45

59 4 0
                                    

       

Il ne tarde pas à venir me chercher afin de préparer la sortie et ça, avant même le réveil de Rose.

– T'as de quoi t'habiller chaudement ? demande-t-il.

– Plutôt style randonnée ou ballade guindée ?

Adrián sourit et ouvre la porte du garage. Ok j'ai compris, ça sera style randonnée.

Je me dépêche de m'habiller silencieusement pour ne pas réveiller Rose. Les filles veilleront sur elle le temps de la première balade.

– Prête ?

– Oui, ils sont homologués pour la route ?

– Bien sûr. On va aller dans des bois, un peu plus loin, ici y'a pas mal de maison.

– Ok, mais...

– Tu vas monter avec moi, tiens essaye les casques des filles et prend celui qui te va.

Une fois équipé j'enfourche le quad, derrière Adrián.

– Tu peux t'accrocher aux barres de maintien ou à moi, comme tu le sens.

– Ok.

Il démarre et accélère doucement pour le bruit. Louve nous suit jusqu'au portail. Une fois sur la route, il accélère, par sécurité, je me maintiens aux barres mais à cause des à-coups je glisse une main autour de mon ami. Ami qui au passage a des abdos bien fermes. Un petit tressaillement interne me fait froncer les sourcils. Encore un, merde, c'est juste un ami. Bon, dans tous les cas ça ne se voit pas sur ma tête.

Un quart d'heure plus tard, il tourne sur une route forestière.

Il relève légèrement son casque et me crie.

– Accroches-toi bien et pas à mes bijoux s'te plait.

À sa bêtise je veux lui pincer la cuisse, impossible, tant par son jean que par ses muscles, tressaillement intime... Mais c'est pas vrai ! Je lui tape donc la cuisse, aïe, j'aurai dû m'abstenir. Ce jeune homme n'est pas une boule de nerf mais de muscles. Je passe mes bras autour de lui, il resserre mon étreinte. Décidément, je suis carrément collée à lui. Il accélère d'un coup, finalement, heureusement que je suis bien accrochée.

– Alors ? demande-t-il maintenant à l'arrêt.

– J'ai eu quelques frissons.

– C'est tout ?

Je souris à sa remarque avant qu'il ne reprenne.

– Ok, j'y suis allé peut-être trop doucement.

– Non non, c'est bon je te rassure. J'aime les sensations mais je n'ai pas envie de me retrouver dans les ronces.

Il sourit avant de retrouver un visage sérieux.

– Dis Alice.

– Oui.

– T'étais au courant.

Je ne comprends pas de suite l'allusion à la grossesse de Pía. Un court instant, le silence s'installe avant que je lui réponde.

– Il y a des sujets qui méritent mûre réflexion et discrétion.

– Depuis quand ?

– Avant qu'elle ne se doute elle-même de sa grossesse.

– Je vois... C'est qui ?

– Le père ?

– Oui.

– Je ne sais pas.

– Tu ne sais pas où tu ne veux pas le dire ? insiste-t-il.

La discussion commence à prendre un tournant que je n'apprécie pas du tout.

– Adrián, tu veux protéger tes sœurs, ok, mais tu ne peux pas gérer leur vie. Elles sont adultes, arrêtent de vouloir être le justicier suprême. Je vais être clair, son état nauséeux m'a mis la puce à l'oreille. En attendant de savoir ce qu'il en deviendrait, nous avons gardé le secret. Quant au père, je n'ai aucun détail qui pourrait l'identifier.

L'irritation dans ma voix est bien perceptible. Il reste sans rien dire quand une question me taraude.

– Et comment sais-tu que j'étais déjà au courant ?

Un léger sourire courbe ses lèvres.

– J'observe.

Son petit air malin m'énerve plus qu'autre chose.

– La prochaine fois, tu feras comme tout le monde et tu regarderas ta sœur ou alors tu fixeras un pot de fleurs.

– C'est moins intéressant.

– De ?

– Le pot de fleurs.

– Tu te crois drôle Adrián ?

Il se tourne à nouveau vers moi, pose une main sur mon genou et rapproche son visage du miens.

– Miss Alice tu veux bien te calmer s'il te plaît ?

– Je suis calme. dis-je en serrant les dents.

– Oh que non, tu bouillonnes de l'intérieur et tu ne sais vraiment pas mentir.

– A qui la faute ? Tu m'accuses de ne pas tout te dire, une parole est une parole. Et arrêtes de t'approcher, tu vas me faire loucher.

– Ok, ok, pardon.

Il lève ses mains et se tourne. Je remets mon casque, l'entoure de mes bras et attend qu'il démarre mais il ne le fait pas. Son casque est juste posé sur le haut de sa tête. Il regarde au loin, l'air pensif, préoccupé. Inquiète, je retire à nouveau mon casque.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Ça ne va pas ?

– Chut, écoute.

J'ai beau tendre l'oreille, si ce n'est les bruits de petits animaux par-ci, par-là, je n'entends rien. Je me mets donc à chuchoter.

– Je n'entends rien.

– Penche toi.

Je me penche davantage vers lui. Une main dans mon casque, l'autre sur sa cuisse, le menton sur son épaule, je ferme les yeux et fais le vide.

– Toujours rien. murmurai-je.

– Je sais.

Je sens son visage sourire contre ma joue. J'ouvre les yeux et découvre dans les siens une pointe de malice.

– Tu voulais me faire écouter le silence ?

– Non, juste en profiter un peu. Colle-toi davantage s'te plait.

Je réalise enfin qu'il me taquine. Il récolte une tape sur la cuisse qui le fait sourire. À ce moment il attrape ma main et se tourne vers moi.

– Merci miss Alice.

– De ?

– M'avoir remis les pendules à l'heure.

– Avec plaisir. Je le ferais autant de fois que nécessaire, compte sur moi.

Je m'attends à ce qu'il sourit de nouveau mais il n'en est rien. L'intensité de son regard trahit furtivement une émotion sombre et indéfinissable qui me provoque un frisson saisissant. Enfin il sourit et enfile son casque.

À notre retour Rose fait toujours la sieste. Les filles parlent toujours layette, Pablo prend son fils à part et vont discuter dans le verger.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant