Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)

20 - L'Après (cinquième partie)

Ellynn soupira. C'était une belle après-midi ensoleillée et Philys venait tout juste de la lui gâcher en lui montrant l'impressionnant portrait de sa personne en première page. Le Mouchard allait de plus en plus dans le mélodramatique et l'avait peint, cette fois, comme une guerrière sortant tout droit de l'antre de la terre avec deux larges bandes de boue dessinées sur son visage.

Du bout des doigts, Ellynn repoussa le journal au milieu de la table et reporta son attention sur L'incroyable destin de Darius Victorius Driffus, le livre qu'elle était occupée à lire. 

- Hé ! protesta Philys, indigné, en s'asseyant en face d'elle. Tu pourrais montrer un peu d'entrain devant ton succès.
- Mon succès ? répéta Ellynn en lui jetant un regard amusé.
- Oui, ton succès, dit à nouveau Philys en agitant la gazette devant ses yeux. 

Il ouvrit le journal d'un geste majestueux.

- BAM ! Grand portrait de toi en première page, commença Philys avec emphase, petit portrait de toi et de ton père en seconde page (il mima avec amusement la grandeur de leur effigie). S'ensuit trois pages complètes – j'ai bien dit trois pages complètes – sur ton parcours depuis ta naissance jusqu'à ton arrivée à Amadeus. C'est du jamais vu depuis la création de l'EPIC !
- Oh, arrête ça, dit Ellynn en levant les yeux au ciel. Ça devient d'un ridicule.
- Ce n'est pas si ridicule que ça, la contredit Amaryllis de sa voix rêveuse.
- Oh non, l'implora Ellynn en refermant son livre d'un coup sec, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ?! 

Amaryllis sourit, ses grands yeux sphériques la regardant de son air rêveur habituel, tandis que Philys feuilletait rapidement les pages du Mouchard pour voir quelles étaient les dernières nouvelles. 

- Si toute cette attention te dérange tellement, dit doucement Amaryllis (elle savait que ce sujet devait être pris avec des pincettes depuis sa dernière crise de colère lorsque Philys avait lu à voix haute les éloges de ses admirateurs devant tous ses camarades de classe), pourquoi ne réponds-tu pas aux sollicitations de Jules Mantis ? Ce serait l'occasion rêvée pour lui demander d'arrêter toute cette agitation autour de toi.
- Tu parles ! la contredit Philys en reniflant bruyamment. Jules Mantis tient une véritable mine d'or avec toi et ton père. Et crois-moi, elle ne va pas vous lâcher de sitôt. Chaque nouvelle parution se vend encore mieux que la précédente. Tu penses bien qu'elle va continuer à te harceler jusque quand tu te décides à lui accorder une interview.

Ellynn grimaça. Depuis la fin de l'EPIC, elle avait reçu au moins une douzaine de sollicitations de sa part. À chaque fois, la journaliste s'était épanchée sur son parcours exceptionnel dans l'arène et sur le fait que son futur était tout tracé dans l'armée elfique – tout comme son père comme elle aimait tant le rappeler. Cette pression et son besoin incessant de la vanter lui déplaisait fortement. Il était tellement aisé de deviner ses intentions. Tout ce qui l'intéressait, c'était de faire dans le sensationnel, soutirer au passage quelques informations sur son père et accroitre encore un peu plus sa notoriété. C'était d'un prévisible et d'un pathétique pitoyable.

- Elle pourra attendre encore longtemps, dit Ellynn d'un air buté.

Philys se redressa soudainement avec brusquerie et étala le journal devant lui. 

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Ellynn tandis que Philys levait un doigt pour l'intimer au silence. 

Ellynn jeta un regard étonné à Amaryllis et toutes deux tentèrent de voir par-dessus son épaule ce qui pouvait le mettre dans cet état-là. 

- Il y a un article où mon père est cité, dit Philys au bout d'un moment. Enfin, on n'écrit pas son nom noir sur blanc – il pointa du doigt une petite rubrique dans le coin inférieur gauche de la page – mais on peut clairement deviner qu'Andrius Coopers parle de lui... regardez.

Amaryllis prit le Mouchard que Philys lui tendait puis le mit entre elles deux.

LE CONSEIL DES ELFES, UN MANQUE DE TRANSPARENCE À CRAINDRE ?

Depuis quelques semaines, des rumeurs persistantes circulent au sujet d'un incident qui aurait eu lieu au Temple de Phix pendant les fêtes de fin d'année.
Diverses sources, bien informées et travaillant dans les hautes sphères de notre ministère, nous ont rapporté que deux personnes auraient profané ce lieu sacré, et interdit, sans que leur effraction ne soit répertoriée dans le Registre des Incidents Diplomatiques, procédure pourtant obligatoire en cas d'un tel évènement.
« Tout ça ne sont que des sottises » s'est exclamé Hélas Collins, Haut Conseiller au Conseil des Elfes, lorsqu'Andrius Coopers l'a interrogé à ce sujet hier après-midi.
À ce stade, rien ne nous permet d'affirmer ou infirmer nos témoignages. Néanmoins, ce ne serait pas la première fois que l'Armée Elfique manque de transparence et entraîne douteusement le Conseil des Elfes dans ses manœuvres.

Ellynn déglutit. 

- Il n'y va pas de main morte... remarqua Amaryllis, les sourcils froncés. Ce sont de graves accusations qu'il porte.
- C'est un sale petit fouineur, ouais ! s'exclama rageusement Philys en reprenant le journal d'un geste brusque. Un sale petit fouineur qui ne sait plus quoi inventer pour faire parler de lui !

Il y eut un silence pendant lequel ils se regardèrent fixement. 

- Tu sais comment le Mouchard fonctionne, dit Amaryllis tandis qu'une rougeur montait sournoisement dans son cou vers ses joues rebondies. Ce ne sont que des rumeurs. Il n'y a rien de vrai là-dedans.
- Je n'en sais rien, répondit Philys à voix basse. Je connais mon père et – il lui lança un regard entendu – il n'y a jamais de fumée sans feu...
- Peut-être, concéda Amaryllis avant de se pencher vers lui, subitement très sérieuse, mais je ne pense pas qu'il commettrait un impair pareil. Ne pas répertorier une infraction dans le Registre serait une faute grave, tout le monde sait ça, ton père en premier !

Philys haussa les épaules.

- Tu crois vraiment que ça arrêterait mon père ?!

Amaryllis voulut lui répondre mais se ravisa quand elle remarqua Emilius, Basilius et Mingus qui venaient dans leur direction. 

- Vous n'avez pas envie de vous baigner ? dit Emilius, un large sourire aux lèvres alors qu'il enroulait sa serviette autour des épaules. Tout le monde est au Bassin. Zacharias vient de nous dire que l'eau est délicieuse et que Marina – il fit un clin d'œil appuyé à Philys – est aussi présente ! 

L'expression lugubre de Philys fit place à une mine radieuse. Mettant de côté l'article accusant son père, il se leva et s'écria : 

- Super idée ça ! On y va ?

Amaryllis accusa son sourire niais et n'adressa plus la parole à Philys pendant le restant de l'après-midi. De son côté, Ellynn ne fut pas plus bavarde et profita du silence de son amie pour réfléchir. Elle connaissait pertinemment bien la véracité des propos tenus dans le Mouchard et se demandait comment cela avait-il pu parvenir aux oreilles du journal. 

- En même temps, songea amèrement Ellynn alors que Philys tentait vainement de faire sourire Amaryllis dans le Bassin, une centaine de soldats avait été témoin de son infraction... n'importe qui avait pu contacter la gazette et divulguer cette information pourtant jugée top secrète. 

Mais pourquoi Attilius n'avait-il pas déclaré son infraction dans le Registre des Incidents Diplomatiques ? Cela n'avait pas de sens. Il lui avait lui-même dit qu'elle et Timolas allaient être obligés de comparaitre devant le Grand Jury. Cela signifiait donc que le Conseil des Elfes avait été mis au courant de leur escapade. Alors pourquoi ne rien noter dans le Registre et passer sous silence leur future convocation ? Incapable de répondre à ces questions, Ellynn passa le restant de la journée à s'imaginer les hypothèses les plus folles tandis que ses amis profitèrent de la fraîcheur de l'eau jusque tard dans la soirée. 

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La fin est proche... plus qu'une partie à publier et ce deuxième livre sera terminé... comment trouvez-vous cette partie? :) À vos commentaires!!! J'ai besoin de vos avis :)