— Du nerf ! Hissez ces planches !
Une voix bourrue le réveilla. Le fidèle de Hù lǐ sursauta et prit un instant pour comprendre où il se situait. Étalé de tout son long sur le sol, en plein milieu de la rue, personne ne s'était approché de lui depuis la fuite des Ombres. Puisque la lune remplaçait le soleil, il déduisit que de nombreuses heures s'étaient écoulées avant son éveil. Doucement, un mal au crâne immense guidé par l'incompréhension s'installa. Hiwang se redressa et s'assit difficilement.
À ses mouvements, les hommes autour de lui s'agitèrent. Ils murmuraient et proliféraient des avertissements. Apparemment, nul n'avait le droit de venir l'aider à se relever. Pourquoi cette haine à son égard ? Ou du moins, une haine plus grande que d'habitude ? Il ne saisit pas dans l'instant.
— Que s'est-il passé ? balbutia-t-il, la gorge asséchée. Que sont devenues les Ombres ?
À peine sa question prononcée qu'il se remémora ses actions. Oh... Voilà donc pourquoi ils le toisaient durement. Ils le redoutaient dorénavant, en plus de le haïr de nature. Soupirant, le Seigneur essaya de se mettre debout. Il vacilla aux deux premiers essais, mais réussit au troisième. Des vertiges le tourmentèrent et il les ignora simplement, cherchant du regard son ami. Il avait l'impression d'entendre la voix de Soora.
En effet, ce dernier transmettait des directives à des citoyens pour qu'ils débarrassent une maison des débris. Le chasseur lui jetait des œillades inquiètes, mais pas pour sa santé... Ses orbes reflétaient clairement un sentiment d'horreur.
Son camarade s'était battu et il avait usé sous ses yeux de pouvoirs terriblement dangereux qui allaient à l'encontre des textes sacrés de Hù lǐ. Soora n'était plus si sûr de pouvoir défendre Hiwang après que leur peuple ait vu ce dont il était capable.
Néanmoins, la capitale avait subi d'innombrables dégâts. Il voulut épauler sa Secte dans la reconstruction et le deuil. Beaucoup avaient perdu des proches. Des corps s'empilaient dans des chariots pour les conduire à un digne enterrement. Hiwang se dirigea vers des défunts et amorça un geste pour les soulever, mais un individu lui bondit dessus. Des mains frappèrent son torse et il recula sous la surprise. Il écarquilla les yeux et discerna une horde de gens de Hù lǐ furieux qui le fixaient avec méchanceté.
— Ne touche pas à eux ! lui beugla-t-on. Ne les salis pas !
— C'est de ta faute, monstre !
— Tu les as attirées ici !
— Tu inspires le malheur et la mort !
— Va-t-en ! Hù lǐ te bannit !
— Fuis à Jiǎo huá, là-bas ta place t'attend ! Notre peuple ne te traitera plus en bienvenu !
Il commençait à comprendre maintenant. Le Seigneur se souvenait de tous les mots dits à l'encontre de Hù lǐ. Une Secte faible, une Secte hypocrite, où les Clans pratiquaient constamment la politique de l'autruche. Il combattait les Ombres, ses pouvoirs les avaient tous préservés d'une catastrophe, et il n'obtenait que le mépris. Hiwang ne le savait pas, mais il avait peut-être sauvé le monde entier par son action. Sans son intervention, leurs adversaires auraient continué de ravager les autres terres. Elles n'avaient pas prévu de se heurter à une opposition pareille. Aucun ne l'acceptait, ils le jugeaient avec tellement de colère gratuite.
— M'avez-vous un jour considéré en tant que l'un des vôtres ? Ai-je déjà mérité une place parmi vous ? Je vous sauve et voici comment vous me remerciez... Je ne suis pas déçu, puisque vous m'avez habitué à si peu de reconnaissance...
Tête baissée, il avança entre ces hommes qui se décalèrent. On aurait dit qu'il portait une maladie incurable et contagieuse. Le Seigneur n'éprouvait pas de rancune, juste une pointe d'amertume. Il n'adressa pas de regard à Mo Soora, ne voulant pas y lire de la peur. Son visage se ferma aux émotions et il bouscula son peuple pour partir de la capitale. Qu'ils se débrouillent ! Lui qui souhaitait leur prêter main-forte. Il laisserait les choses se tasser, les rumeurs s'atténuer et il espérait ne pas être obligé de quitter Hù lǐ.
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La fosse des Lamentations
FantasyQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...