Les larmes des Morts 4

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Hiwang riait pour détendre l'atmosphère, comme à son habitude, mais la joie n'illuminait pas son visage terne aujourd'hui. Il priait pour se réveiller de cette horreur dans un monde en paix.

Mais, il s'en doutait ; sans les démons, leur ennemi serait eux-mêmes, ils s'entre-tueraient pour le pouvoir, pour imposer leurs visions divergentes, comme à l'époque.

Les diaboliques créatures leur offraient un adversaire commun. Et, il s'en doutait également : sans les Ombres, Hù lǐ tomberait la première. Le Seigneur déplorait cette Secte et sa mentalité faible.

Xian imaginait ses pensées et se désolait avec lui. Mais, que pouvaient-ils y faire ? Outre se préoccuper d'un futur incertain et fragile, ils devaient régler les problèmes du présent.

Une respiration essoufflée se rapprocha d'eux. Le Jeune Maître discerne les ornements reconnaissables sur la robe d'un blanc immaculé de l'homme. Si blanc qu'elle resplendissait. Un alchimiste de Hù lǐ. Il supposait que celui-là s'était aussi déplacé seul.

— Jeune Maître, je dois m'entretenir avec votre père sans tarder. En tant qu'alchimiste, je ressens les vibrations causées par la douleur de sa blessure. Le Patriarche souffre. Je souhaiterais le soigner, si vous le permettez.

Les deux hommes de Hù lǐ ne se fréquentaient pas chez eux, ils s'étaient rencontrés une fois dans leur vie et cela ne s'était pas bien terminée.

Lorsque le Seigneur avait été touché aux Colères Démesurées et que le Jeune Maître l'avait ramené chez lui, un alchimiste s'était particulièrement chargé de guérir sa jambe. Wulong, étant le meilleur de sa profession, avait fourni le maximum de son énergie. Il avait cicatrisé la plaie et l'avait purifié.

Or, ce jour-là, il avait compris ; une blessure d'Ombre ne guérissait jamais. La douleur demeurait pour l'éternité. Il avait dû lui expliquer. Hiwang avait explosé de rage en l'apprenant et avait déversé ses regrets sur la seule personne présente, sur lui. Il l'avait regretté et s'était excusé, bien sûr.

Ils ne s'étaient plus reparlé.

— Mon Seigneur, se courba poliment Wulong.

Il ne put prononcer davantage que ledit Seigneur l'enlaça d'un coup. Il amorça un mouvement de recul, mais tapota tout de même son dos dans l'étreinte, perplexe. Celle-ci réconfortait l'alchimiste. Elle signifiait qu'ils n'avaient pas à se détester. Personne n'avait été fautif.

Wulong se détacha et exposa de nouveau ses intentions au Jeune Maître. Réticent, il accorda foi au regard des deux fidèles de Hù lǐ et les guida à travers les couloirs. Ils quittèrent cette salle, traversèrent une longue cour et entrèrent dans le temple, puis ils arrivèrent dans un pavillon bruyant. Des gémissements s'en dégageaient.

Le Patriarche souffrait vraiment.

Sans attendre, l'alchimiste soumit ses services au Chef de Clan, tandis que le Seigneur et l'héritier patientèrent dehors. Muets, ils trépignaient légèrement. Les souvenirs de leurs précédentes rencontres revenaient en force dans leurs mémoires. Xian se rappela à quel point il haïssait l'insolence mêlée à l'arrogance de cet homme, mais était désireux de percer ses mystères. Il le sonda en toute discrétion. 

Deux ans n'avaient pas altéré sa beauté, a contrario de lui et de sa peau abîmée. Il arborait de minuscules ridules au coin de ses lèvres à chaque fois qu'il souriait – ce qui n'arrivait pas souvent. En revanche, Hiwang demeurait égal à lui-même. Il ne vieillissait pas. Il maintenait la fraîcheur de sa jeunesse. Pour le plus grand bonheur de Xian, il n'avait guère perdu son rictus espiègle, malgré les circonstances.

La fosse des LamentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant