✅Prologue : Comment (essayer) de survivre à une journée bien pourrie ?

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A l'instant même où j'ouvris la portière, une vague de froid vint me traverser de part et d'autre, me faisant frissonner.

C'était officiel, je détestais vraiment la Pologne.

Pas que j'avais quoi que ce soit à reprocher à ce pays en particulier. Non. Pour être tout à fait franche, je lui trouvais même un certain charme, avec ses petites bâtisses à l'architecture si caractéristique et sa culture typiquement représentative du mélange culturel entre Europe central et Europe de l'Est. Mais il fallait que je me rende à l'évidence. Ce n'était tout simplement pas un pays pour moi, compte tenu des températures extrêmement basses qui y régnaient. Notamment en hiver, à Lipsk, ville paumée du côté de la frontière biélorusse, où j'étais condamnée à vivre depuis quelques semaines déjà.

Sans me laisser le temps d'être tentée de retourner me blottir au chaud dans l'habitacle douillet de la voiture, j'attrapai mes affaires puis claquai la portière dans un grand bruit sourd qui traduisait parfaitement ma mauvaise humeur du moment. Et pour cause, aujourd'hui était une de ses journées typiquement pourries de l'année, où je savais le monde entier contre moi. A vrai dire, avec l'habitude, cela faisait longtemps que j'avais appris à en déceler les signes annonciateurs. Et un chauffage en panne et une fuite de lave-vaisselle en faisaient malheureusement définitivement partie. Surtout quand elles survenaient, toutes deux, avant même le lever du soleil.

Evidemment, il avait aussi fallu que je tombe en pénurie de céréales. D'où ma présence sur ce parking désertique entouré de maisons décrépies, perdu au milieu de nulle part. Ça ne changeait pas tant que ça de d'habitude en réalité. Lipsk était une ville à moitié inhabitée de ce que j'avais pu constater ces dernières semaines. Néanmoins, à l'instar des autres fois, j'étais pour le coup la seule voiture des environs et, sans aucun doute, la seule âme vivante dehors à des kilomètres à la ronde. Ce qui n'était pas plus étonnant que ça vu l'heure bien matinale et la météo du jour qui devait facilement avoisiner les -20°C.

J'enfilais mon bonnet, de façon à couvrir mes oreilles déjà rougies par le vent, puis je me dirigeais vers l'unique supérette que comprenait la petite zone commerciale de la ville. Enfin, si on considérait que la présence de quatre commerces, dont deux abandonnés, pouvait être considéré comme tel. A chaque pas, la neige fraîchement tombée quelques heures plus tôt crissait sous mes grosses bottes d'hiver me contraignant à faire des pas de géant pour ne pas tomber.

Une fois entrée et mes chaussures débarrassées des traces de givre de mon périple, je laissais échapper un timide bonjour avant de m'éclipser dans les rayons peu nombreux, mais bien remplis, de la petite épicerie traditionnelle polonaise. A l'image des souvenirs de ma dernière visite, l'endroit n'était pas très grand et assez rustique. Les étagères, surement fabriqués mains par un artisan de la région, s'étendaient irrégulièrement tout au long des murs et ce, jusqu'au plafond. Il y avait même des petites tables d'appoints disséminées ici et là, où étaient disposés sommairement des produits, avec à côté, de petites ardoises indiquant à la craie leur prix.

Je bifurquais dans l'étroite allée qui était réservée au petit-déjeuner. J'étais obligée de le reconnaitre, bien que l'endroit n'était plus tout frais et un peu poussiéreux, il avait le mérite de déborder de denrées alimentaires venant d'un bout à l'autre du continent. Dont notamment, mes fameuses céréales. J'attrapais le paquet avant de faire un rapide tour et de récupérer plusieurs autres articles pour, je l'espérais, ne pas revenir de sitôt.

C'est que j'en avais déjà pour un bon quart d'heure de route rien que pour l'aller. Sans oublier qu'il fallait que j'essaye de rester à l'écart du monde le plus possible encore un petit moment. Les métamorphes, qui nous avait fait fuir Tirana en Albanie pour ce coin paumé, étaient à n'en pas douter encore sur nos traces. Par expérience, je savais qu'il fallait que je reste en vigilance maximale encore un bon mois avant de pouvoir me permettre de sortir en ville pour autre chose que pour répondre à mes besoins de première nécessité. Et ce, même si la ville en question comptait à peine une centaine d'habitants. C'est que les métamorphes n'étaient pas la race de surnaturels la moins têtue au monde. Au contraire.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant