Chapitre 16

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Comme tous les jours, Jungkook m'accompagnait au bureau. Entre nous régnait une atmosphère maussade. Il savait que je ne reviendrais pas chez lui le soir et bien que moi j'essayais de garder la tête froide, l'idée de le quitter ne m'enchantait pas le moins du monde. En avançant vers mon bureau, je pensai à tout ce qui me manquerait le plus et je parvins rapidement à en faire une petite liste.

Tout d'abord, ce serait le sourire matinal de mon tendre garde du corps. Puis, nos discussions nocturnes alors que j'étais dans son lit et lui sur le canapé. Et pour finir, ces pancakes auxquels j'avais droit à chaque fois que je le désirais. Oui, notre petit quotidien allait me manquer, néanmoins, je savais que je sacrifiais cela pour notre futur ensemble.

- Es-tu sûre de ne pas vouloir rentrer à la maison ce soir ?

- Nous sommes sur mon lieu de travail. Vouvoyez-moi, Jeon, dis-je gentiment. Et oui. Je vais rentrer, mais chez moi.

Je tapai gentiment sur son épaule, essayant de le convaincre que notre séparation ne me posait aucun problème, quand nous entrâmes enfin dans l'espace dans lequel nous passions une grande partie de nos journées. Tout était exactement comme nous l'avions laissé la veille, hormis un petit détail qui ne dépendait pas de nous. Mon père était là, assis sur le sofa que Jungkook occupait habituellement.

- Tu es très ponctuelle, dit-il en se levant.

- Je suis toujours ponctuelle, papa.

Je ne fis ni une ni deux pour m'approcher de cet homme que j'admirais, puis je déposai un bisou sur sa joue. J'étais contente de le voir, néanmoins, il n'était jamais venue me rendre visite alors je fus immédiatement curieuse de la raison qu'il eut ce matin-là pour se montrer.

- D'habitude c'est moi qui viens à toi. Pourquoi, aujourd'hui, me fais-tu l'honneur de ta présence dans mon humble bureau ?

- Eh bien... Je voulais te dire que l'inhumation de Robin aura lieu dans deux jours.

- Samedi ? Et l'autopsie ? Qu'est-ce que ça a donné ? Questionnai-je, préoccupée.

- Ça n'a rien donné. Mais ce n'est pas pour ça que je suis là, avoua mon géniteur. Je suis venu pour te dire que nous n'allons pas à la cérémonie...et toi non plus.

- Quoi ? Robin était mon ami ! Je dois y aller !

- Et les affaires sont les affaires. Tu veux encore les trente-quatre pour cent ou non ? Alors tu restes tranquille.

Céthia me contourna comme si de rien n'était, alors que mon regard ne put faire autrement que le suivre. Je le vis serrer la main de Jungkook en lui glissant quelques silencieuses paroles, avant de quitter la pièce. J'étais outrée. Pourquoi n'aurais-je pas pu me présenter à l'enterrement de mon ami d'enfance ? C'était insensé, cependant, je sus que je n'avais pas d'autre choix que d'obéir lorsque Jungkook me regarda en secouant la tête avec désolation.

- Qu'est-ce qu'il t'a demandé de faire si je désobéis ?

- Te ramener chez toi et t'enfermer au sous-sol.

- Quel connard !

Je poussai un soupir de désespoir, puis je m'assis lourdement sur le canapé, tandis que mes yeux ne cessèrent de regarder l'homme que j'aimais. Il se sentait mal pour moi, son visage me le criait, néanmoins, il savait lui aussi qu'il serait forcé de suivre les ordres si nécessaire. J'étais dans une impasse et lui aussi. Nous ne pouvions que faire ce qu'il nous était demandé.

- Ça va aller ?

Je hochai la tête sans même vraiment prendre en compte la question du noiraud, et puis je me levai. Je pris rapidement le bras de Jeon, l'entraînant derrière jusqu'à l'étage '- 3' du bâtiment. Là-bas, nous regagnâmes le mustang noir que mon père m'avait offert le jour de mes dix-huit ans et nous quittâmes DeLayne Corporation.

- Où va-t-on, DeLayne ? Demanda Jungkook dès que nous arrivâmes sur la route principale.

- À l'hôpital, répondis-je avant que le garçon, confus, ne me regarde comme à son habitude dans le rétroviseur central. J'ai besoin de voir Robin.

- Tu penses que c'est une bonne idée ? Ton père-...

- Il m'a dit de ne pas assister à l'enterrement. Il ne m'a jamais dit que je ne pouvais pas faire un tour à la morgue.

Jungkook sourit aussitôt, puis nous discutâmes comme à notre habitude jusqu'à ce que nous arrivâmes au plus grand complexe hospitalier d'Octa. Sans perdre une minute de plus j'y entrai suivie de Jeon. Nous marchâmes pendant quelques minutes dans ses longs et larges couloirs luxueux, quand finalement, nous atteignîmes cet espace un peu retiré du reste de l'immense bâtiment.

La morgue était à quelques pas de moi, et je tenais dans ma main la clé qui permettait d'ouvrir la porte. Oui, pour arriver à mes fins je n'avais reculé devant rien, allant même jusqu'à soudoyer une infirmière pour qu'elle ne parle à personne de ma visite, et qu'elle me permette d'entrer dans cette pièce qui n'était réservée qu'au personnel et aux défunts.

Tout mon corps se glaça dès que je posai les pieds dans cette pièce lugubre. Mes yeux se posèrent aussitôt sur ces nombreuses colonnes réfrigérantes qui remplissaient les trois des façades de la salle. J'étais entourée par la mort et même si la putréfaction n'était pas odorante, le parfum qui pénétrait mes narines me provoquait des haut-le-cœur. J'aurais pu vomir à tout moment, cependant, je ne m'arrêtai pas.

Mes doigts effleurèrent la paillasse en acier qui se trouvait au centre de cette morgue, elle aussi aussi froide que le lieu. Je saisis rapidement le petit calepin qui se trouvait sur la table, tout près de l'ordinateur et puis, je me mis à le parcourir. Je cherchais le nom de mon ami tandis que je sentis Jungkook regarder par dessus mon épaule. Il était curieux, mais bien que je trouvais ça adorable, je ne pus sourire tant j'étais à la fois stressée et effrayée.

Mon cœur tressaillit lorsque je vis 'Robin Stelinger' écrit en capitale. Le doute quitta aussitôt mon esprit. "Il est vraiment parti." pensai-je avant que des larmes ne viennent brouiller ma vision. J'étais tétanisée à l'idée de le voir, néanmoins, j'assemblai tout de même tout mon courage, essuyant l'eau de mes yeux avant de me retourner.

- Pousse-toi, Jeon.

Bien sûr que je vis le noiraud froncer les sourcils tant il fut surpris de ma froideur, pourtant, je ne m'en préoccupai pas. J'étais bien trop occupée à contrôler mes émotions et à ne pas m'effonder que dès lorsque Jungkook fit un pas sur le côté, j'avançai jusqu'au cinquième tiroir de cette armoire de givrée.

Je savais sur quoi j'allais tomber, cependant, je n'hésitai pas une seule fois pour appuyer fortement sur la poignée. Je savais que j'allais voir le corps sans vivre de ce garçon qui m'aimait, cependant, cela ne m'empêcha pas d'ouvrir le cinquième compartiment sur toute sa longueur. J'essayai tellement de me détacher de la situation que je ne pensai pas beaucoup avant de doucement baisser le haut du drap blanc, le buste de mon ami se dévoilant à moi.

Robin était là, sans vie, et moi j'eus comme premier réflexe de poser ma main sur ses cheveux blonds qui avaient perdu toute leur douceur. Non, je n'arrivais pas à m'y faire, alors m'en remettre n'était même pas d'actualité. Je n'acceptais pas sa morte, pas après ce que je lui avais fait. J'avais menti en toute impunité alors que lui m'avait fait l'amour, et puis je ne lui avais plus parlé alors qu'il n'avait cessé de m'appeler.

Les traces de l'autopsie était bien présente sur son corps, cependant, il y avait aussi cette plaie d'une finesse absolue, celle qu'avait laissé ce poignard dans son cœur. Je voulais m'effonder, pleurer jusqu'à ce que je n'aie plus de larmes, crier jusqu'à ce que je n'en aie plus la voix et casser tout ce qui m'entourait rien que pour extérioriser ce qui me rongeait de l'intérieur, néanmoins, je n'en fis rien.

Je devais rester forte.

Je caressai délicatement sa joue glacée, malgré le fait que l'odeur de son corps qui luttait contre la décomposition commençait à se faire sentir hors de cet espace réfrigérant. Je fus nostalgie pendant plusieurs longues secondes, puis je souris en contemplant son visage pâle mais reposé, avant de replacer le drap comme il l'était initialement. C'était dur. Très dur. Cela me brisa le cœur une deuxième fois.

Je devais faire face à la réalité alors je fermai aussitôt le compartiment. J'avais dit au revoir à mon ami d'enfance, cependant, pour moi, le deuil, quel qu'il soit, n'avait jamais été simple, et ce fut pour cela que je me mis en tête de retrouver celui ou celle qui avait fait ça. Cette personne qui avait enlevé la vie de mon ami le plus doux.

𝐌𝐚𝐧𝐢𝐚𝐜 - 𝐉𝐄𝐎𝐍 𝐉𝐔𝐍𝐆𝐊𝐎𝐎𝐊 [𝐭𝐞𝐫𝐦𝐢𝐧𝐞́] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant