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Décembre, c'est parti les tenues chic, les strass et paillettes. Indranée insiste pour j'essaie la dernière paire d'escarpins que nous avons reçu.

– Si, avec ton pantacourt en satin et ta blouse fluide col V.

– Mais ils sont hauts. contestai-je.

– C'est pas pour travailler, juste pour sortir. Essaie-les. Ayo (expression de surprise), serye net (super, top, c'est de la balle) !

– Qui y a-t-il ?

– Pren compte (regarde ça). dit-elle en me tapant l'entre cuisses.

– C'est ferme et le galbe de tes jambes avec ces chaussures ! surenchérit-elle.

– Oui bien sûr, caché dessous la graisse. murmurai-je.

– Koz nimport, mo trouv toi zoli (tu dis n'importe quoi, je te trouve jolie), tu as beaucoup travaillé.

Je suis son regard pour observer mes jambes dans le miroir. C'est vrai, je ne peux pas nier l'effet bénéfique des cours depuis six mois.

– Je te les offre. décide-t-elle.

– Indranée non, je ne le mettrais pas souvent.

Son index levé refuse toute protestation.

– Assez enquiquine moi (Arrête de m'embêter).

Je relève la tête et vois la responsable arriver. Même s'il n'y a aucun client et que le magasin est impeccable, elle va trouver à redire. Je retire les escarpins en adressant un regard à mon amie qui veut tout dire. Sans se retourner elle lève les yeux au ciel avant de chuchoter.

– Ene mari l'acide sa (Elle est très chiante).

Ça me fait sourire. À force j'ai appris à comprendre le créole mauricien. Il n'y a qu'avec moi qu'Indranée le parle au magasin et ça me met toujours de bonne humeur.

La journée se passe bien comme celles qui suivent, Rose, travail, sport et balade dominicale.

Une routine s'installe à la maison, le rythme de Rose est respecté à la lettre par Pierre. Ce dernier devient conciliant et plus ouvert depuis notre conversation à bâtons rompus. Nous préparons le réveillon comme toutes familles qui se respectent.

Le samedi soir se passe dans la tranquillité, ça fait du bien, pas de remarque déplaisante, pas de débat politique, pas de critique sur les mesures écologiques de la ville, rien de tout ça. Je reçois une photo d'Aelís montrant des cadeaux avec le prénom de Rose et le miens ainsi que le texte « Le papa Noël est passé dans les Landes ».

Le lendemain Pierre me demande de mettre deux couverts de plus pour le repas. J'essaie d'en savoir davantage mais la seule chose que j'arrive à obtenir est le fait que ça va me faire plaisir.

Treize heures, sur les charbons ardent, j'attends que l'on sonne à la porte. Loulou ne va pas tarder avec David, ils ont atterri jeudi en France. David a maintenant sept ans, quand je le vois en vidéo je retrouve de plus en plus la finesse du visage de son père avec les traits afro de sa mère, un joli métissage. Mon amie fréquente depuis peu un québécois mais cela reste discret et timide. Elle ne me l'a pas présenté et encore moins à sa famille là-bas. Elle veut y aller en douceur, elle se surprotège suite à la perte de son grand amour, je ne peux pas lui en vouloir.

Ding ! Dong !

Je recoiffe Rose dans la chambre, j'entends Pierre qui ouvre la porte.

Rose court dans le couloir et crie.

– Dada !

La petite tombe dans les bras de David. Elle a toujours eu beaucoup d'affection pour son grand frère de cœur. Le petit garçon est un peu gêné par tant de démonstration.

– Tantine !

Loulou attrape Rose, la câline et la regarde sous tous les angles.

– Oh ma petite que tu as grandi ! Mais que vois-je ? Qui est cette belle créature ?

Les yeux humides, j'embrasse mon amie qui s'empresse de me prendre dans ses bras.

– Oh tu m'as manqué Loulou.

– Ma leki ya moto (petite sœur de mon cœur), ça fait du bien de te serrer dans mes bras.

Le parfum de mon amie est réconfortant, j'aime être avec elle, je me sens invincible. Après un instant, elle me fait tourner sur moi-même.

– Tu es magnifique ma chérie, tu as fondu comme neige au soleil.Viens encore là.

Ce que je lis dans ses yeux représentent toutes les choses sous-entendues dans nos discussions, le manque, le regret de ne pas être présente l'une pour l'autre. Les larmes m'échappent et mon amie me serre davantage. Pierre s'est éclipsé sur la terrasse après avoir conduit les enfants dans la chambre.

Quelques minutes après, bien remises de nos émotions, on sonne à nouveau à la porte. Pierre me laisse ouvrir, curieuse comme une fouine, mon amie se poste derrière moi.

– Seigneur Dieu. laisse échapper Loulou.

La surprise est aussi grande pour moi. Alexandre se tient devant moi avec son compagnon Dimitri. Je me ressaisi et les bonnes manières reviennent au galop.

– Luvuma je te présente Alexandre et Dimitri, mon beau-frère et son compagnon.

– Messieurs je vous présente Luvuma ma plus chère amie.

Pierre s'avance et prend son aîné dans ses bras. Leur ressemblance est si troublante, seuls quelques détails les différencient. Les enfants arrivent et Rose joue les grandes personnes.

– Dada regarde ! C'est mon tonton et son chéri.

La décontraction de ma petite en surprend plus d'un. David surprit, regarde sa mère comme si Rose avait dit une bêtise. Mon amie hoche de la tête et le petit garçon salue les deux hommes. Rose est une enfant vraiment facile, elle fait un gros câlin à Alexandre et embrasse Dimitri. Pierre trop ému, sort sur la terrasse, à ma grande surprise Loulou va le rejoindre. Elle lui frotte le bras avant de lui parler doucement.

Nous sortons du repas plus que repus, entre les spécialités de Luvuma et celles de Dimitri, je vais exploser.

Bien que nous soyons légèrement un peu éméchés, c'est unis et heureux que nous faisons une ballade le long des quais. Au moment de se dire au revoir, ceux sont des sourires que nous voyons sur toutes les lèvres et des promesses de se revoir rapidement.

Après nous être occupés de Rose et lui avoir raconté une histoire, je retrouve Pierre sur la terrasse. Les bras croisés sur la rambarde, le regard perdu, au-dessus des bâtisses. En refermant les pans de la veste, je m'approche de lui.

– Je suis si fière de toi Pierre.

Il se tourne vers moi.

– Je suis heureux de l'avoir retrouvé, tu ne peux pas savoir à quel point. Merci.

– Je n'ai rien fait.

– Si bien au contraire.

Il me prend dans ses bras et embrasse mon front. Venant de lui, je ne suis plus habituée à tant de tendresse. Je me laisse faire car elle est devenue celle d'un ami.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant