reconnais El tango de Roxanne. C'est une version acoustique, uniquement à la guitare, plus douce que l'originale, entre la plainte et la berceuse, c'est très joli.

– Meurtrissure... Douleur... Main charitable... Rencontre... Découverte... Douceur... Parallèle... Symbiose... Contact... Cocon... Calme... Paix...

– Bien je vois.

– Pourquoi me demander ce que je ressens.

– Chacun à son interprétation, pour moi, en plus de la musique, ça m'aide à donner vie à l'ensemble.

– Tu sais déjà quels pas nous allons faire ?

– Oui bien sûr, allez en piste.

Il prend le temps de décortiquer chaque mouvement. J'apprends ce qu'est un enrosque, une media luna et bien d'autres.

Quand il a prononcé le mot « sentada », j'ai pressenti le pire. Je me souviens très bien de mes cours d'espagnol. Pendant qu'il m'explique, je passe par toutes les couleurs. Tout en étant bien enlacés, après qu'il est pris ses appuis au sol, il me demande de passer ma jambe gauche autour de la sienne, suivi de la jambe droite qui vient croiser celle déjà installée. De ce fait je dois me retrouver assise les jambes croisées sur sa cuisse, tout simplement, mais bien sûr.

– Écoute celui-là je ne vais pas pouvoir le faire.

– Tu rigoles ?

– Non.

– Tu ne sais pas, si tu le peux ou non, tant que t'as pas essayé.

– Je m'excuse mais je ne vais pas le faire.

– Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ? C'est très différent.

– Les deux.

– Ah, explique.

Je ne m'imagine pas lui dire « excuse-moi mais mon cul va certainement plier ta jambe » ou « je n'ai pas envie de me louper et de me casser le coccyx ».

– Tu l'as fait souvent ? m'enquis-je.

– Ça dépend de ma partenaire. Mes sœurs l'ont fait s'en souci, sauf Aelís qui me saute littéralement sur la cuisse.

– Ah.

– Tu veux attendre que la sauterelle se réveille ?

– Non.

– Je te montre une vidéo et après c'est à nous.

– Adrián franchement...

Il fait volte-face, son regard me défie de le contredire, ok...

Cinq minutes plus tard me voilà qui essaye. Un quart plus tard la satisfaction me donne le sourire et nous ne sommes ni tombés ni brisés.

C'est le moment de tout enchaîner. Adrián suit le rythme des notes de guitares, plus douces, les pas plus sensuels, une atmosphère presque intime. Certains pas sont suspendus, comme si le temps c'était lui-même arrêté, c'est très étrange, très... intense.

J'exécute la sentada en douceur, au lieu de rester immobile, Adrián pivote sur lui-même. Surprise je resserre ma prise et laisse échapper un petit cri. Je le vois sourire avant qu'il me chuchote dans oreille.

– T'inquiète pas, j'vais pas te lâcher.

La chanson maintenant terminée, je souffle discrètement en quittant sa jambe.

– Tu vois, tu y es arrivée Miss Alice.

– Grâce à toi, oui, maintenant j'ai vraiment besoin de prendre ma douche.

Adrián fait mine de renifler autour de moi et fait la grimace.

– Ah ouais, c'était toi ?

Une tape sur le bras et je file.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant