Le souffle d'un renouveau 1

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Je suppose que le Seigneur Hiwang est né ainsi que tout autre être mortel avant lui ; de l'union de deux êtres, et à peine sorti du ventre de sa mère, son énergie interne s'était montrée capricieuse, mais surtout dominante, ce qui le prédestinait à un grand futur. Du moins, lui avait-on raconté tout au long de son parcours de cultivateur. Il avait été encouragé à devenir un puissant immortel, du genre à atteindre un noble rang au sein de sa Secte. Un Maître de son art parmi d'autres. 

Son père était un des plus fidèles serviteurs du chef de la Secte Hù lǐ. Il avait enseigné aider de nombreux élèves sur la voie de la cultivation, y compris son propre fils. Hiwang avait suivi un entraînement fastidieux et plus sévère que les autres disciples, poussé par ces rumeurs sur sa naissance. Qu'il était voué à quelque chose de plus grand que son existence tranquille ici. Il n'y croyait pas vraiment, mais cela l'amusait. Il avait toujours joui d'une habilité déconcertante à développer son essence, en se formant aux arts martiaux et mystiques.

Mais, plutôt que d'évoquer son enfance, ces jeunes âges durant lesquels il était devenu homme, penchons-nous sur l'élément déclencheur de toute cette histoire, celui qui confirma sa destinée et l'entraîna dans une spirale infernale.

Là où tous les pôles de l'univers ont convergé pour donner naissance à la légende du Seigneur Hiwang.

Le Seigneur, tout de blanc vêtu, déambulait dans les rues de la Cité des Rêveurs. Il souriait et le peuple lui rendait la bienséance. Les mains croisées dans son dos, il virevoltait avec grâce d'échoppe en échoppe. Ce soir, il rencontrait sa belle, il lui fallait un présent à offrir. Mais rien ne l'attirait. Il traversa le pont surplombant la rivière Endormie qui scindait en deux la capitale de Hù lǐ. De l'autre côté, une femme ne cessait de crier les noms de ses marchandises. Recouverte de poussières, elle semblait venir de loin. Il s'approcha donc d'elle et observa silencieusement. La tête penchée en avant, elle ne l'avait guère reconnu.

— Monsieur, voilà des habits bien luxueux sur vous. Serait-ce que vous vous parez de plaisants ornements pour plaire à une Dame ? s'enjoua-t-elle, mielleuse. Souhaitez-vous une broche pour parfaire cette tenue ?

Intrigué par sa proposition – en effet, il manquait un ornement à son torse pour complémenter son costume de gentilhomme – , il souleva son délicat visage et l'exposa pleinement à la marchande. Elle blêmit soudain, ses joues s'empourprant. Comment n'avait-elle pu le reconnaître avant ? Se fustigeant mentalement, elle lui indiqua les bijoux qu'il lui restait et hésita à prendre la parole. Parce qu'il s'agissait de cet homme en particulier, elle savait définitivement ce qui l'amenait au marché. Il cherchait à ravir sa dulcinée.

— Mon jeune Seigneur, en ce moment, la tendance revient aux bandeaux de jade. Ils sont très appréciés par les demoiselles. Ou les colliers de rubis. Très appréciés par la gente féminine aussi. Que pensez-vous de ceux-ci ?

Il sentit sans grand effort le désespoir de cette marchande qui peinait à vendre ces items, et Hiwang scruta poliment les bandeaux qu'elle suggérait. En fait, ils lui plaisaient. Sa compagne se plaignait constamment de sa coiffe, soi-disant nécessitait-elle une parure supplémentaire. D'un mouvement brusque, il sautilla joyeusement et tapa de ses mains avec allégresse, provoquant un sourire sur le visage sali de la femme qui arborait maintenant une mine satisfaite. Tout le marché sembla être un lieu plus joyeux, illuminé par le doux rictus du Seigneur. Le jeune homme choisit le plus onéreux et paya d'une pierre en argent pur. Ravi au possible, il amorça des pas souples vers le Palais intérieur.

— Assurez-vous d'accompagner ce présent d'un peu de vin ! cria la femme, alors qu'il partait. Elle adorera, pour sûr.

— Je comblerai cette Dame de bonheur ! affirma-t-il, en ricanant affectueusement.

La fosse des LamentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant