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Mon arrivée, dans ce qui ressemble le plus à un havre de paix, chasse les souvenirs de ce corps hypnotique et toujours inconnu.

– Salut tout le monde ! dis-je enthousiaste.

Les quatre têtes se tournent vers moi.

– Hé, tu es venue. me dit Pía.

– Une parole est une parole. répondis-je.

– Tu devais pas aller chez le coiffeur ? me demande Aelís.

Peinée, j'ai un petit pincement au cœur. Je n'ai pas le temps de répondre que l'homme de la famille me devance.

– Si elle y est allée.

D'un froncement de sourcils, Aelís attend que je confirme.

– C'est juste un dégradé et un voile plus foncé.

– Tu la vois toute la semaine et tu ne remarques rien. Bravo frangine ! raille Adrián.

Vexée mon amie répond à son frère, pendant que nous trois comptons les points.

– Elle devait changer de tête et oui, justement je la vois souvent c'est pour ça que j'ai pas fais attention. se justifie-t-elle.

– Mais bien sûr, je vous vois toutes à des rythmes différents et pourtant je fais attention à vous. répondit-il.

– Quel baratineur celui-là. enchaîne mon amie.

Son frère fronce les sourcils avant de sourire tel un démon.

– Comme tu l'auras voulu, Pía fait peur à voir, Linon a un suçon sur la clavicule et quant à toi, si tu continues à le travailler comme ça, tu vas avoir le cul de Kardashian.

Pía me regarde en panique, Linon se cache dans sa tasse pendant que la mâchoire d'Aelís se décroche. Son frère lève les épaules et sa jeune sœur le fusille du regard avant de riposter.

– Et toi ? Tu as perdu le chemin de ton rasoir ? demande-t-elle furieuse.

– Mais non ma chère sœur, c'est lui qui s'est enfuit.

Bon, après ces échanges houleux, je décide d'intervenir pour calmer le jeu.

– J'ai changé d'avis, plus de carré avec frange.

– Qu'est-ce qui t'as décidé ? m'aide Linon.

En y réfléchissant, j'ai un flash... Son poignet, entouré de cheveux, mes cheveux... Un frisson me saisit, de la tête, aux pieds. De petites crampes dans le bas ventre me font détourner le regard. Le rouge me monte aux joues. Vite, je fais mine de me laver les mains et leur répondre le dos tourné.

– Oh, la coiffeuse m'a dit que j'avais de très beaux cheveux. Comme ils sont en bon état pas besoin de couper de trop, juste structurer. mentis-je.

– Elle a eu raison. confirme Pía.

Je me retourne et lui sourit. J'observe l'ambiance générale, pour tout vous dire, elle n'est pas au beau fixe. À mon grand désespoir, une idée me vient.

– Tango !

La fratrie me regarde comme si j'avais dit une bêtise avant de me sourire.

– Bonne idée, je vais enfin voir ça. dit Adrián.

Aelís boudeuse me fait le regard d'un basset hound. Je la prends dans mes bras en lui chuchotant, « Allez, nous allons lui montrer ce que nous savons faire. Viens bouger ton cul de déesse. » Mon amie de raidit sur la fin et sourit comme un chat qui va bouloter une souris.

Oups, je me suis trompée, je continue comme si de rien était. Aelís m'a fait plaisir en dansant sur la version tango de Roxane, à moi de ne plus me tromper. Je crois entendre tiquer son frère a de nombreuses reprises mais il ne nous interrompt pas pour autant. J'ai la tête qui me tourne un peu mais ça va. Une fois la chanson finit, j'appréhende le verdict du chef.

– Pour le peu de temps accordé, c'est pas trop mal. apprécie Adrián.

« Pas trop mal », je me suis tellement concentrée que j'en ai légèrement mal à la tête.

– Attendez, bougez pas.

Il vient vers nous.

– Dans le tango argentin il ne faut pas oublier l'essentiel. L'abrazo permet de transmettre l'énergie de l'homme à sa partenaire. C'est avec le haut et le bas du corps qu'il guide. Faut vraiment être proche, toi Alice, n'essaie pas de deviner les pas. Gardez juste l'axe du couple tout en gardant ton équilibre. Il faut vraiment être proche tout en étant droit, vos visages doivent se frôler, même se toucher. Vous êtes trop éloignées et quelques fois vous cambrez, ça ne va pas. Voilà comme ça. Attention ma sœur, tu lui fais faire des jeux de jambes mais ils sont trop mous. Même si des fois c'est lent, il faut que l'on sente l'énergie de cette jambe. Quelques erreurs d'exécution mais sinon c'est bien.

Je murmure seulement un petit merci, je viens quand même d'en prendre plein la tête.

– Quand tu parles comme ça, on dirait vraiment papa, mais c'est vrai t'as raison j'suis un peu rouillée. avoue mon amie.

– C'est comme le vélo sœurette, ça ne se perd pas. Je vais prendre le relai, Alice va toutes vous péter en juin. avance son frère.

Les filles font mine d'être outrées et sourient à leur frère. Il n'y a que moi qui ne comprends pas apparemment.

– Qu'est-ce qu'il y a en juin ?

– Les fêtes locales, en début de soirée c'est ambiance musette et bandas. m'explique Linon.

– Ah ok.

– Fais pas cette tête, tu verras c'est génial, super convivial. annonce mon amie.

– Bon c'est pas tout mais je vais me coucher, dit Pía en baillant.

– Je me lève à quelle heure pour t'accompagner ?

– Oh non, ne t'embête pas pour demain. En plus je partirai de suite après la fermeture, je serai de retour assez tard. Plutôt lundi après-midi pour le choix des compo et mardi à la boutique pour les confections, ça te va ?

– Oui bien sûr, j'ai juste l'impression que je ne vais pas t'aider autant que je l'aurai voulu.

– Mais si, ne t'inquiètes pas pour ça, c'est déjà adorable de ta part. m'assure l'aînée.

– Ok.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant