15 - Le refuge (première partie)

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Les deux jours qui suivirent parurent une éternité aux yeux d'Ellynn. Son inquiétude se décuplait au fur et à mesure des heures qui passaient, sachant que le temps était compté pour Jolan et Apolline. Les autres ne disaient rien mais elle pouvait sentir leurs regards inquiets quand ils croyaient qu'elle ne les voyait pas. À plusieurs reprises, Ellynn s'était retournée et avait surpris Amaryllis et Philys chuchoter des choses dans son dos. Une fois démasqués, ils détournaient le regard et faisaient semblant de rien.
Un peu en retrait, Timolas participait à leur vie de groupe que lorsqu'il était obligé de partager l'une ou l'autre information. En dehors de ces occasions, il se cantonnait à lire la carte de Brittania et à imposer le rythme à leurs montures. Même les tentatives, où Amaryllis lui avait proposé de se joindre à eux lors des repas, avaient échoué.
Ces longues heures de route plongeaient Ellynn dans ses pensées. Elle repassait sans cesse les paroles de son père dans sa tête. Depuis combien de temps Squilla avait-elle été attaquée ? Est-ce que Jolan et Apolline étaient parvenus à s'enfuir ? Comment les sbires du Colonel ont-ils su qu'une pierre était cachée à Squilla ? Quelle pierre gardait Emeric ? Est-ce que la pierre avait été trouvée par les bourreaux ? Est-ce que quelqu'un était parvenu à s'enfuir avec la pierre et la mettre en lieu sûr ?
Toutes ces questions lui donnaient le tournis. Elle revoyait sans cesse la tristesse et l'inquiétude marquées sur le visage de son père quand il avait annoncé la mauvaise nouvelle à Attilius et Amos. Elle avait un besoin pressant de savoir ce qui s'était passé. Etait-ce aussi horrible que ce que son père disait ? Elle était plus déterminée que jamais à découvrir la vérité. 

- Nous y sommes presque, leur cria Timolas tandis qu'ils longeaient la falaise. C'est juste derrière le coin. 

Une bourrasque de vent vint frapper leur visage et Philys poussa une tirade de jurons. Depuis la veille, le temps s'était considérablement rafraîchi et les avait forcés à faire une halte dans une auberge. Ellynn avait insisté pour continuer leur chemin mais Timolas avait catégoriquement refusé, évoquant la dangerosité d'arriver en pleine nuit dans un village qui venait d'être attaqué et la possibilité que des sbires du Colonel les attendent. Ce dernier élément avait convaincu Philys et Amaryllis, obligeant Ellynn à se plier à leur volonté. 

- Fais attention, la prévint Timolas alors qu'elle arrivait à sa hauteur, les rochers sont glissants à cause de l'orage de cette nuit. 

Ellynn prit une longue bouffée d'air pur et iodé alors que la pluie recommençait à tomber. Le chemin qu'ils empruntaient était pavé d'herbe et d'algues et les obligeait à avancer prudemment. Un sentier plus large et confortable existait mais Ellynn s'y était formellement opposée. Il était plus long et faisait quelques détours inutiles dans les villages voisins, une perte de temps qu'ils ne pouvaient pas se permettre.
Elle connaissait tellement bien cet endroit qu'elle savait qu'au détour du rocher, ils seraient à l'entrée du village. L'estomac noué et son cœur remontant dans sa gorge, Ellynn dépassa Timolas et couvrit les derniers mètres au pas de course.
Une fois devant le portique, Ellynn crut pendant une fraction de seconde retrouver le village de son enfance, intact et inchangé. Des guirlandes, des lampions et des drapeaux de toutes les couleurs ornaient la grande porte boisée alors qu'elle pouvait apercevoir les petites rues jonchées de maisonnettes sur pilotis qu'elle avait arpenté dans sa jeunesse.
Cependant, ce sentiment avait quelque chose de faussé. La petite ville, d'habitude si joyeuse et pleine de vie, était habitée par un silence funèbre que seul le vent venait perturber. De fortes rafales venaient inlassablement frapper le clocher du port et donnaient l'impression de sonner le glas des habitants de Squilla.
Ellynn était paralysée sur place, en un coup terrifiée par ce qu'elle allait découvrir. La gorge sèche et tremblant de tout son corps, elle prit une profonde inspiration et descendit de Gladius.

- On reste groupé, dit Timolas d'une voix très calme en descendant à son tour de Mila.

Tour à tour, ils passèrent la lourde porte boisée de Squilla. Ellynn avait l'impression d'avoir du plomb dans ses chaussures et devait faire un effort manifeste pour obliger ses pieds à avancer. Le silence pesait comme une malédiction au-dessus de leur tête et elle déglutit quand elle vit un chat noir miauler dans le jardin de la première maison de Squilla.
Quelques instants plus tard, une odeur nauséabonde leur attaqua les narines et Ellynn jeta un regard circulaire pour voir ce que c'était. Seulement, à part un tas de détritus jeté à même le sol, elle ne voyait pas ce qui pouvait provoquer cette effluve.
Soudain, Amaryllis poussa un cri étouffé. 

- Que... ?

Ellynn suivit du regard le doigt que pointait Amaryllis et découvrit le cadavre d'un homme qui se décomposait sur le porche de sa maison. 

- Par tous les dieux de l'enfer, murmura Philys en un coup livide. 


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Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant