Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)

6 - Histoire d'une légende (première partie)

La semaine qui suivit ressembla à la première. Les cours se succédaient et la plupart des élèves continuaient à la dévisager comme si Ellynn était une bête de cirque.
Les commentaires désobligeants, par contre, commençaient peu à peu à s'estomper. Seul le groupe de Kunis continuait à être virulent dans ses propos. N'importe quel prétexte était suffisant pour la rabaisser et lui rappeler qu'elle n'était pas la bienvenue à Aeolus Tann'ynn. Heureusement, Ellynn pouvait compter sur le soutien d'Amaryllis et sur Amos qui l'attendait à la fin de chaque journée pour lui administrer ses cours particulier.
Toutefois, deux choses changèrent. Timolas participait à présent à la plupart des cours et Ellynn se réveillait aux aurores pour aller courir dans la forêt avec Amaryllis et Gladius. Elle veillait à doser ses efforts pour tenir la longueur et s'octroyait des jours de repos lorsqu'elle avait cours d'endurance sur la journée.

- Je n'ai vraiment pas envie là, soupira Ellynn qui se dirigeait d'un pas lourd vers l'arène, les muscles encore endoloris de la veille.

C'était la fin de la semaine et la journée commençait par le cours de Septimus. La session du lundi avait été une véritable catastrophe. Septimus s'était littéralement déchaîné sur elle en l'humiliant à chaque occasion qui se présentait. Ellynn s'était ainsi retrouvée à chaque fois en première ligne, obligée de commencer plus tôt les exercices afin de ne pas perturber le bon déroulement de son cours (selon les dires de Septimus). Elle avait également encaissé un nombre impressionnant de remarques cinglantes sur ses aptitudes physiques et avait même dû faire un aller-retour jusque chez Mrs Rosalys, la cuisinière de l'école, pour rapporter de l'eau à tous ses camarades.
Quand Septimus avait poussé le vice en ordonnant qu'elle range toute seule le matériel utilisé pendant le cours, Amaryllis était intervenue pour dénoncer l'injustice dont Ellynn faisait preuve. Loin de se calmer, Septimus lui avait alors octroyé une retenue – sa voix doucereuse et glaciale invoquant comme raison : insubordination à la hiérarchie militaire, provoquant l'hilarité de Kunis et Shannis – et l'avait contrainte à se joindre à Ellynn dans le rangement. 

- Courage, compatit Amaryllis qui ne savait pas trop quoi lui dire. 

Ellynn s'engagea sur le sentier, plongée dans ses pensées. Depuis le début de la semaine, elle observait ses camarades de classe et tentait de comprendre comment ils parvenaient à la distancer aussi rapidement et aussi fortement lors des différents cours. Elle se rappelait très clairement la première fois où elle avait rencontré Timolas dans les montagnes. Sa rapidité et sa précision l'avaient laissé pantoise et envieuse. 

- Tiens, Septimus n'est pas encore là, souligna Amaryllis alors qu'elles descendaient les dernières marches du sentier de sa démarche aérienne.

  Ellynn s'extirpa de ses pensées et parcourut l'arène d'un regard circulaire. La plupart des élèves étaient déjà présents et attendaient nonchalamment l'arrivée de leur professeur sur les bancs. 

- C'est bizarre – Amaryllis fit une sorte de pirouette sur elle-même – il n'a jamais été en retard depuis le début de ma formation.

Elles traversèrent le terrain pour rejoindre leurs camarades et Ellynn ne put s'empêcher de prier silencieusement que leur professeur soit malade et que leur cours soit annulé. Elle poussa même le vice plus loin en croisant les doigts pour qu'il ait la pire indigestion de sa vie et qu'il soit bloqué au lit pendant des semaines.
Alors qu'elles se dirigeaient vers un banc vide, Ellynn vit du coin de l'œil Kunis se lever promptement, un sourire radieux sur le visage. Elle s'obligea alors à regarder droit devant elle et leva les yeux au ciel d'exaspération. 

  - Timolas, entendit-elle Kunis minauder dans son dos. 

C'était le même rituel depuis le début de la semaine. À chaque fois que Timolas arrivait au premier cours de la journée, Kunis lui affichait son plus beau sourire et se déhanchait jusqu'à lui pour l'embrasser sur la joue. Elle se pavanait ainsi quelques minutes devant lui, avant de prendre son bras et s'installer à côté de lui en classe. Ellynn la trouvait pitoyable et leur tourna résolument le dos pour éviter de devoir une nouvelle fois assister à ce spectacle risible.
Amaryllis s'installa en face d'elle et leur lança une moue réprobatrice.