L'héritier de la Sagesse Altruiste avait guidé son fidèle destrier dans les plaines désertes de Jiǎo huá, quelques bambous l'avaient obligé à slalomer. L'air se refroidissait de seconde en seconde et ses paupières clignaient frénétiquement, sa tête dodelinait, sa fatigue grimpait de minute en minute, il ne parvenait plus à tenir droit devant les douces flammes. Son dos souffrait des trots brusques et de sa posture, il s'était langui tout du long de poser pied à terre et maintenant, il rêvait de se recoucher.
Une semaine s'était écoulée depuis qu'il avait quitté sa Secte. En deux jours, il avait atteint le peuple des Fureurs Fallacieuses et il n'avait cessé de chevaucher. En arrivant, Xian avait été conduit jusqu'à un campement, où se rejoignaient tous les volontaires. Puisqu'ils étaient tous réunis et assis autour d'un feu de camp, il ne tira pas sur ses forces et se reposa autant que possible, se préservant pour le combat. Il se rappela des premières chamailleries entre les différents membres de cette troupe bancale.
— Sommes-nous certains d'y débusquer les démons ? s'était imposé Muwen à travers le brouhaha.
— Bien sûr que non ! avait craché le Patriarche de Jiǎo huá. Aucun éclaireur n'a osé s'en approcher, cette bande de lâches ; je m'y serais hâté seul et aurais combattu ces immondices sans votre assistance, si les autres Chefs de Secte ne comptaient pas autant sur ce fichu protocole.
Le Jeune Maître avait longuement hésité à se joindre à eux, en constatant l'ambiance qui régnait sur le groupe. Chacun prenait la liberté de s'exprimer méchamment ou avec nonchalance, et cela engendrait une atmosphère pesante qu'il n'appréciait pas du tout.
Dès sa venue, Xian avait reconnu l'excentrique Muwen et le Patriarche.
Le premier était assez connu à Mó fǎ, et sa réputation s'était élargie au monde entier au fil du temps. Il s'était fiancé à la bâtarde, Jia Li, sur ordre de son père, le Chef de Secte, et bien qu'elle l'ignorait superbement ou qu'elle le repoussait jour après jour, il l'affectionnait au-delà des espérances. Sûrement était-il tombé sous le charme de ses sauts d'humeurs et de son caractère insoutenable de mercenaire. Il se savait pas ce que cet homme trouvait à cette femme, à vrai dire.
Le second gouvernait Jiǎo huá. Son nom inspirait la terreur parmi les Clans, Meng ; un homme impitoyable qui changeait très souvent les lois de sa Secte à sa guise, afin d'agir à son bon vouloir, incluant punissions abusives et tortures. L'héritier ne s'était jamais frotté à lui, mais il avait prié pour ne jamais le rencontrer en face à face. Malheureusement, il s'était engagé dans cette mission.
Sans surprise, il avait découvert aussi le visage à moitié lassé, à moitié souriant du Seigneur Hiwang. Il avait failli esquisser une salutation à son égard, mais avait préféré se retenir. Ils n'étaient pas proches, malgré les diverses épreuves qui les liaient et qui continuaient de les rapprocher. Il avait sauté de son cheval et gagné le campement. Sur-le-champ, afin d'échanger les basiques formalités sur leur tactique, il s'était incliné devant tous et le respect avait été rendu, sauf pour le Chef de la Secte de Jiǎo huá.
— Le protocole est dicté par toutes les Sectes, Patriarche, pour la sécurité commune. Et si vous étiez mort dans une tentative folle de détruire les Ombres par votre propre force, qu'auriez-vous fait ? Qu'aurez-vous fait Jiǎo huá sans vous ? Votre peuple aurait été démuni, faible et sans Chef dans une période trop complexe pour envisager une passation de pouvoir. Mieux vaut tenter notre chance tous ensemble, assura Jia Li.
— Pourquoi, la méprisa le Patriarche, une bâtarde s'adresse-t-elle à moi de la sorte ? Qui vous autorise à me parler, ou même à me regarder dans les yeux ? Un conseil, mercenaire, pour la bonne entente de cette quête, baissez d'un ton, ou n'ouvrez plus du tout votre bouche.
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La fosse des Lamentations
FantasyQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...