Ellynn Morgan et l'héritage du passé (tome 2)

5 - Bains et nageoires (deuxième et dernière partie)

Malgré que le soleil se fût couché depuis peu, Ellynn continua à contempler le lac Thémis. Elle avait passé son après-midi avec Gladius à se promener dans la forêt et à ressasser les derniers événements. Lorsqu'elle s'était éloignée de Timolas, Amaryllis l'avait plusieurs fois appelée pour qu'elle l'attende. Mais Ellynn avait fait mine de ne pas l'entendre et avait continué son chemin. Elle savait que son comportement n'était pas amical mais elle se connaissait et elle avait besoin de se retrouver seule pour retrouver ses esprits.
Gladius l'avait attendue à la lisière de la forêt. Il avait senti son humeur et était venu la chercher pour aller se balader. À sa vue, Ellynn avait accéléré le pas avant de plonger sa tête dans son garrot. Son tigre avait alors émis un faible grognement, s'était abaissé pour qu'elle puisse le monter et sans attendre un ordre de sa part, il était parti dans le dédale de la forêt des Sylphes pour qu'elle puisse retrouver sa sérénité.
Quand elle vit les premières étoiles apparaître dans le ciel, Ellynn chevaucha Gladius qui la ramena à la plaine. Elle savait que les élèves devaient être dans leur dortoir pour vingt-et-une heure mais elle ne s'en préoccupa pas. Ni Evans, ni le directeur n'avaient spécifié à quelle heure ils devaient rentrer le week-end et si elle devait recevoir une retenue pour ça, elle s'en fichait complètement.
Lorsqu'elle monta l'escalier principal, Ellynn marchait d'un pas décidé. Durant l'après-midi, elle avait fait le vide dans son esprit. Tous les événements de ces derniers mois avaient pris le dessus sur sa manière de vivre et penser. Elle avait besoin de reprendre sa vie en main et se concentrer sur les choses qui importaient vraiment. En y réfléchissant de manière posée, elle s'était rendue compte qu'elle ne ferait jamais l'unanimité chez les elfes et qu'elle devait faire abstraction des railleries.
Une fois sur son pallier, Ellynn vit que la porte de sa chambre était ouverte. Amaryllis était déjà au lit et lisait tranquillement un livre, plusieurs bougies allumées dans une lanterne pour lui donner un peu de lumière. 

- Tu comptes encore m'observer longtemps ? lui lança Amaryllis de sa voix rêveuse en relevant sa tête de son livre pour la regarder. 

Ellynn sourit de s'être fait piégée et rentra dans la chambre en refermant doucement la porte derrière elle.

- Je suis désolée pour la tantôt, s'excusa-t-elle. 

Amaryllis sourit devant son air penaud. 

- J'ai déjà vécu bien pire que ça.
- Peut-être, ne la contredit pas Ellynn, mais ce n'était pas très sympa de ma part. Donc excuse-moi. 

Amaryllis referma son livre, le posa sur sa table de chevet et reporta son attention sur elle.

- Tu sais, commença-t-elle incertaine, quand tu es partie, il...
- Non ! la coupa Ellynn.

Son amie s'arrêta. 

- Je – Ellynn cherchait ses mots, se tortillant les mains dans tous les sens – je n'ai pas envie de parler de lui. 

Elle ne savait pas dire autre chose que ça car c'était exactement ce qu'elle ressentait. Elle se rendait compte que Timolas lui faisait vivre des émotions qu'elle ne parvenait pas à contrôler. Cela l'embarrassait et elle n'était pas prête à en débattre avec son amie.
Amaryllis ouvrit la bouche pour protester puis se ravisa. 

- D'accord... 

  Ellynn pouvait voir qu'elle acquiesçait à contre cœur à sa requête.

- Cet après-midi, dit Ellynn avec entrain pour changer de sujet, j'ai réfléchis à une solution pour rattraper mon retard.
- Ah...
- Tu ne dois pas te renfrogner comme ça, rigola Ellynn devant sa méfiance plus que palpable. Je ne compte pas m'évanouir à nouveau.

Amaryllis hocha doucement de la tête en attendant patiemment qu'elle poursuive. 

- Dès demain matin, je compte aller courir avant le début des cours.
- Cela ne te servira pas à grand-chose de faire ça qu'une fois, souligna Amaryllis en haussant perceptiblement les sourcils, dubitative.
- Je ne compte pas faire ça que demain. Je vais essayer de faire ça tous les jours jusqu'à la fin de l'année.
- Tu n'es pas sérieuse...
- Si.

Amaryllis ouvrit grand les yeux.

- Si je ne fais pas ce genre de chose, se justifia Ellynn avant qu'elle ne se mette à protester, je n'y arriverai jamais. Il faut que je m'entraîne doublement pour y arriver.
- Je ne pense pas que ce soit la solution idéale, répondit son amie hésitante. Tu... Enfin tu as déjà eu difficile avec la cadence imposée cette semaine.
- Ce n'est pas en restant assise que ça ira mieux, objecta Ellynn en fronçant des sourcils.
- Je ne dis pas ça. Mais...
- Je pense que c'est la meilleure chose à faire, la coupa Ellynn, certaine de ce qu'elle avançait. Il suffit que j'apprenne à doser mes efforts et tout se passera bien.

Amaryllis la regarda puis capitula comme si elle venait de perdre un combat acharné. 

- Je suppose que tu ne changeras pas d'avis, même si je t'avance tous les arguments contre possible et inimaginable ? lui demanda Amaryllis inutilement.

Ellynn sourit face à son désarroi et dodelina négativement de la tête.

- Bien... N'oublie pas de me réveiller demain matin pour que je t'accompagne, lança Amaryllis en éteignant sa lanterne.
- Non ! dit Ellynn précipitamment. Tu ne dois pas te sentir obl...
- Ce n'était pas une question, l'interrompit Amaryllis.

Elle se retourna dans son lit, clôturant ainsi le débat. Ellynn l'observa un moment, le sourire aux lèvres. Elle avait tellement pestiférer durant l'après-midi qu'elle avait oublié qu'en dépit des points négatifs de ces derniers mois, elle avait trouvé une amie fidèle à Amadeus.

- Merci, murmura Ellynn même si elle était persuadé qu'Amaryllis ne l'entendait plus.

Ellynn se changea, attrapa la Grande Encyclopédie Elfique sur son bureau et s'emmitoufla dans ses couvertures. Il n'était pas encore très tard et elle n'avait pas sommeil. L'image de Timolas était encore bien ancrée dans sa tête. Elle pouvait revoir chaque recoin de son visage : ses lèvres fines, ses yeux bleus perçants et les plis de son front quand il s'était inquiété à son sujet.
Quand elle repensa à son étreinte du matin, une bouffée de chaleur monta en elle. Elle pouvait encore sentir la chaleur de sa main au creux de ses reins. Ellynn ferma les yeux et s'efforça à prendre plusieurs profondes inspirations. Chacun des touchers de Timolas allumait un véritable brasier en elle. Rien que le fait d'y repenser la faisait rougir. Elle devait absolument apprendre à se contrôler en sa présence car ses réactions devenaient de plus en plus embarrassantes.
Un peu avant minuit (du moins de ce qu'elle avait pu lire sur la petite horloge qui était posée à côté de son étagère), Ellynn déposa l'encyclopédie au pied du lit et tenta de s'endormir. Malheureusement, trop d'émotions se bousculaient dans sa tête et elle s'endormit tard dans la nuit.

************************FIN CHAPITRE 5*************************