Un garçon jouait tranquillement dans les jardins d'une vaste demeure, perdue en plein milieu des immenses steppes. Le bout de son nez sali, ses habits noircis, il riait à gorge déployée, visiblement amusé par une grenouille sautillant parmi les nénuphars. Souvent, il abattait sa main chétive dans le petit étang et s'éclaboussait. Son chapeau tombait sur ses yeux, mais, bien trop occupé par l'animal, il ne l'arrangeait pas. L'innocence scintillait dans la lueur de ses iris égayés, il adorait cet endroit. Du moins, quand ils l'autorisaient à y rester. En temps normal, ils l'enfermaient dans sa chambre et sa mère lui apportait des morceaux de bois pour se distraire.
À l'écart de la Cité des Rêveurs, le jeune garçon de Hù lǐ vivait paisiblement, sa mère travaillant pour des nobles. Ceux-ci se montraient impitoyables avec elle et la frappaient sans pitié si elle commettait une erreur. Mais, lui, ils le traitaient plus ou moins avec gentillesse, parce qu'il n'était qu'un enfant. Certains soirs, il était le seul à pouvoir manger, elle n'en avait pas le droit sans leur accord. Bien que ceci l'attriste profondément, Liang l'acceptait. En la défendant, elle écopait d'une double punition et il se sentait ensuite coupable.
Aujourd'hui, son quotidien répétitif changea pour de bon.
Le Jeune Seigneur revenait enfin à la maison.
Liang ne savait pas vraiment où il partait, mais il ne le voyait presque jamais. Il en avait déduit qu'il vivait à la capitale. Toute la journée, il s'était empêché de penser à son retour pour que l'impatience ne l'excite pas trop. Jusqu'à ce qu'il entende des hennissements, et il se mit à compter. Un. Le Jeune Seigneur devait descendre de sa monture et saluer chaleureusement les gardes à l'entrée du domaine. Deux. Bien élevé, il fit le tour des serviteurs et les questionna chacun, tapotant leurs épaules pour marquer son empathie à leur égard. Trois. Il croisa la mère du garçon qui l'accueillit par une douce étreinte. Quatre. Il entra dans la demeure et se rendit immédiatement dans la chambre de ses parents. Cinq. Il leur raconta tout ce qui s'était produit durant ces derniers jours, et la conversation dura une éternité au goût du jeunot. Six. Il accourut dehors.
Pour le voir. Liang n'aimait pas être sixième dans sa liste, mais, au final, il se réjouissait d'apparaître sur cette liste.
— Xiao-Liang, comme tu as grandi ! Je m'absente trois mois et tu pousses plus vite qu'un chou. Attention, tu n'as pas intérêt à me dépasser ! Ce serait traître de ta part.
Le Jeune Seigneur s'imposa dans son champ de vision. De l'autre côté du bassin, le garçon ne réfléchit pas et sauta dans l'eau, impatient et incapable de faire le tour. Il lutta contre l'étang et se précipita dans ses bras. Wulong, un nom qui reflétait bien des choses sur son tempérament, l'attrapa à la volée et l'enlaça avec douceur, un majestueux sourire aux lèvres. Cet homme n'était que bonté et le jeunot l'enviait beaucoup. Plus tard, il aspirait à suivre ses traces et devenir aussi bon et généreux que lui.
— Père et mère, t'ont-il embêté cette fois ?
— Je sais que vous leur avez demandé d'arrêter, ronchonna le petit. Est-ce que vous croyez qu'ils me considéreront comme leur fils, un jour ?
— Mais tu ne l'es pas, rappela Wulong, en le posant par terre. Ne t'inquiète pas, mon petit ; lorsque j'aurais mon domaine, à moi, j'engagerai ta maman et nous logerons tous ensemble. Qu'en penses-tu ?
Bien sûr, il applaudit de bonheur et ne rêva plus que de ce moment. Il prierait sûrement pour que ce jour advienne vite. Non pas qu'il ne se plaisait pas dans les champs de pivoines, mais il voulait aider sa mère à sortir d'ici. Même s'il haïssait la capitale. Il ne comprenait pas pourquoi le Jeune Seigneur y habitait durant de longues périodes et y travaillait. Après tout, là-bas, le bruit dominait, trop d'agitation. Hù lǐ était pourtant une Secte calme, mais la ville principale recelait de visiteurs qui nuisaient à l'ambiance.
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La fosse des Lamentations
FantasyQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...