Des talismans à moitié déchirés et disposés n'importe comment dans la pièce, un vent glacial qui pénétrait à l'intérieur du temple par toutes les portes grandes ouvertes et une voûte céleste qui se peignait d'un gris ennuyeux laissant présager une future pluie torrentielle, ainsi que des nuances d'orangé desquels nous percevions les cris d'agonie des victimes.
Les Ombres s'étaient baignées dans le sang des innocents et elles avaient choisi une nouvelle cible. Aujourd'hui, un mariage était célébré.
Deux corps face à face. L'homme, coquille vide guidée par les créatures, arborait des traits étrangement neutres. Les Ombres, malgré l'idée qui les animait, n'appréciaient pas du tout ce moment. Elles épousaient ; mais, de ce fait, elles se qualifiaient de trop humaines. Elles ne s'accordaient plus avec les règles du jeu. Parce qu'elles n'étaient pas créées pour se marier ! Néanmoins, méditant et se focalisant sur leur projet, sur cette descendance magnifique, elles patientaient pour la fin de cette cérémonie absurde. La femme, une Jeune Maîtresse déchue qui n'obtenait pas d'aide de son père se trouvant juste à côté d'elle, s'effrayait de la tournure des événements. Huafang avait été condamnée par son père, il acceptait ces épousailles, et elle jetait des regards tempétueux au Seigneur Hiwang. Elle avait d'ailleurs eu du mal à comprendre que le Seigneur ne possédait plus son corps.
À la seconde où la cérémonie se termina – c'est-à-dire quand ils s'inclinèrent trois fois l'un devant l'autre, oubliant les autres étapes –, elles empoignèrent le bras de leur désormais femme et la tirèrent dans la chambre nuptiale. Meng ne daigna pas s'y opposer. Il quitta simplement le temple, au cas où sa fille déciderait de se débattre et de brailler.
— Lâchez-moi, bougre ! Vous me faites mal ! Vous le paierez, monstruosités !
Huafang atterrit violemment sur un lit constitué d'une planche de bois et d'un très fin tissu. Elle se retint avec ses avant-bras, mais le choc la blessa au point qu'elle poussa un bruyant gémissement. Ses cheveux décoiffés, son maquillage coulé, sa longue robe rouge se tâchait des épaisses traces de ses larmes. Elle se retourna vivement, prête à se confronter à Hiwang. Puisqu'elle traitait à l'époque le Seigneur comme un moins-que-rien, un homme malveillant qui ternissait l'image de Xian-Jun, elle peinait à distinguer l'hôte des Ombres, elle confondait tout, nourrissant une haine profonde pour le Seigneur.
— Mon père vous châtiera ! vociféra-t-elle, pour la énième fois. Vous faites croire que les démons se sont emparés d'une coquille vide, mais je sais que vous êtes encore là, vaurien, et que vous faites cela pour vous venger de moi !
— Votre infâme paternel nous a livré votre main sur un plateau, il a proposé cette union. Voyez-vous, insupportable et ridicule mortelle, vous êtes abandonnée à votre sort. Coopérez, ou vous souffrirez inutilement.
Bien sûr que son père lui avait tourné le dos, mais elle tentait des menaces pour échapper à cette horrifiante nuit qui l'attendait. Elle rampa difficilement sur le lit, recula autant qu'elle le put et rencontra le mur, elle se replia sur elle-même, les genoux ramenés à sa poitrine. Ses tremblements augmentaient sans qu'elle ne soit en mesure de se calmer. Elle savait très bien ce qui devait suivre et jamais elle ne se laisserait toucher par des Ombres, et encore moins par les viles mains du Seigneur Hiwang. Pourquoi fallait-il qu'elles aient choisi cet hôte ? En plus de se retrouver mariée à ces créatures répugnantes, elle devrait tolérer cette vue.
Désireuses de jouer un peu, elles bondirent sur le lit et s'approchèrent de la jeune femme. Celle-ci glapit lorsque deux mains agrippèrent ses cuisses et les écartèrent pour les tirer à elles. Allongée et sans défense, elle envisagea de hurler à la mort en espérant qu'un garde ait pitié d'elle. Mais à Jiǎo huá, surtout en temps de guerre, la pitié n'existait pas. Elle ne chercha pas à les repousser, bien consciente de sa faiblesse ; alors, elle se ratatina et pria. Pour se divertir de ses hilares réactions, elles parcoururent ses courbes en toute impudence, lui arrachant des soubresauts. Bientôt, elle sangloterait. Lentement, elles se penchèrent et chuchotèrent à son oreille :
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La fosse des Lamentations
ФэнтезиQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...