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Je crois sentir l'odeur du café, il n'en faut pas plus pour me sortir du lit.

– Déjà debout ?

Je sursaute en entendant Adrián derrière-moi.

– J'ai bien dormi.

– Café ?

– Oui je veux bien merci, mais tu sais je peux me servir.

– Vu que tu marches encore au radar je préfère pas.

– N'importe quoi.

– Si tu le dis.

Je tourne la tête et me regarde dans le miroir, houlà ! Cheveux en bataille, débardeur prêt à se faire la belle et short à l'envers. Je remonte les bretelles de mon débardeur, attrape un élastique et dompte mes cheveux en un chignon. Je me frotte les yeux et lisse mon visage.

– J'aimais bien le style sauvageonne mais c'est vrai que celui-ci te correspond plus. dit-il.

Ne sachant pas comment je dois le prendre, je tends le bras vers le sucre.

– Déjà mit Miss Alice.

– Merci.

– Je vais rentrer plus tôt aujourd'hui.

J'hoche la tête.

– Je voulais savoir si ça vous disiez d'aller aux écuries. continue-t-il.

– C'est gentil mais ne te sens pas forcé.

– Le jour où je me forcerais, ça se verra sur ma tronche et là tu vois quoi ?

Il pointe son visage avec son index. Du coup c'est la première fois que je le regarde vraiment. Il a les yeux d'un vert sapin, profond, il ne s'est pas rasé, il a de jolies lèvres dessinées. Bien que sa peau soit quelque peu tannée par son métier, elle n'a aucun défaut.

– Alors tu vois quoi ? insiste-t-il.

– Mis à part une bouille d'ange rien de particulier.

Il fronce les sourcils, je décide d'en jouer.

– Houlà non, je te prie de m'excuser, je me suis trompée c'était une illusion.

Il relève la tête en arquant les sourcils, je continue sur ma lancée.

– Je vois un beau jeune homme susceptible, apparemment il n'aime pas les anges mais alors pas du tout.

Il sourit en secouant la tête.

– Vous m'accompagnez alors ? demande-t-il.

– Mais ça ne dérange personne ?

– Non au contraire, c'est la période creuse.

– Ok ça marche.

– Je reviens vers 13 heures.

– Tu auras mangé ?

– Non, je grignoterai un truc.

– Ok.

– A toute.

– A toute à l'heure, fais attention.

– Toujours.

Adrián enfile sa veste anti coupe et part travailler. Je ne sais toujours pas pourquoi il est passé d'agent forestier à grimpeur-élagueur, c'est bien plus dangereux. Je lui demanderai quand l'occasion se présentera. Pour le moment je me rends compte qu'il est bien trop tôt pour faire quoi que ce soit. Je prépare le déjeuner de Rose, met les dessins animés et m'installe avec un plaid sur le canapé. Mon regard se perd dans la forêt, se brouille et je m'endors.

Rose est ravie de la ballade, cela va sans dire. J'adore toutes les odeurs des écuries, l'animal, le cuir, le bois, la paille, l'ensemble est pour moi réconfortant.

Rose est fatiguée, j'ai à peine le temps de retirer ses vêtements qu'elle se roule en boule sous la couette. Il est un peu tard pour une sieste mais je n'aurai pas pu la maintenir éveillée bien longtemps. En sortant je me rends compte que la porte de la chambre d'Adrián est entrouverte. Sur le dos, il s'est endormi sur les couvertures, seulement vêtu d'un boxer. Il ne doit pas être normal tout de même, ou alors il ne craint vraiment pas le froid. Je coulisse la porte et part dans le salon.

Devant la télé, me revoilà 15 ans en arrière avec ma boîte de mouchoirs. L'ascenseur émotionnel de la série pour ados est quasi intact à l'heure actuelle.

– Mais qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu pleures ?

Adrián vient de se lever de sa sieste. Je lui montre l'écran et me sens idiote avec mes yeux rougis et ma gorge nouée.

– C'est un moment très émouvant. avouais-je.

– Oh non c'est Buffy contre les vampires ? raille-t-il.

Je me sens encore plus ridicule.

– C'est la scène où elle se remémore leur nuit d'amour. Angel la remercie car grâce à elle, il a de nouveau perdu son âme et la torture psychologiquement.

– Ah.

– C'est un moment très important dans la série. Les épisodes qui suivront sont très difficiles pour elle. C'est son amour avec un grand A qui la met plus bas que terre en essayant de la briser. Leurs natures les opposent et pourtant leur amour transcende.

– Wouah, Alice, militante des amours impossibles.

Je le regarde en faisant la moue. Je n'ai pas le temps de l'éviter qu'un coussin m'arrive en plein visage.

– Hé ! râlai-je.

– Ben voilà tu as arrêté de pleurer.

– Quand même c'est juste une série.

– Juste une série ?

– Avec une super histoire d'amour.

– Impossible.

– Non rien est impossible en amour, même si la raison te dicte le contraire. En plus quand tu as Angel devant toi...

– Ah, vas-y, développe.

– Il est grand, une belle carrure, un sourire en coin qui fait craquer.

– Mouais c'est sûr qu'il est mieux qu'Edouard Cullen.

– Ah ça oui, mais tu connais ?

– J'ai trois sœurs je te rappelle et elles m'ont dit que demain c'était soirée Twilight. Du coup je vais chez des potes histoire de vous laisser entre filles.

– Tu n'aurais pas déranger. En plus il y a aura une montagne de pop-corn.

– Ah attention, j'vais peut-être rester.

Les Redbone retentissent, mon mobile, Pierre.

– Oui.

– Bonjour, tout va bien ?

– Oui merci, Rose termine sa sieste. Tu voulais autre chose.

– Oui te parler.

– De quoi ?

– De nous.

– Ce n'est pas le moment.

– Pourquoi ?

– Il y a rien à dire, nous verrons ça plus tard. Je te laisse, au revoir.

Je repose le téléphone sur la table basse et me rend compte qu'Adrián est toujours là.

– Pardon. dis-je.

– Oh non ça ne me dérange pas. T'as changé de sonnerie ?

– Oui c'est plus fun que l'Adagio.

– C'est pas le même style. Je peux changer de chaîne maintenant ?

– Oui.

Je le remercie intérieurement de ne pas poser de question sur ma discussion.

MAliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant