Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)

13 - Une fenêtre sur le passé (quatrième et dernière partie)

John lui fit signe de la main et attendit qu'elle rentre dans le dortoir pour partir. Patientant quelques instants derrière la porte (elle voulait être certaine qu'il ne la voit pas), Ellynn se lança à sa poursuite dès qu'il passa le coin d'un arbre. Elle voulait savoir ce que son père avait reçu comme message et refusait de laisser passer cette occasion en or.

Le plus silencieusement possible, Ellynn prit son père en filature. L'obscurité jouait en sa faveur et son père ne se doutait pas qu'il était suivit. Il traversa la plaine au pas de course (Ellynn courut parallèlement à travers les fourrés de la forêt des Sylphes), emprunta le sentier qui menait à l'arène et disparut derrière les rochers.
Ellynn en profita pour accélérer le pas. Elle contourna l'étang en sprintant, projeta son esprit dans le sol pour ne pas le perdre de vue et vit son père rejoindre Amos et Attilius au milieu de l'arène.
Son cœur battant la chamade, Ellynn redoubla d'effort pour arriver à temps à la réunion secrète, Gladius sur ses talons. 

- ... sont mauvaises, dit son père la voix grave. 

Lorsqu'elle entendit distinctement leurs voix, Ellynn marcha sur la pointe des pieds et tendit l'oreille pour ne rien rater de leur discussion. 

- Emeric ? demanda Amos la mine soucieuse, comme s'il connaissait déjà la réponse. 

John hocha négativement de la tête. Pendant un instant, Ellynn ne saisit pas toute l'ampleur de sa réponse puis la vérité lui percuta le visage de plein fouet.

- Il a souffert ? dit Amos à mi-voix. 

Le silence de John en dit long et Attilius lança une série de jurons. 

- Il n'y a aucun survivant, poursuivit John tandis qu'Ellynn sentait les larmes inonder son visage. C'était pire qu'une exécution.
- Et la pierre ? demanda Attilius en respirant profondément. 

Ellynn hoqueta de surprise quand elle réalisa qu'Emeric avait été l'un des Gardiens. 

- Je ne l'ai pas trouvée, répondit gravement John. 

L'expression du visage d'Attilius se durcit comme le marbre. 

- HA ! Est-ce que eux l'ont trouvée ?
- Impossible à savoir, dit son père d'une voix caverneuse. J'ai fouillé toute leur maison mais je n'ai rien trouvé. Pourtant je savais où Emeric la laissait. Mais à mon arrivée, la cachette était intacte et vide.
- Tu penses qu'il le leur aurait donné sous la menace ? s'enquerra Attilius.
- Non, répondirent fermement John et Amos en même temps.
- Jamais il n'aurait fait ça ! continua son père avec ferveur. Et au vu de leur mise à mort, Emeric ne leur a rien dit.
- Leur mise à mort ? souligna Attilius en lui jetant un regard interrogateur.
- Oui, répondit sombrement John. Je pense qu'ils ont torturé Jeanne sous ses yeux avant de les exécuter pour leur silence. 

Ellynn mit sa main devant sa bouche pour faire taire son cri d'horreur en même temps qu'Amos poussait un grondement sourd de rage. Jeanne était la femme d'Emeric et incarnait la douceur et la bonté même. Elle ne méritait pas d'avoir souffert de la sorte alors qu'elle n'avait jamais fait de mal à quiconque, même à une mouche.
Avec beaucoup de difficulté, Ellynn ravala les larmes qui continuaient de couler abondamment. 

- Il y a juste quelque chose qui m'échappe, dit John avec un air préoccupé, je n'ai pas retrouvé les corps de Jolan et Apolline.
- Tu crois qu'ils sont parvenus à s'échapper ? demanda Attilius.

Un lueur d'espoir s'alluma dans le cœur d'Ellynn. 

- Cela me semble fort improbable, dit John à contrecœur. Apolline a à peine six ans.
- Mais peut-être Jolan ? s'entêta Attilius qui refusait de croire que tout était perdu.
- Si tu connaissais Jolan, tu saurais qu'il n'aurait jamais abandonné sa sœur.