Prologue - Un jour de deuil

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La pluie s'abat bruyamment sur la pierre des tombes fraîchement disposées en rang dans ce parc verdoyant et humide. De nombreuses gouttes coulent le long de la texture granuleuse et ruissellent dans les encoches tracées par la main humaine. Sur la stèle devant laquelle se tient un homme encapuchonné et dont les vêtements sont gorgés d'eau, les dix premières lettres visibles forment un nom : « P E T R A     R A L L E ».

Les yeux fixés sur ce nom propre, l'homme reste immobile, le visage enfoncé dans ce vêtement qui le couvre presque complètement. Dans son dos, sur sa cape, figure un emblème caractéristique qui n'inspire plus le respect ni l'admiration depuis longtemps : deux ailes, l'une bleue et l'autre blanche, sur fond vert.

La silhouette reste là, fixée sur cette tombe de fortune parmi tant d'autres, perdue au milieu de ce champ où les morts tombés au combat contre les titans reposent. Certaines dépouilles sont là, enfermées dans une boîte de bois à plus d'un mètre cinquante de profondeur, mais pour ceux qui ont péri extra-muros ce n'est qu'une plaque rocheuse qui surplombe un trou imaginaire. Malheureusement, il est impossible de ramener tous les corps parce qu'ils ont complètement été englouti par un titan, ou bien parce qu'ils sont bien trop mutilés ou tout simplement parce qu'il était impossible de s'occuper de ces corps sans risquer de perdre d'autres soldats, pour qui la survie ne tient déjà qu'à un fil.

Mademoiselle Ralle ne fait pas exception, contrairement à ses trois camarades de son escouade qui sont morts ce jour là, quelques instants avant elle...

Il finit par tomber à genoux et tend la main pour la poser sur la stèle, sa tête se baissant d'autant plus alors que des sanglots se font entendre, gagnant en intensité d'instant en instant.


— Pourquoi toi, pourquoi maintenant..?


La veille, trop occupé à préparer son paquetage et préparer la cérémonie du choix de corps d'armée, il n'avait pas eu le temps de trouver sa grande sœur quand il entendit, depuis la caserne, la grande porte se mettre en branle. Ce n'est que quelques minutes avant le début  de l'évènement qu'un soldat vint le trouver...


— Cadet Ralle, Thomas Ralle ? demanda l'officier vêtu d'une cape verte reconnaissable entre toutes.

Le jeune soldat encore sans affectation se retourna et détailla rapidement la personne qui l'abordait.

— Oui... C'est bien m... prononça-t-il avant de se couper lorsqu'il remarqua l'insigne des bataillons d'exploration, il comprit vite : quelque chose était arrivé à Petra.


Il se figea et son expression se décomposa. Le regard planté dans celui de l'officier, il n'osa rien dire de plus et attendit sagement la douloureuse nouvelle que s'apprêtait à annoncer l'homme marqué par les années de service.

Ce n'était pas la première fois et sûrement pas la dernière que cet officier allait trouver les proches d'un soldat tombé au combat pour leur annoncer un décès. La première fois qu'il dû s'acquitter de cette tâche, il se rassurait en se disant qu'avec le temps il pourrait le faire machinalement et que l'expression qu'il lisait là, sur le visage du cadet Ralle, ne lui ferait bientôt plus ni chaud ni froid... Mais il se trompait : c'était toujours aussi poignant et désagréable d'être celui qui porte d'aussi macabres nouvelles.

Il aurait aimé rallumer la flamme de l'espoir dans le regard de ce jeune homme en lui disant que les jours de sa sœur n'étaient pas en danger, qu'elle était seulement gravement blessée... Malheureusement la seule option était de lui servir la propagande habituelle : « Petra est morte en se sacrifiant glorieusement pour l'humanité et grâce à elle nous nous approchons un peu plus de notre victoire finale, elle faisait partie des braves et elle a fait honneur à notre blason. »

Le destin des Ackerman - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant