𝐌𝐚𝐧𝐢𝐚𝐜 - 𝐉𝐄𝐎𝐍 𝐉𝐔𝐍𝐆𝐊𝐎𝐎𝐊 [𝐭𝐞𝐫𝐦𝐢𝐧𝐞́]

Chapitre 64

Ce soir-là, mon silence tout au long du trajet angoissa mon époux, cependant, l'habitacle de la voiture n'en était pas pour autant silence. Les jumeaux babillaient depuis que nous fûmes hors de la maison où nous venions tout juste d'emménager, communiquant entre eux comme si leur language était la chose la plus logique qui soit, tandis qu'ils se trouvaient tous deux dans leurs sièges à l'arrière de la voiture.

- Ça va mon cœur ?

Je hochai la tête en gardant mon regard rivé sur les nombreux flocons de neige qui terminaient leurs périples sur le pare-brise, et puis je souris faiblement lorsque je sentis la main de Jungkook palper délicatement ma cuisse. Non, je n'étais ni en colère ni irritée, j'avais juste des appréhensions en ce soir où la quasi-totalité du pays fêtait le réveillon de Noël, et pour cause, j'allais enfin revoir les DeLayne après une année entière.

Ma fierté et mon amour pour Jeon m'avaient poussé à ne pas revoir les membres de ma famille, et ce malgré le fait que j'avais repris le travail dès le mois de juillet. Bien sûr, qu'il m'arrivait d'apercevoir ma sœur, mon frère, ou même mon père, cependant, à aucun moment je n'eus l'envie de leur adresser la parole jusqu'à ce que je reçoive une invitation de la part de Céthia et que mon mari ne me contraigne à l'accepter. J'avais toujours eu la rancœur tenace, pourtant, cette fois-ci, je m'étais moi-même étonnée en vivant si longtemps sans une pensée à l'égard de ma famille d'autrefois.

Après un an à me construire en tant que femme, mère et épouse, me retrouver sur le perron de mon ancien chez moi me donna le sentiment de régresser. Jamais en un an mon père ne m'avait accordé un regard, alors oui, pour lui, mon cœur était complètement scellés et ma carapace tout bonnement indestructible. Céthia, en un an, avait su me faire me sentir facilement remplaçable, et même si dans l'entreprise familiale j'avais grimpé les échelons telle une lionne affamée, jamais je ne m'étais sentie moins DeLayne qu'en ces derniers mois.

- Prête ? Interrogea Jungkook en serrant nerveusement ses paumes sur le manche de la poussette de nos enfants.

- Je crois...

Naturellement ou plutôt par habitude, je m'apprêtais à pousser la porte d'entrée, cependant, je me ravisai au dernier moment. Je n'étais plus chez moi, j'étais une invitée comme une autre, alors j'appuyai simplement sur la sonnette, patientant durant quelques courtes secondes avant que la grande porte ne s'ouvre pour me dévoiler madame Lee, la gouvernante de la demeure. La petite dame m'enferma aussitôt dans une douce étreinte, me laissant sourire contre son épaule avant qu'elle ne me libère pour en faire de même avec mon mari qu'elle avait toujours apprécié.

Beaucoup trop heureuse de me voir pour parler, elle nous fit rapidement signe d'entrer, et puis elle nous débarrassa de nos manteaux avant de se courber devant Adonis et Elijah, pinçant délicatement leurs petites joues pour les faire rire.

- Eh bien... Jungkook... Ils te ressemblent vraiment beaucoup !

Le nommé, fier, sourit immédiatement, puis la gouvernante nous informa que nous étions attendus au salon, laissant à Jungkook le temps de prendre Adonis dans ses bras et moi, ma petite fille, avant que nous ne lui emboitâmes le pas. Mon cœur battait à cent à l'heure dans ma poitrine pendant que mes hauts talons se faisaient entendre contre le sol en marbre, me signalant que j'avançais vers cette pièce où ils étaient tous.

Franchement, j'aurais pu faire demi-tour à tous moments, néanmoins, cela ne fut plus d'actualité dès l'instant où mon mari, mes enfants et moi entrâmes dans le salon, ses quatre paires d'yeux bien familiers se posant sur mon tandis qu'une cinquième en fit de même. J'avais face à moi mes parents, Kyan, Dalila et Luc, le mari de cette dernière, cependant, je ne sus pas vraiment quoi faire hormis déglutir, quand soudain, mes enfants se remirent à gazouiller pour détendre un minimum l'atmosphère.

- Bonsoir... Murmurai-je.

- Bonsoir, répondirent-ils tous en même temps.

- Venez vous asseoir. Nous vous attendions pour commencer à dîner.

La voix de mon père sembla être un souvenir lointain et je pris quelques secondes pour l'assimiler avant d'hocher la tête, la main libre de Jungkook se posant instantanément sur ma taille pour silencieusement me demander d'avancer jusqu'aux deux sièges libres côte à côte. 'Ce n'est même pas ma place.' pensais-je avant de prendre place et de constater que l'homme à qui ma sœur était mariée avait pris ma chaise autour de cette table.

- Seth... N'avais... N'avais-tu pas dit être enceinte de deux garçons ? S'enquit Cora sur un ton quelque peu hésitant.

- J'ai eu la surprise à la naissance.

Bizarrement, ma voix fut d'une froideur absolue, me prenant moi-même de court et ne laissant pas d'autre choix à ma mère que de hocher la tête avec un faible sourire. La tension était palpable et aucune discussion ne se fit entendre lorsque nous commençâmes à manger la nourriture raffinée qui convenait aux goûts de mon géniteur. Le moins que je puisse dire était que je ne me sentais plus du tout à ma place. Cette vie-là, celle qu'avait les DeLayne, n'était plus la mienne.

- J'ai entendu dire que Seth DeLayne avait encore doublé le chiffre d'affaires de la compagnie, dit Luc Jones qui était lui-même un associé de mon père. Est-ce vrai ?

- Je m'appelle Seth Jeon et non, je n'ai pas doublé, mais triplé le chiffre d'affaires de la compagnie de monsieur DeLayne.

Pauvre blondinet, j'avais réussi à l'embarrasser. Croyait-il vraiment qu'il pouvait se permettre de me parler sous prétexte qu'il était marié à ma sœur ? Je savais pertinemment que ce gars-là me voyait comme une menace puisqu'il désirait mon poste à la Corp, étant actionnaire majoritaire j'avais des privilèges auxquels il ne pouvait prétendre et comme j'avais pu le remarquer à de nombreuses reprises en réunion, cela faisait vraiment mal à sa fierté.

- Seth Jeon ? Interrogea Céthia après quelques instants. Avais-tu honte de ton nom ?

- Avoir honte d'un nom ? N'est-ce pas stupide ? Non, je n'avais pas honte de mon nom, monsieur DeLayne. J'avais juste honte de celui qui me l'avait transmis.

Mon père serra discrètement ses poings contre la table pour tenter tant bien que mal de dissimuler le fait que mes mots l'avaient blessé, néanmoins, il se calma en quelques secondes, recommençant à manger comme si de rien était tandis que je ne pouvais rien avaler tant j'étais mal à l'aise. Jungkook savait parfaitement que je ne me sentais pas très bien dans ce manoir, alors ce fut instinctivement me jeta des petits regards de temps à autres, m'articulant parfois de petits mots doux et rassurants.

- Comment s'appellent mon neveu et ma nièce, Jungkook ? Demanda Dalila avec le sourire en regardant tour à tour mes enfants.

- Adonis pour ce petit bonhomme, répondit-il en ajustant le pull du nommé. Et Elijah pour ma fille.

- Je suppose que Seth a insisté pour que sa fille ait un prénom masculin, lança Kyan en ricanant avant que mon époux ne hoche la tête. Elle a toujours voulu ça...

- Ils te ressemblent, constata ma mère, amusée. Puisque qu'ils sont ton portrait craché, ils doivent être des enfants à maman, non ?

- Doni est définitivement un fils à maman. Il reste collé à Seth le plus souvent, je dirais même que c'est un miracle qu'il soit avec moi là maintenant, confia mon époux en souriant. Mais Eli est plutôt une fille à papa. Elle s'endort toujours rapidement dans mes bras, mais c'est vrai qu'il y a toujours un moment où elle a besoin d'être câliné par sa maman.

- En tous cas, tu es un très bon père. Ça se voit.

L'affirmation de Cora me combla de joie, même si je ne laissai rien paraître. Je ne voulais pas que ces gens-là voient mon sourire, pourtant, je ne pouvais m'empêcher d'adorer lorsque l'on vantait les mérites de mon mari. J'aimais lorsqu'on l'appréciait à sa juste valeur, cela me rendant encore plus fière de l'avoir choisi ou plutôt, de l'avoir laissé me choisir, car pour rien au monde je n'aurais échangé notre amour.