Sa voix trahissait une envie de sommeil intense. Le Jeune Maître ne dit rien et écouta les longues respirations de son ami qui vagabondait déjà dans le pays des rêves. Il ne bougea pas de tout l'après-midi, offrant à Hiwang de sommeiller sur lui. En fin de compte, il s'assoupit en dépit de sa résistance. Bercés par les légers ronflements de l'autre, des heures s'écoulèrent. N'entendant plus de bruit, Wulong s'inquiéta. Il imaginait Xian capable d'assommer son semblable pour qu'il se taise. Cela aurait été tout à fait envisageable et plausible, puisque le Seigneur provoquait naturellement l'agacement chez l'autre. Il se pressa jusqu'à la chambre et entrouvrit la porte. L'ahurissement se peignit sur ses traits. Les deux dormaient côte à côte, sans se soucier de leurs réputations respectives. L'alchimiste sourit tendrement et s'éloigna à pas feutrés, retournant avec les autres.
— Alors ? interrogea Muwen, excité. Je parie tout ce que vous voulez qu'il l'a attaché quelque part et muselé !
— Non ! objecta Meiling, pouffant à cette proposition. Il a utilisé sa magie pour qu'il s'évanouisse et ne le colle plus !
— Rien de cela, exposa Wulong, une trace écarlate sur ses pommettes. Nous nous méprenons à leur sujet, je le crois. Ils ont atteint le stade de l'amitié, de ce que j'en ai vu. Je me réjouis pour eux, ils se sont rencontrés au bon moment.
Les deux M opinèrent du chef. Pour sûr, ils s'accordaient très bien ensemble. L'un apportait l'amusement et une forme de détente et l'autre enseignait des notions de vertu et de retenue. Cependant, leur curiosité dépassait l'entendement et ils voulaient voir Hiwang, pour s'assurer que le Jeune Maître ne lui avait rien fait, disaient-ils. Wulong, pour préserver leur intimité inattendue, ordonna à la chasseuse et au fiancé de ne pas les déranger, mais ils se levèrent et cela irrita l'alchimiste :
— Soit vous vous asseyez docilement, soit je draine l'intégralité de votre vitalité en un claquement de doigts.
Paralysés sous la menace, ils se courbèrent et obéirent, troublés par ce ton autoritaire. Le fidèle de Hù lǐ ne montrait pas beaucoup ce côté-là, surtout pas avec les plus jeunes. Hiwang et Xian dormaient tellement bien et, si les deux M découvraient leur posture, ils les importuneraient pour l'éternité à coup de railleries ! Mieux valait qu'ils imaginent.
Yichen apprécia grandement cet aspect autoritaire de l'alchimiste. Il se rapprocha de plus en plus de lui sans qu'il ne lui prête une quelconque attention. Comme s'il était invisible. Cela le blessait dans son orgueil et dans son affection, mais il endurait. Peut-être qu'il s'y prenait extrêmement mal, et qu'il ne remarquait pas ses erreurs. Donnant le bénéfice du doute à Wulong, il ne s'impatientait pas de cette nonchalance et il le courtisait, comme il l'avait promis.
Le Seigneur et le Jeune Maître se réveillèrent tard dans la soirée. Une fête pour célébrer leur départ était organisée, donc Jia Li avait gentiment toqué à leur porte pour qu'ils puissent se préparer. Hiwang eut du mal à se déplacer dans sa chambre, il vacillait à chaque pas, mettant un temps infini pour s'extirper des méandres du sommeil. Ses habits empestaient l'eau dans laquelle ils avaient baigné tantôt et il en prit conscience à cet instant. Comment Xian-Jun avait-il pu supporter cette odeur ? Probablement parce qu'il portait la même puanteur !
Une fois qu'ils furent tous apprêtés, des tenues similaires qu'à l'accoutumée, les gardes les conduisirent au temple. Meng avait lancé la fête sans les attendre et les nobles discutaient entre eux.
Du rose pâle pour Muwen, un bleu éclairé pour sa comparse, la chasseuse ; ils traversèrent la foule vers le buffet, ne pensant à aucun autre intérêt, mais ils ne toucheraient pas à l'alcool, se souvenant du baiser, terrifiante faute qu'ils ne reproduiraient plus. Du rouge vif pour Jia Li ; elle contournait les conversations et personne ne se pencha vraiment sur son cas, ne désirant pas converser avec une bâtarde, et une mercenaire avérée. Du gris sombre pour Yichen et un joli blanc cassé pour son alchimiste ; ils déambulèrent parmi les sujets de Jiǎo huá, Wulong ne déclinait pas les débats, courtois, et le benjamin glissait régulièrement sa main sur ses hanches, lui arrachant des frissons plaisants. Du noir pour le Seigneur et une couleur nocturne pour le Jeune Maître, assortie à ses yeux ; ils écoutaient les différents propos et répondaient de temps à autre.
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La fosse des Lamentations
FantasyQuand le monde bascule dans l'ombre, seuls de véritables héros peuvent le sauver. Tout le monde pensait les connaître, que ce soient les cultivateurs, les prêtres, les immortels ou les mortels. Tous ont cru comprendre ce qu'avaient enduré les Champi...