L'ère de chaos 4

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 Yichen adorait le combat, il s'en réjouissait. Son aptitude surpassait toutes les espérances. Il se mouvait avec une grâce et une aisance illimitées, tranchant des têtes et des membres, les éventrant, les cognant de ses propres poings. Ses dagues valsaient dans tous les sens ; des baguettes en argent scintillant volaient et se plantaient dans l'œil globuleux d'une créature. Xian n'en revenait pas. Si jeune, mais si doué. Il avait forcément été entraîné dès sa plus tendre enfance. 

Le Jeune Maître se désintéressa rapidement de lui pour jeter un œil à Jiali. Elle se débrouillait à la perfection ; elle ne détenait pas la même facilité, mais elle possédait des dons impensables. Ses courtes épées pulvérisaient ses ennemis par des mouvements secs et sa magie les étouffait, les pétrifiait. Elle produisait des ondes violacées tout autour d'elle et se soulevait dans les airs pour se sauver d'un assaut brutal.

Ensuite, il vérifia l'état du Seigneur. Il se défendait avec maladresse, mais survivait. Un homme de Hù lǐ apprenait rarement à utiliser l'épée ou la magie comme force destructrice, puisqu'il habitait dans une Secte foncièrement neutre. Il avait appris à cultiver son énergie, à la renforcer et avait une excellente santé. Il avait appris à soigner les maux du corps et de l'esprit. Il avait appris à se défendre, mais au minimum. Il n'était pas un guerrier, ni un soldat. Hiwang, cependant, s'illustrait par des gestes amples et calculés. Il rassemblait tout le savoir lu dans les manuels dérobés en secret du temple.

— Camarades ! appela Yichen, tout sourire. J'ai trouvé le fameux meneur !

— Où ?

Jiali était trop occupée pour se tourner vers lui. Hiwang fit volte-face et examina l'endroit que pointait le guerrier de Jiǎo huá. En effet, une créature trois fois plus énorme fonçait sur eux. Mais pas n'importe quelle bête... Un serpent. Et il avait la phobie terrifiante des serpents. Il déglutit et déglutit encore, figé, la bouche grande ouverte et ses yeux pleuraient presque. D'une hauteur affolante, probablement capable d'avaler un dragon, le Seigneur sanglotait dans un coin, peinant désormais à se battre. Il fuyait la plupart des attaques.

Seulement, il fallait bien que leur plan fonctionne. Alors, il inspira et courut dans sa direction sous les hurlements incompréhensibles de Xian. Une fois devant lui, il assembla toute son énergie et, de sa paume, une lumière aveuglante illumina toute la montagne. Le Bashe vrombit avec férocité, faisant trembler la terre. Cela prouvait qu'il était apeuré par ces rayons purs et s'enfuit dans le sens inverse. Afin d'offrir un peu de répit à ses compères, le Seigneur le chassa à l'écart du champ de bataille. Puisque cette chose le redoutait, il pourrait la mener là où il le souhaitait. Mais, il n'avait pas pris en compte son intelligence bestiale, bien au-dessus des capacités normales des démons.

L'instinct de cette créature se dévoila très rapidement et elle cessa de s'échapper. Plutôt que de frémir face à cette luminosité fatale, le Bashe serpenta autour des arbres et grimpa si haut qu'il le perdit de vue. Tournant et retournant, Hiwang surveillait sa montée, mais il n'eut pas à lever la tête bien longtemps, car il décida de s'écraser sur lui. Paniqué, il se jeta aussi loin qu'il le put. En roulant au sol, dans les feuillages, il le frappa sans relâche de son épée et le blessait de toutes ses forces, mais on aurait dit une aiguille dans la peau rude du démon. 

Le Bashe ne l'autorisa pas à repartir auprès de ses camarades et le toucha à la jambe avec son immense gueule aux crocs énormes. Par chance, ils ne s'ancrèrent pas dans sa chair. Sinon, il aurait perdu son membre inférieur aussitôt. Il voulait le traîner dans son refuge. Hiwang ne retint pas un braillement de douleur, l'égratignure saignait et le lançait. Le coup le paralysa et il faillit succomber, mais il se débattit avec courage contre les effets du poison.

Soudainement, une lame vola et transperça le crâne du Bashe. Il vacilla, mais réprima son étourdissement. Jiali récupéra l'épée papillon en l'arrachant violemment et continua le combat à la place du Seigneur qui rampa sur le côté. Il compressait sa jambe ensanglantée et observait les talents de la femme. Il ne fallut pas beaucoup de secondes à la bête pour la désarmer et l'envoyer contre un arbre. Hiwang héla de nombreuses fois la mercenaire, sans succès. Avec un peu de miracle, elle n'était qu'assommée.

Il ne s'en angoissa plus, quand la créature darda son attention sur lui. Faible, il ne tiendrait pas. Hiwang aspirait à se lever, mais sa jambe le brûlait et il saignait abondamment. Elle siffla avec hargne et s'apprêta à s'élancer, lorsqu'une masse sombre atterrit sur sa nuque. Le Jeune Maître ne lâcha pas sa prise. Elle se secoua, remua autant qu'elle put, mais son assaillant s'accrocha. Xian planta son jian au plus profond de sa tête, ressortant par sa gueule. En plus, il projeta une onde qui se diffusa en lui et lui interdit de se débattre davantage.

Le Bashe était vaincu et s'écroulerait sous peu. Donc, le Jeune Maître effectua une roulade aisée et atterrit au sol, essoufflé. Le démon chuta en fissurant la terre sous son poids. C'en était fini. Pourtant, malgré cette victoire, Yichen bougonnait parce qu'il n'avait pas pu apposer sa trace sur son cadavre. Pour son plaisir, il ouvrit ses entrailles et les regarda couler, se mélanger à la boue.

Le Jeune Maître se releva, un brin désorienté. Yichen se hâta jusqu'à la bâtarde pour la réveiller et la relever, pendant que le Seigneur pressait toujours sa jambe. Xian s'en aperçut et accourut près de lui, l'air soucieux. Il analysa la blessure et se rassura, rien n'avait été touché ou abîmé, seul le saignement l'inquiéta et le poison. Hiwang s'occupait déjà de cela, en purifiant la plaie de sa magie blanche, et l'héritier enroula son membre dans un tissu – qu'il avait déchiré de son vêtement.

— Votre respiration est correcte. Croyez-vous que vous pourrez marcher ? Si cela est nécessaire, Yichen et moi, nous nous relayerons pour vous transporter. Mieux vaut ne pas relancer la douleur ou rouvrir la blessure. 

— Vous tracassez-vous pour moi ? s'enquit, d'un fragile rire, Hiwang. Ne vous affolez pas, je vais bien. 

Pour toute réponse, le Jeune Maître appuya sur la plaie. Hiwang poussa un cri à s'en pulvériser la trachée. Jiali haussa un sourcil, il s'agissait d'une habitude entre eux, et Yichen ricana. Après s'être remis de la migraine provoquée par la douleur, le blessé dévisagea le soi-disant érudit. Se ravissait-il, en fait, de sa blessure, au lieu de s'en inquiéter ? Toutefois, Xian se préoccupait sincèrement de l'entaille. Si elle n'était pas soignée à temps, le poison aurait raison de lui. Sans élixir, il pouvait toujours refermer la plaie ou atténuer la douleur, mais il ne pouvait annuler les effets nocifs. 

— C'est exactement pour cela que je craignais que le Bashe vous bloque à terre. C'est exactement pour cela que je vous ai ordonné de faire attention.

— Je n'ai pas été blessé par envie, tonna Hiwang. Vous pourriez arrêter de critiquer le moindre de mes choix, la moindre de mes paroles ?

— Si vous ne l'aviez pas chassé aussi loin et sans renfort, nous n'en serions pas là, grimaça-t-il. Inutile de tergiverser davantage ! Je vous porterai jusqu'en bas de la montagne.

Aussitôt dit, aussitôt fait, le Jeune Maître avait déjà agrippé le Seigneur et le retenait contre son dos, soutenant l'arrière de ses genoux. Il adressa un signe de tête aux deux autres pour qu'ils le suivent et ne perdent pas de temps. Ils signaleraient le cadavre du Bashe à Petit Sage qui recruterait probablement des hommes pour nettoyer le lieu. À toute vitesse, ils dévalèrent les pentes, espérant ne pas y passer une nuit supplémentaire. Ils atteignirent en quelques heures la dernière colline et, dans leur précipitation, ils ne perçurent pas les bruits environnants.

La fosse des LamentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant