Aussitôt dit, aussitôt fait, l'inconnu paya et sortit. Le tavernier pesta contre Hiwang dans des grognements explicites. Ce dernier redoutait vraiment d'avoir froissé un Jeune Maître de Zhī dào. Promptement, il se redressa et partit à sa suite. L'alcool euphorisait ses réactions, mais il devinait l'urgence de la situation. Il devait s'excuser, avant que le poids de sa bêtise ne retombe sur ses épaules. Déjà que sa Secte n'était pas la plus respectée, il ne tenait pas à générer un incident diplomatique. Dehors, il distingua la robe blanche qui serpentait entre les arbres, en direction du temple. Il le talonna et, à sa hauteur, il agrippa son bras fin et le tira dans un coin reculé.
Le Jeune Maître éclata de colère à cet assaut. Il se défit de son emprise et dégaina son épée. Il détonna un féroce mouvement et faillit le déstabiliser. En préservant son équilibre, Hiwang prit aussi son arme et para les coups. Anxieux de se battre avec un membre de ce Clan, il souhaita terminer cet échange violent sur-le-champ. Il n'imaginait pas un instant les conséquences de cet affront. D'une parade maîtrisée, il désarma l'homme et le plaqua contre une paroi en bambous d'une maison quelconque, le clouant d'une poigne affirmée, son épée sous le menton. Outré, l'homme songeait déjà aux châtiments qu'il lui ferait subir, même s'il se tempérait un peu, se souvenant des enseignements de son paternel.
— Je m'excuse sincèrement, Jeune Maître ! s'écria, désespéré, Hiwang. Je ne savais pas qui vous étiez et je ne désirais qu'un brin de compagnie ! Ne vous formalisez pas de mon attitude désinvolte à votre égard, s'il vous plaît.
— Vous vous excusez avec votre arme menaçante pointée sur moi ! répliqua-t-il, fulminant.
Et il le comprit à sa proximité scandaleuse avec lui. Le Seigneur s'éloigna et s'insulta mentalement pour cette autre idiotie. L'homme s'épousseta rageusement et ne se gênait pas pour le mépriser du regard. Bredouillant de nombreuses excuses, Hiwang priait pour ne pas que sa faute remonte aux oreilles de sa famille. Sinon, il serait gravement réprimandé. Alors qu'il courbait l'échine, le Jeune Maître prononça une phrase qui fit s'envoler sa bienséance.
— Vous, les gens de Hù lǐ, vous puisez soi-disant votre force de votre neutralité, reniant la majorité des usages de la magie. Moi, tout ce que je vois, c'est une faiblesse d'âme et de la couardise qui, soyez-en sûr, m'insupporte au plus haut point. Hù lǐ devrait prendre exemple sur Zhī dào, ou pourquoi pas sur Mó fǎ. Vous en tireriez des leçons cruciales. Par exemple, sur comment ne pas agresser un membre de Clan...
— Bah ! Je me doutais que vous ne résisteriez pas à critiquer ma Secte. Nos principes vous répugnent tant que cela ? Navré de favoriser les préceptes de la paix, de la guérison et de la vie, plutôt que de courir au-devant de nos morts en bataillant sans cesse. Vous nous détestez à ce point, Jeune Maître ? Oh, quel dommage. Laissez-moi vouis dire que, sans vos manuels et vos lois, les gens de Zhī dào ne valent pas mieux ! accusa Hiwang, regrettant aussitôt.
L'épée fusa et s'abattit à quelques centimètres de son visage. Le Seigneur s'insurgea de ce coup si perfide et déloyal, indigne d'un Jeune Maître. Il n'avouerait pas qu'il l'avait bien cherché ! Enfin, ils l'avaient bien cherché, tous les deux. Hiwang lui vola sa lame d'un mouvement habile et saisit la sienne, il le visa avec les deux. Son adversaire ne sourcilla pas une seconde, sachant très bien qu'il n'oserait pas le blesser. Il le mériterait, pour l'insulte faite à son peuple, mais aussi pour son impolitesse envers un étranger qui n'avait rien demandé de plus qu'un camarade de table. Apaisant peu à peu sa respiration saccadée, ils se jaugèrent un instant. Au final, que pouvait-il tenter pour corriger les mots de cet homme ? Résigné, il lui tendit son arme et s'écarta de plusieurs pas, et s'inclina.
— N'évoquez pas notre incident au Patriarche, je me tiendrai bien. Veuillez me pardonner.
— Pour un simple disciple de Hù lǐ, vous combattez avec une trop grande aisance, aboya le Jeune Maître, alors que le Seigneur reculait. Je n'ai pas fourni d'efforts dans ce duel, parce que je ne m'attendais pas à la moindre répartie de votre part. Depuis quand vous inculque-t-on l'art du combat en profondeur ? Cela m'étonne que vos gens soient même capables de comprendre ce que combattre signifie.
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La fosse des Lamentations
FantasyQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...