Chapitre 30 : Secret d'hiver

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La lune brillait dans le ciel remplit d'ombre.

Je tirai ma couverture dans un gémissement plaintif. Mes blessures me lançaient et le froid hivernale n'arrangeait pas la chose. Ouvrant mon placard ensorcelé, j'en sorti silencieusement une tenue moulante noir. Elle était faite de laine enchantée pour résister au froid et me permettrait de passer inaperçue. Il ne fallait surtout pas me faire repérer sinon notre petite réunion tomberait à l'eau. Sans un bruit, je m'habillais avant de me glisser telle une ombre jusqu'à ma fenêtre. Celle-ci donnait sur le côté ouest et il m'a fallait me rendre à l'est. J'ouvris la fenêtre et laissa le vent glacial me mordre le visage.

Dehors il n'y avait pas un bruit, seulement ma respiration entrecoupé de bruissements de tissus. Je saisis doucement mes bottes de cuir usées prenant soin de les lacer correctement. Attrapant ma brosse, je la passai délicatement dans mes cheveux sans les attacher. Je contemplai un moment le reflet de mon miroir. Je n'étais qu'une ombre dans la nuit, un murmure qui devrait se faire silencieux.

Le courant froid s'engouffrait dans ma chambre faisant voler quelques mèches de cheveux. Je m'approchai du rebord avant de poser mes doigts abîmés sur les pierres froides. Je passai délicatement une jambe par dessus puis la deuxième pour finir par m'assoir. J'admirai longuement le paysage qui se déroulait sous mes yeux glacés. Des hectares et des hectares de forêts et de montagnes recouverts d'un drap sombre. Un croissant de lune éclairait le monde endormi dans un merveilleux songe maintenant hors de ma portée. Plus un bruit ne venait troubler la tranquillité des étoiles qui scintillaient doucement dans un océan de ténèbres.

J'enviais cette tranquillité éphémère qui disparaîtrait au lever du jour. Un instant, je rêvai d'une vie pacifique sans guerre ni combat. Un monde calme où le futur n'est que le reflet du présent. Mais le calme précède toujours la tempête et je serais cette tempête qui bouleversera le monde. La routine n'est pas faite pour moi, je suis un de ses esprits libres qui n'avancent que par désir.

Je basculai en avant et me laissai tomber dans le vide. Le vent hurlait à mes oreilles et lacérait mon corps des ses bourrasques gelées. Je me sentais à la fois lourde et légère, juste flottant en apesanteur. La terre se rapprochait rapidement sous moi mais je ne me transformai pas. Pas encore. Le temps s'écoulait presque au ralentit mais l'idée ne vint pas. Comme si il n'y avait plus rien. Juste moi et le sol qui approchait à une vitesse vertigineuse. Juste une fin à tout et un début pour une nouvelle histoire. Rien qu'un battement de cils avant le néant.

Pas maintenant.

Mon pouvoir jaillit en moi dans une gerbe d'étincelles. Mes serres frôlèrent le sol humide et je m'envolais a tir d'aile vers le nord. La nuit était claire, douce, parfumée par les  fragrances délicates des eaux pures du lac sous mes ailes. Malgré le vent qui soufflait, aucune ondulation ne venait troubler sa surface miroitante qui reflétait l'astre lunaire. Je me laissai planer, prenant soin de rester a bonne distance du rivage, loin de potentielles ombres éveillées. Mes serres caressèrent l'entendue paisible brisant son miroir d'argent. Dans cette nuit d'hiver je n'étais qu'un rapace parmi tant d'autres en quête de ma proie.

Les premiers arbres se dessinèrent sur la rive est. Décharnés et rabougris, ils avaient l'allure de ceux qui avaient vu passer trop d'hiver. Quittant le calme du lac, je pris un courant qui m'éleva au dessus des bois. L'arène, bien quand partie détruite, apparue sous mes yeux perçants. Quelques voluptés de fumée s'y dégageaient encore et on pouvait distinguer par endroit l'armature carbonisée.

Je piquai en direction du bâtiment en prenant soin de faire le moins de bruit possible. Il ne serais pas impossible que des révélateurs traînent dans le coin. J'atterris sur un des nombreux râteliers du centre de l'arène avant de reprendre forme humaine. De près les dégâts étaient encore plus flagrants. Tout le côté sud-ouest de l'amphithéâtre était brûlé voir en cendre. Des gradins de fortune avaient été installés dessus renforcé par des enchantements de scellage qui avaient empêché l'effondrement des souterrains. Mais tout ce joli foutoir disparaîtrait proprement demain aux premières lueurs du jour il me fallait donc faire vite.

La Colère du Léviathan: Tome 1 : Cas particulierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant