Chapitre 45 : Immaculée glacée

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Seul le murmure du vent venait troubler la quiétude du silence.

Le moindre effort était douloureux. Chaque respiration faisait gicler un peu plus de sang de ma blessure que les cellules affaiblies tentaient de refermer. J'essuyai les larmes de douleur sur les joues, étalant le sang et la poussière qui s'y trouvaient. Mes orteils bougeaient toujours au moins ma colonne n'avait pas été trop touchée. Un jet de sang éclaboussa le sol quand je voulus me redresser. Haletante, je réussie à m'adosser contre une poutre brisée pour reprendre mon souffle. Je jetai un coup d'œil à l'ampleur de ma plaie. Le blanc des os ressortait sur ma chair carbonisée et lacérée. Un miracle que je me sois pas encore évanouie. J'avais plusieurs côtes brisées et le bassin sûrement fêlé. Je toussai un filet de sang mêlé de salive. Et sûrement un poumon perforé aussi. La sueur dégoulinait de mon front poisseux. Si seulement la métamorphose pouvait endiguer la douleur.

Le paysage autour de moi n'était que ruines et effondrements. Il ne restait qu'une tour à la cathédrale, vaillante et austère, encore partiellement gelée. Des colonnes de fumée s'élevaient dans le ciel recouvrant de leur ombre dense les plaines devenues à nouveau silencieuses. Le vent soufflait des odeurs de soufre et de chairs brûlées, agressait mes yeux fatigués de son haleine aigre. Les lamentations s'étaient éteintes. Plus un son humain à l'horizon seulement mon propre souffle qui résonnait dans ma tête. Quelques rapaces volaient en cercle au dessus de nos têtes, nous épiant des leurs yeux acérés. Mes lèvres se tordirent en un sourire lassé. Mon corps n'avait pas encore connu assez d'aventure pour finir maintenant en pâture à des charognards. Je laissai mes paupières se fermer. J'étais fatiguée.

Le claquement de fers sur le sol. Je rouvris les yeux subitement. Reconnaissable par la répétition de quatre cliquetis mécaniques sur le sol. Un renâclement bref suivi d'un fouettement de queue. Seulement une seule série de pas. Aucunes montures de l'académie n'étaient ferrées. Quelqu'un approchait, il était seul et à cheval et il ne venait pas de l'école. Je jetai un bref coup d'œil autour de moi. Je n'étais pas en état de me battre si nécessaire et aucunes armes à portée de main. Même en étirant mon coup, je n'arrivais à distinguer aucun de mes camarades. Le bruit se rapprochait. Il viendrait sur ma droite. Je remuai rapidement la main. Ce serait un miracle si un seul de mes doigts s'enflammait. Mon corps était en train de pomper toute l'énergie qu'il me restait pour arrêter l'hémorragie je n'allais pas lui en vouloir pour ça. Me concentrant sur mon ouïe, je cherchais un signe de vie alentour. Je confirmai la présence d'un individu inconnu et de sa monture sur ma droite. En face de moi la respiration calme de deux personnes, sûrement Sophia et l'enfant. Légèrement sur ma gauche, deux respirations lentes et une plus saccadée. Un des garçons semblait conscient mais je ne savais lequel. La dague cachée dans ma botte ne me serait d'aucune utilité je n'étaies même pas sur d'arriver à me pencher pour la saisir.

L'individu entra dans mon champ de vision. Ce qui me surpris en premier fut la couleur du cheval. Une robe d'un blanc éclatant presque lumineux. Une crinière de nacre reflétant le peu de soleil et des sabots immaculés. Il semblait presque en dehors de la réalité. La poussière ne l'air ne paraissait pas le toucher comme repousser par l'éclat de l'animal. Son cavalier était tout aussi opalescent. Sa tenue immaculée s'accordait avec le bandeau blanchâtre qui lui masquait les yeux. Son teint était aussi livide que la mort et ses cheveux paraissaient presque translucides à la lumière. Aucune impureté ne semblait le toucher ni même l'approcher.

Le cavalier inconnu mît pied à terre. Je remarquai l'arc opalin accroché dans son dos ainsi que l'absence de tout autre arme. Ce dernier vint s'assoir en face de moi. De plus près, son visage semblait dépourvu de tout ravage du temps. Sans ses yeux, je n'aurais pus dir son âge sinon qu'il semblait être sortit de l'enfance. Lorsqu'il déplaça le pan de sa cape, je vis à nouveau que le sang frais sur le sol n'avait pas entaché l'immaculée de son vêtement. La semelle de ses botte était elle aussi impeccable. Cet homme ( enfin si s'en était un ) avait quelque chose qui sortait du naturel.

La Colère du Léviathan: Tome 1 : Cas particulierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant