Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)

16 - L'héritage du passé (quatrième et dernière partie)

Ellynn n'eut aucun mal à reconnaître Amadis, l'une des sœurs aînée de Philys, qui le toisait d'un regard assassin, ses deux mains sur ses hanches, prête à lui bondir au cou, telle une lionne affamée.
Son visage était figé et ressemblait étrangement à celui d'Attilius quand il était fâché. 

- COMMENT AS-TU PU OSER ? continua-t-elle tandis que les gardes la regardaient d'un air surpris.

Philys se dégonfla comme un ballon de baudruche.

- Dépêche-toi de descendre !Et vous aussi ! leur lança-t-elle en les regardant également d'un œil mauvais. Une semaine qu'Aurélius, Aliss et moi nous relayons en attendant votre retour ! Une semaine !

Les uns après les autres, ils descendirent l'escalier comme s'ils se rendaient à leur propre exécution. Amadis trépignait sur place et était dans un tel état de colère qu'elle aurait pu cracher du feu au lieu de parler. 

- Qu'est-ce que... dit-elle en tendant le cou pour mieux voir ce que Timolas et Ellynn portaient. Ce sont... ? 

Une main sur le cœur, Amadis regarda tour à tour Philys, Apolline et Jolan, comme si elle n'en croyait pas ses yeux.

- Je n'ai pas le temps de t'expliquer, dit Philys alors que les gardes semblaient vouloir se fondre dans le décor pour éviter les foudres d'Amadis. Où est papa ?

Amadis s'efforça de reprendre contenance. 

- Philys, dit-elle d'une voix pleine de rage, on ne peut pas ramener d'humains à Aeolus Tann'ynn ! C'est contraire à nos lois !
- Je sais que c'est contraire à nos lois ! s'écria Philys. 

Ellynn fut soulagée qu'il se défende enfin face à sa sœur.   

- Mais notre loi dit aussi qu'en cas d'extrême urgence – si un citoyen elfe ou la civilisation elfique entière est menacée – nous pouvons prendre certaines libertés ! Je connais la loi aussi bien que toi ! Alors, épargne-moi tes remontrances !

Un silence s'installa dans la caverne. 

- Ne sois pas ridicule, Philys, répondit Amadis passé un moment de stupeur. Comment deux humains pourraient...
- Philys a raison, la coupa Ellynn alors que Jolan poussait un gémissement alarmant, nous devons voir votre père de toute urgence. 

Amadis lui lança un regard où se mêlait la colère, le doute, l'exaspération et l'incompréhension. 

- Je prends l'entière responsabilité de ce qui se passe ce soir, continua Ellynn. S'il vous plaît, c'est urgent. 

Ellynn savait depuis le début que son comportement aurait pour conséquence son renvoi d'Amadeus. Mais elle ne regrettait absolument rien – même si elle avait l'impression que son cœur plongeait dans sa poitrine à la vitesse de l'éclair – car elle avait retrouvé Jolan et Apolline, ce qui était bien plus important à ses yeux que sa scolarisation.
Pendant un long moment, Amadis la regarda, silencieuse. Puis, elle se tourna vers son frère et sa voix claqua dans le silence de la grotte :

- Vos bêtises risquent de coûter le poste de papa ! J'espère que tu es prêt à en porter les conséquences. 

Et sans attendre une réponse de sa part, Amadis se dirigea vers l'embarcation, les deux gardes sautant sur le côté quand elle passa devant eux.
La traversée se passa dans un mutisme total, entrecoupé par les râles de Jolan qui était emmitouflé avec sa sœur dans une grosse couverture. Son visage était terne et gris tandis que son souffle devenait de plus en plus lourd et difficile.
Ellynn épongea plusieurs fois son front rempli de sueur et fut saisie de la froideur de son corps. Apolline dut sentir ça aussi car elle se colla à son frère et lui donna de sa chaleur corporelle.
Il survivra ! pensa Ellynn avec une détermination féroce. Envisager le contraire lui était insupportable.
Alors qu'ils venaient de passer l'Arca, Amadis émit un long et doux sifflement qui se répercuta dans l'air. Presque aussitôt, un cri perçant déchira le ciel et Ellynn entendit Philys murmurer :